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Autorisations d’urbanisme : une demande illégale de pièce complémentaire ne rompt pas le silence de l’administration (en cas de décision tacite) !

Arrêt rendu par Conseil d’Etat
sect.
09-12-2022
n° 454521
Texte intégral :
Vu la procédure suivante :

La société Télédiffusion de France (TDF) a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de l’arrêté du 1er décembre 2020 par lequel le maire de Saint-Herblain s’est opposé à sa déclaration préalable de travaux portant sur l’implantation d’une antenne-relais de téléphonie mobile et la pose d’une clôture, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par une ordonnance n° 2105844 du 28 juin 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a fait droit à sa demande et a enjoint à la commune de Saint-Herblain de lui délivrer l’attestation de non-opposition prévue à l’article R. 424-13 du code de l’urbanisme dans un délai de quinze jours.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juillet et 29 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune de Saint-Herblain demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de la société TDF la somme de 3 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu

– le code de l’urbanisme ;

– le code des relations entre le public et l’administration ;

– la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

– le décret n° 2019-481 du 21 mai 2019 ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de la commune de Saint-Herblain et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société TDF ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Nantes que la société TDF a déposé, le 27 juillet 2020, un dossier de déclaration préalable en vue de l’implantation d’une antenne-relais de téléphonie mobile sur le territoire de la commune de Saint-Herblain (Loire-Atlantique). Par un courrier du 11 août 2020, le maire de la commune lui a demandé de compléter son dossier en précisant sur le plan de masse des constructions à édifier la simulation de l’exposition aux ondes émises par l’installation projetée. La société TDF a fourni le document demandé le 5 novembre 2020. Par un arrêté du 1er décembre 2020, le maire de la commune de Saint-Herblain s’est opposé à la réalisation de ces travaux au motif que le projet porterait atteinte à son environnement proche. La société TDF a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes la suspension de l’exécution de la décision du maire de Saint-Herblain de s’opposer à la réalisation des travaux et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative. La commune de Saint-Herblain se pourvoit en cassation contre l’ordonnance du 28 juin 2021 par laquelle le juge des référés a fait droit à cette demande et lui a enjoint de délivrer à la société TDF l’attestation de non-opposition prévue à l’article R. 424-13 du code de l’urbanisme dans un délai de quinze jours.

2. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.».

Sur le cadre juridique :

3. Aux termes de l’article L. 423-1 du code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique : « Les demandes de permis de construire, d’aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont présentées et instruites dans les conditions et délais fixés par décret en Conseil d’Etat. / Le dossier joint à ces demandes et déclarations ne peut comprendre que les pièces nécessaires à la vérification du respect du droit de l’Union européenne, des règles relatives à l’utilisation des sols et à l’implantation, à la destination, à la nature, à l’architecture, aux dimensions et à l’assainissement des constructions et à l’aménagement de leurs abords ainsi que des dispositions relatives à la salubrité ou à la sécurité publique ou relevant d’une autre législation dans les cas prévus au chapitre V du présent titre. / […] / Aucune prolongation du délai d’instruction n’est possible en dehors des cas et conditions prévus par ce décret. / […]. »

