Vu la procédure suivante :
M. A. B. a demandé au tribunal administratif de Caen d’annuler l’arrêté du 6 décembre 2017 par lequel le maire de la commune de Marigny-le-Lozon (Manche) a mis à sa charge une astreinte de 50 € par jour, dans la limite de 8 400 €, jusqu’à ce qu’il satisfasse à la mise en demeure signifiée par arrêté du 7 avril 2017 lui enjoignant d’éliminer les déchets présents sur sa propriété. Par un jugement n° 1800278 du 7 février 2020, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 20NT01183 du 5 mars 2021, la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté l’appel formé par M. B. contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 sept. et 23 déc. 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. B. demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Marigny-le-Lozon la somme de 3 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la directive n° 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008
– le code de l’environnement ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire,
– les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de M. B. et à la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de la commune de Marigny-le-Lozon.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire de la commune de Marigny-le-Lozon (Manche) a, par un arrêté du 6 décembre 2017 pris sur le fondement des dispositions de l’article L. 541-3 du code de l’environnement, mis à la charge de M. B. une astreinte de 50 € par jour, dans la limite de 8 400 €, jusqu’à ce que celui-ci ait satisfait à la mise en demeure du 7 avril 2017 tendant à ce qu’il « mette fin au dépôt sauvage de déchets » sur un terrain lui appartenant. M. B. se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 5 mars 2021 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté son appel formé contre le jugement du 7 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 6 décembre 2017.
2. Les dispositions de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement, pris pour la transposition de la directive n° 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008, définissent comme déchet « toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire », comme détenteur de déchets, toute personne qui se trouve en possession des déchets, et comme producteur de déchets, toute personne dont l’activité produit des déchets ou toute personne qui effectue des opérations de traitement des déchets conduisant à un changement de la nature ou de la composition de ces déchets. En vertu de l’article L. 541-2 du même code, tout producteur ou détenteur de déchets est tenu d’en assurer ou d’en faire assurer la gestion, conformément aux dispositions du chapitre relatif à la prévention et à la gestion des déchets du titre IV du code de l’environnement. Enfin, les dispositions de l’article L. 541-3 du code de l’environnement confèrent des pouvoirs de police spéciale aux autorités administratives compétentes à l’encontre d’un producteur ou d’un détenteur de déchets à qui il est reproché d’avoir abandonné, déposé ou géré des déchets contrairement aux prescriptions du même chapitre.
3. Un déchet au sens de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement cité au point précédent est un bien dont son détenteur se défait ou dont il a l’intention de se défaire, sans qu’il soit besoin de déterminer si ce bien a été recherché comme tel dans le processus de production dont il est issu. Aux fins d’apprécier si un bien constitue ou non un déchet au sens de ces dispositions, il y a notamment lieu de prendre en compte le caractère suffisamment certain d’une réutilisation du bien sans opération de transformation préalable. Lorsque des biens se trouvent, compte tenu en particulier de leur état matériel, de leur perte d’usage et de la durée et des conditions de leur dépôt, en état d’abandon sur un terrain, ils peuvent alors être regardés, comme des biens dont leur détenteur s’est effectivement défait et présenter dès lors le caractère de déchets au regard des dispositions de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement, alors même qu’ils y ont été déposés par le propriétaire du terrain. Au regard de ces critères, lorsque les circonstances révèlent que la réutilisation de ces biens sans transformation n’est pas suffisamment certaine, les seules affirmations du propriétaire indiquant qu’il n’avait pas l’intention de se défaire de ces biens, ne sont pas susceptibles de remettre en cause leur qualification comme déchet.
4. En premier lieu, pour juger que les objets accumulés par M. B., sur un terrain lui appartenant, lequel contestait les avoir abandonnés, pouvaient être regardés comme des déchets au sens des dispositions mentionnées au point 2, la cour administrative d’appel a relevé que le terrain était recouvert de très nombreux objets hétéroclites et usagés et précisé qu’il n’était pas établi qu’ils pourraient faire l’objet, sans transformation préalable, d’une utilisation ultérieure. Elle a ainsi caractérisé la situation d’abandon de biens dont, eu égard à leur état matériel, leur perte d’usage et aux modalités de leur dépôt, le détenteur, quoiqu’il les ait laissés entreposés sur un terrain lui appartenant, peut être regardé comme s’en étant effectivement défait, en leur donnant ainsi le caractère de déchets, après avoir pris en compte la circonstance que leur réutilisation sans opération de transformation préalable n’était pas suffisamment certaine. En jugeant, dès lors, que les objets se trouvant sur la propriété de M. B. devaient être regardés comme des déchets, la cour administrative d’appel qui n’a pas commis d’erreur de droit, n’a pas donné aux faits rappelés au point précédent une inexacte qualification juridique.
5. En troisième lieu, en vertu de l’article L. 541-3 du code de l’environnement l’autorité de police compétente peut : « 2° Faire procéder d’office, en lieu et place de la personne mise en demeure et à ses frais, à l’exécution des mesures prescrites. Les sommes consignées en application du 1° peuvent être utilisées pour régler les dépenses ainsi engagées ; / […] / 4° Ordonner le versement d’une astreinte journalière au plus égale à 1 500 € courant à compter d’une date fixée par la décision jusqu’à ce qu’il ait été satisfait aux mesures prescrites par la mise en demeure. […]. » En estimant que, par l’arrêté attaqué, le maire n’avait pas entendu faire application des dispositions du 2° de l’article L. 541-3 mais de celles du 4° de ce même article sur l’astreinte, la cour administrative d’appel n’a pas méconnu la portée dudit arrêté ;
6. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. B. doit être rejeté.
7. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de la commune de Marigny-le-Lozon qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. B. la somme de 3 000 € à verser à la commune de Marigny-le-Lozon, au titre des mêmes dispositions.
Décide :
Article 1er : Le pourvoi de M. B. est rejeté.
Article 2 : M. B. versera à la commune de Marigny-le-Lozon une somme de 3 000 €, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A. B. et à la commune de Marigny-le-Lozon.
Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.