Arrêt rendu par Conseil d’Etat
24-03-2021
n° 428462
Texte intégral :
Vu la procédure suivante :
M. C. A. a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d’annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de refus née du silence gardé par le maire de Saint-Sauveur-de-Puynormand (Gironde) sur sa demande du 19 octobre 2015 tendant à l’abrogation du plan local d’urbanisme de la commune et de condamner la commune à lui verser une somme de 76 500 € en réparation du préjudice qu’il estime avoir subi. Par un jugement n° 1600746 du 1er juin 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 17BX02573 du 28 décembre 2018, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté l’appel formé par M. A. contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 février et 27 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. A. demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Sauveur-de-Puynormand la somme de 5 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes,
– les conclusions de Mme B. D., rapporteure publique.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A. et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la commune de Saint-Sauveur-de-Puynormand.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A. a obtenu en janvier 2008 du maire de Saint-Sauveur de Puynormand (Dordogne) deux permis de construire relatifs chacun à une maison d’habitation sur des parcelles situées, à l’époque, en zone constructible du plan d’occupation des sols. Au cours de la construction, M. A. a sollicité deux permis de construire modificatifs qui ont été refusés par le maire, le 12 janvier 2012, en raison de ce que le nouveau plan local d’urbanisme, approuvé le 5 février 2008, avait entretemps classé les parcelles d’assiette en zone non constructible. Par un jugement du 1er juin 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. A. tendant à l’annulation du rejet implicite de sa demande d’abrogation du nouveau plan local d’urbanisme. M. A. se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 28 décembre 2018 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté son appel formé contre ce jugement.
2. En premier lieu, en jugeant que M. A. n’avait soulevé devant le tribunal aucun moyen relatif à la légalité du classement des parcelles litigieuses en zone non constructible, la cour ne s’est pas méprise sur la portée de ses écritures et n’a pas commis d’erreur de droit.
3. Si, en deuxième lieu, dans le cadre de la contestation d’un acte réglementaire intervenant après l’expiration du délai de recours contentieux contre cet acte, par la voie de l’exception ou sous la forme d’un recours pour excès de pouvoir contre le refus de l’abroger, la légalité des règles qu’il fixe, la compétence de son auteur et l’existence d’un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n’en va pas de même des conditions d’édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l’acte réglementaire lui-même et introduit avant l’expiration du délai de recours contentieux.
4. Il résulte des termes mêmes de l’arrêt attaqué que la cour a, en faisant application de la règle rappelée au point précédent, écarté comme inopérants plusieurs moyens dont elle était saisie.
5. D’une part, si M. A. soutient que la cour a, ce faisant, commis une erreur de droit en raison de ce que ces moyens étaient au nombre des vices de procédure dont l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme prévoit qu’ils peuvent être soulevés contre un plan local d’urbanisme sans condition de délai, il résulte des termes mêmes de cet article L. 600-1 que les règles qu’il fixe s’appliquent aux moyens soulevés par voie d’exception et non aux moyens dirigés contre un refus d’abrogation d’un plan local d’urbanisme.
6. D’autre part, M. A. n’est pas fondé à soutenir que la cour aurait, en faisant application des principes rappelés au point 3 à une décision administrative de refus d’abrogation qui est antérieure à la décision du Conseil d’Etat statuant au contentieux du 18 mai 2018 ayant dégagé ces mêmes principes, porté rétroactivement atteinte à son droit au recours.
7. En troisième lieu, aux termes de l’article R. 123-8 du code de l’urbanisme, dans sa version applicable au litige : « Les zones naturelles et forestières sont dites « zones N ». Peuvent être classés en zone naturelle et forestière les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison soit de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique, soit de l’existence d’une exploitation forestière, soit de leur caractère d’espaces naturels. […]. » Il appartient aux auteurs d’un plan local d’urbanisme de déterminer le parti d’aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d’avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. A cet effet, ils peuvent être amenés à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés par les dispositions citées ci-dessus, un secteur qu’ils entendent soustraire, pour l’avenir, à l’urbanisation.
8. En estimant, pour juger que le classement en zone N des parcelles servant d’assiette aux projets de M. A. n’était pas entaché d’illégalité, qu’elles présentaient le caractère d’un espace naturel, faisant partie d’un ensemble plus vaste resté également à l’état naturel et que, alors même qu’elles étaient desservies par les réseaux, leur classement s’inscrivait dans le parti d’aménagement retenu par le plan local d’urbanisme, consistant à préserver et mettre en valeur la coupure d’urbanisation existante, la cour a suffisamment motivé son arrêt et porté sur les faits de l’espèce une appréciation souveraine, exempte de dénaturation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. A. doit être rejeté. Toutefois il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à sa charge le versement à la commune de Saint-Sauveur-de-Puynormand de la somme qu’elle demande au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Décide :
Article 1er : Le pourvoi de M. A. est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Sauveur-de-Puynormand, présenté au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C. A. et à la commune de Saint-Sauveur-de-Puynormand.