4. S’agissant du dépôt et de l’instruction des déclarations préalables, l’article R. 423-22 du code de l’urbanisme prévoit que « […] Le dossier est réputé complet si l’autorité compétente n’a pas, dans le délai d’un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41. » L’article R. 423-23 du même code fixe à un mois le délai d’instruction de droit commun pour les déclarations préalables. L’article R. 423-38 dispose que : « Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du [livre IV de la partie réglementaire du code relatif au régime applicable aux constructions, aménagements et démolitions], l’autorité compétente, dans le délai d’un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l’auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d’avis de réception […] indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes. » Aux termes de l’article R. 423-39 : « L’envoi prévu à l’article R. 423-38 précise : / a) Que les pièces manquantes doivent être adressées à la mairie dans le délai de trois mois à compter de sa réception ; / b) Qu’à défaut de production de l’ensemble des pièces manquantes dans ce délai, la demande fera l’objet d’une décision tacite de rejet en cas de demande de permis ou d’une décision tacite d’opposition en cas de déclaration ; / c) Que le délai d’instruction commencera à courir à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie. » Aux termes de l’article R. 423-41 du même code dans sa rédaction issue du décret du 21 mai 2019 modifiant diverses dispositions du code de l’urbanisme pris pour l’application de la loi du 23 novembre 2018 : « Une demande de production de pièce manquante notifiée après la fin du délai d’un mois prévu à l’article R*423-38 ou ne portant pas sur l’une des pièces énumérées par le présent code n’a pas pour effet de modifier les délais d’instruction définis aux articles R*423-23 à R*423-37-1 et notifiés dans les conditions prévues par les articles R*423-42 à R*423-49. » Enfin, l’article R. 424-1 du même code prévoit qu’à défaut de notification d’une décision expresse dans le délai d’instruction, déterminé comme il vient d’être dit, le silence gardé par l’autorité compétente vaut décision de non-opposition à la déclaration préalable.

5. Il résulte de ces dispositions qu’à l’expiration du délai d’instruction tel qu’il résulte de l’application des dispositions du chapitre III du titre II du livre IV du code de l’urbanisme relatives à l’instruction des déclarations préalables, des demandes de permis de construire, d’aménager ou de démolir, naît une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite. En application de ces dispositions, le délai d’instruction n’est ni interrompu, ni modifié par une demande, illégale, tendant à compléter le dossier par une pièce qui n’est pas exigée en application du livre IV de la partie réglementaire du code de l’urbanisme. Dans ce cas, une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite naît à l’expiration du délai d’instruction, sans qu’une telle demande puisse y faire obstacle.

Sur le pourvoi :

6. En premier lieu, pour estimer qu’il existait un doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a relevé que la pièce complémentaire demandée par la commune de Saint-Herblain au cours de l’instruction de la déclaration préalable n’était pas au nombre des pièces exigées par le code de l’urbanisme et que cette demande n’avait pu légalement proroger le délai d’instruction. Il en a déduit que la société TDF devait être regardée comme titulaire d’une décision implicite de non-opposition à déclaration préalable acquise à l’expiration du délai d’instruction, que la décision attaquée a eu pour objet de retirer sans respecter la procédure contradictoire préalable prévue à l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration, et en méconnaissance des dispositions de l’article 222 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique qui interdisent, jusqu’au 31 décembre 2022, de retirer les décisions d’urbanisme autorisant ou ne s’opposant pas à l’implantation d’antennes de radiotéléphonie mobile avec leurs systèmes d’accroche et leurs locaux et installations techniques. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu’en statuant ainsi, il n’a pas commis d’erreur de droit.

7. En second lieu, aux termes de l’article L. 511-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n’est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais. » Aux termes de l’article L. 911-1 de ce code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution. »

8. Il résulte de ce qui précède que lorsque le juge des référés, saisi de conclusions à fin de suspension, décide d’ordonner des mesures conservatoires, celles-ci ne produisent leurs effets que dans l’attente du jugement au fond de la requête à fin d’annulation de la décision contestée. Dès lors, le moyen tiré de ce que le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a méconnu son office en omettant de préciser que le certificat de non-opposition à déclaration préalable qu’il a ordonné à la commune de Saint-Herblain de délivrer à la société TDF revêtait un caractère provisoire ne peut qu’être écarté, une telle mesure ayant, par nature, un effet provisoire.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Herblain n’est pas fondée à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée.

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Ces dispositions font, en l’espèce, obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement par la commune de Saint-Herblain. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à sa charge le versement à la société TDF de la somme de 3 000 € au titre des frais exposés devant le Conseil d’Etat et devant le tribunal administratif de Nantes et non compris dans les dépens.

Décide :

Article 1er : Le pourvoi de la commune de Saint-Herblain est rejeté.

Article 2 : La commune de Saint-Herblain versera à la société TDF la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Télédiffusion de France et à la commune de Saint-Herblain.

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