Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 26 septembre 2022, le maire de Livry-Gargan a opposé à la demande de permis de construire présentée par la société H et A pour la réalisation d’un immeuble d’habitation collectif de cinquante-six logements un sursis à statuer en application de l’article L. 153-11 du code de l’urbanisme. Par un arrêt du 26 septembre 2024, la cour administrative d’appel de Paris a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, le recours de la commune de Livry-Gargan contre le jugement du 29 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a annulé pour excès de pouvoir la décision du 26 septembre 2022 et enjoint à la commune de délivrer le permis sollicité.
Sur la compétence du Conseil d’Etat :
2. Aux termes de l’article R. 811-1-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue du décret du 24 juin 2022 portant modification du code de justice administrative et du code de l’urbanisme, entrée en vigueur le 1er septembre 2022, applicable à la commune de Livry-Gargan en vertu du décret du 10 mai 2013 relatif au champ d’application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l’article 232 du code général des impôts : » (…) les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours contre : / 1° Les permis de construire ou de démolir un bâtiment comportant plus de deux logements, les permis d’aménager un lotissement, les décisions de non-opposition à une déclaration préalable autorisant un lotissement ou les décisions portant refus de ces autorisations ou opposition à déclaration préalable lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d’une des communes mentionnées à l’article 232 du code général des impôts et son décret d’application (…) ».
3. Une décision de sursis à statuer doit être regardée comme une décision de refus d’autorisation ou d’opposition à déclaration préalable au sens des dispositions de l’article R. 811-1-1 du code de justice administrative, qui ont pour objectif, dans les zones où la tension entre l’offre et la demande de logements est importante, de réduire le délai des recours contentieux afin d’accélérer la réalisation d’opérations de construction de logements.
4. Il s’ensuit que le jugement du 29 avril 2024 a été rendu en dernier ressort par le tribunal administratif de Montreuil. Dès lors, la commune requérante n’est pas fondée à soutenir que son recours contre ce jugement, qui présente le caractère d’un pourvoi en cassation, ne relèverait pas de la compétence du Conseil d’Etat.
Sur le pourvoi :
5. D’une part, aux termes de l’article L. 153-11 du code de l’urbanisme : » L’autorité compétente (…) prescrit l’élaboration du plan local d’urbanisme et précise les objectifs poursuivis et les modalités de concertation, (…). L’autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l’article L. 424-1, sur les demandes d’autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan dès lors qu’a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durable « . Aux termes de l’article L. 424-1 du même code : » L’autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou, en cas d’opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable. / Il peut être sursis à statuer sur toute demande d’autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus au (…) L. 153-11 (…) du présent code (…) « . Il résulte de ces dispositions qu’un sursis à statuer ne peut être opposé à une demande de permis de construire, sur le fondement de ces dispositions, postérieurement au débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durable, qu’en vertu d’orientations ou de règles que le futur plan local d’urbanisme pourrait légalement prévoir et à la condition que la construction, l’installation ou l’opération envisagée soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution.
6. D’autre part, aux termes de l’article L. 410-1 du même code : » (…) Lorsqu’une demande d’autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d’un certificat d’urbanisme, les dispositions d’urbanisme (…) tels qu’ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l’exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. (…) » Il résulte de ces dispositions que tout certificat d’urbanisme délivré sur le fondement de l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme a pour effet de garantir à son titulaire un droit à voir toute demande d’autorisation ou de déclaration préalable déposée dans le délai indiqué examinée au regard des règles d’urbanisme applicables à la date de la délivrance du certificat. A ce titre, l’administration est fondée, lorsqu’est remplie, à la date de délivrance du certificat, la condition mentionnée à l’article L. 153-11 du même code, à opposer un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis de construire concernant un projet qui serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan.
7. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’ainsi que le tribunal l’a relevé, à la date du 17 mars 2022 à laquelle un certificat d’urbanisme a été délivré à la société H et A, le projet de plan d’aménagement et de développement durable du plan local d’urbanisme en cours d’élaboration comportait, postérieurement au débat sur ses orientations générales, d’une part, dans son axe n° 3, une orientation selon laquelle, dans certaines zones définies par un document graphique, les » caractéristiques des tissus pavillonnaires » étaient à conforter et leurs » évolutions qualitatives » à encourager et, d’autre part, dans son axe n° 1 une orientation consistant à » promouvoir des objectifs ambitieux en matière de pleine terre » et à » préserver les propriétés des sols vivants « , en tenant compte des caractéristiques et des capacités différentes des tissus urbains. En jugeant que le motif tiré de ce que le projet attaqué était de nature à compromettre la réalisation de la première de ces orientations n’était pas de nature à fonder le sursis litigieux, dès lors que son terrain d’assiette se trouvait en dehors des zones pavillonnaires définies par le document graphique, et que la réalisation de la seconde orientation n’était pas compromise par l’insuffisance de la surface de pleine terre conservée par le projet, pour refuser de substituer ce motif aux deux motifs de sursis qui avaient été opposés par la commune dans sa décision, le tribunal administratif de Montreuil a porté sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine, exempte de dénaturation.
8. Il suit de là que la commune de Livry-Gargan n’est pas fondée à demander l’annulation du jugement qu’elle attaque.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Livry-Gargan une somme de 3 000 euros à verser à la société H et A au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la société H et A, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la commune de Livry-Gargan est rejeté.
Article 2 : La commune de Livry-Gargan versera à la société H et A une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Livry-Gargan et à la société par actions simplifiée H et A.
Délibéré à l’issue de la séance du 8 septembre 2025 où siégeaient : M. Denis Piveteau, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Gaëlle Dumortier, Mme Anne Courrèges, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Édouard Geffray, Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, M. Raphaël Chambon, M. Jean-Dominique Langlais, conseillers d’Etat et M. Pierre Boussaroque, conseiller d’Etat-rapporteur.
Rendu le 1er octobre 2025.
Le président :
Signé : M. Denis Piveteau
Le rapporteur :
Signé : M. Pierre Boussaroque
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber
ECLI:FR:CECHR:2025:498169.20251001