Vu la procédure suivante :
L’association des riverains du Real Martin du Pont Vieux à l’écluse de Pourret, l’association Vie de l’eau – Var inondations écologisme, l’association syndicale autorisée des arrosants de Serre-Menu-Pierrefeu-du-Var, l’Union nationale des associations de lutte contre les inondations – Unalci, M. et Mme AA. K., M. et Mme AC., Mme Z. M., Mme F. G., Mme AD.-R. N., Mme A. B., M. et Mme D. O., M. et Mme H. Q., Mme R. S., M. H. V., M. Y. W., Mme E. C., M. et Mme P. I., M. L. J., M. T. U. et M. AB. X., ont demandé au tribunal administratif de Toulon d’annuler l’arrêté du 20 août 2014 par lequel le préfet du Var a déclaré d’utilité publique les acquisitions et travaux nécessaires à la réalisation de la voie de contournement nord de la commune de Pierrefeu-du-Var en vue de l’expropriation pour cause d’utilité publique au bénéfice du département du Var et emportant mise en compatibilité du plan local d’urbanisme. Par un jugement n° 1403721 du 27 avril 2017, le tribunal administratif a annulé l’arrêté du 20 août 2014 du préfet du Var.
Par un arrêt n° 17MA02587, 17MA04031 du 25 juin 2018, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel formé par le ministre de l’intérieur et le département du Var contre ce jugement.
Par un pourvoi, enregistrés le 21 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre de l’intérieur demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler les articles 2 et 3 de cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le décret n° 70-492 du 11 juin 1970 pris pour l’application de l’article 35 modifié de la loi du 8 avril 1946 concernant la procédure de déclaration d’utilité publique des travaux d’électricité et de gaz qui ne nécessitent que l’établissement de servitudes ainsi que les conditions d’établissement desdites servitudes ;
– le code de l’environnement ;
– le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;
– le code de justice administrative et l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Fanélie Ducloz, maître des requêtes en service extraordinaire,
– les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l’association des riverains du Real Martin du Pont Vieux à l’écluse de Pourret et autre et à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh avocat du département du Var ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, d’une part, par un arrêté du 10 février 2014, le préfet du Var a délivré au département du Var, sur le fondement de l’article L. 411-2 du code de l’environnement alors applicable, une dérogation aux interdictions de dérangement, de destruction d’individus et d’habitat de spécimens d’espèces animales protégées dans le cadre du projet de contournement routier nord de la commune de Pierrefeu-du-Var, arrêté qui a été annulé par un arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 1er juin 2018. D’autre part, par un arrêté du 20 août 2014, le préfet du Var a déclaré d’utilité publique les acquisitions et travaux nécessaires à la réalisation de la voie de contournement nord de la commune de Pierrefeu-du-Var en vue de l’expropriation pour cause d’utilité publique au bénéfice du département du Var et emportant mise en compatibilité du plan local d’urbanisme de cette commune. Cet arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Toulon en date du 27 avril 2017, confirmé par un arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille en date du 25 juin 2018, contre lequel le ministre de l’intérieur se pourvoit en cassation.
Sur le bien-fondé de l’arrêt attaqué :
2. Une opération ne peut être légalement déclarée d’utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier, les inconvénients d’ordre social, la mise en cause de la protection et de la valorisation de l’environnement, et l’atteinte éventuelle à d’autres intérêts publics qu’elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente.
3. Pour annuler l’arrêté du 20 août 2014 déclarant d’utilité publique les travaux de contournement nord de la commune de Pierrefeu-du-Var, la cour administrative d’appel a retenu que, si l’étude d’impact du projet faisait état d’un ensemble de mesures de réduction, de suppression et de compensation devant être prises en compte pour l’appréciation de son bilan d’utilité publique, l’annulation par une décision de justice de l’arrêté du préfet du Var en date du 10 février 2014 mettant en oeuvre ces mesures faisait obstacle à ce qu’il en soit tenu compte et en a déduit que le projet en cause portait, dès lors, une atteinte à l’environnement qui, ne pouvant être relativisée, l’emportait sur les avantages du projet dans des conditions de nature à lui retirer son caractère d’utilité publique. En statuant ainsi, alors qu’elle devait, pour apprécier le bilan de l’utilité publique du projet, prendre en compte les mesures prévues dans l’étude d’impact et destinées à éviter, réduire et compenser ses effets négatifs notables sur l’environnement, sans faire dépendre leur prise en compte à ce titre de la légalité de l’acte qui les a par ailleurs mises en oeuvre, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, que le ministre de l’intérieur est fondé, pour ce motif, à demander l’annulation des articles 2 et 3 de l’arrêt qu’il attaque.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :
5. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Par suite, les conclusions présentées par l’association syndicale autorisée des arrosants de Serre-Menu-Pierrefeu du Var et autre doivent être rejetées.
6. La cour administrative d’appel de Marseille a, par l’arrêt attaqué, rejeté l’appel du département du Var formé contre le jugement du tribunal administratif de Toulon comme tardif et donc irrecevable. Le département du Var n’a toutefois pas formé contre cet arrêt un pourvoi en cassation qu’il aurait été recevable à présenter. Si le Conseil d’Etat l’a mis en cause pour produire des observations sur le pourvoi régulièrement formé par le ministre de l’intérieur, cette circonstance n’a pas eu pour effet de lui conférer la qualité de partie à l’instance de cassation. Il s’en suit qu’il y a lieu de rejeter les conclusions du département du Var tendant à l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative.
Décide :
Article 1er : Les articles 2 et 3 de l’arrêt du 25 juin 2018 de la cour administrative d’appel de Marseille sont annulés.
Article 2 : L’affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d’appel de Marseille.
Article 3 : Les conclusions du département du Var tendant à l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l’intérieur, au département du Var, à l’association des riverains du Real Martin du Pont Vieux à l’écluse de Pourret et à l’association syndicale autorisée des arrosants de Serre-Menu-Pierrefeu-du-Var.
Copie en sera adressée à l’association Vie de l’eau – Var inondations ecologisme, à M. et Mme AA. K., M. et Mme AC., Mme Z. M., Mme F. G., Mme AD.-R. N., Mme A. B., M. et Mme D. O., M. et Mme H. Q., Mme R. S., M. H. V., M. Y. W., Mme E. C., M. et Mme P. I., M. L. J., M. T. U., et M. AB. X., et à l’Union nationale des associations de lutte contre les inondations – Unalci.