Les dernières nouvelles

Fiscalité de l’urbanisme : comment recouvrer la Taxe d’Aménagement ?

Conseil d’État 

N° 410670    
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
8ème – 3ème chambres réunies
M. Etienne de Lageneste, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public

lecture du lundi 5 mars 2018

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Mme B…a demandé au tribunal administratif de Nancy d’annuler les deux titres de perception émis le 13 octobre 2015 à son encontre par le préfet de Meurthe-et-Moselle au titre de la taxe d’aménagement et d’ordonner à la commune de Richardménil le remboursement des sommes de 1 181 euros et de 172 euros indûment versées aux mois d’août 2014 et de décembre 2015. Par un jugement n° 1503288 du 21 mars 2017, le tribunal administratif a annulé le titre de perception n° LORR 15 26600028858 du 13 octobre 2015 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par un pourvoi, enregistré le 18 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre de la cohésion des territoires demande au Conseil d’Etat d’annuler l’article 1er de ce jugement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Etienne de Lageneste, maître des requêtes en service extraordinaire,

– les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A…s’est vue délivrer, le 16 août 2012, un permis de construire par le maire de la commune de Richardménil (Meurthe-et-Moselle). Le 1er août 2014, la direction départementale des territoires de Meurthe-et-Moselle a émis à son encontre, en vue du recouvrement de la taxe d’aménagement dont ce permis constituait le fait générateur, un titre de perception d’un montant de 1 181 euros, somme dont Mme A… s’est acquittée. Constatant que la taxe d’aménagement avait été liquidée à un taux erroné, l’administration a, le 13 octobre 2015, d’une part, annulé le titre de perception précédemment émis et, d’autre part, émis deux nouveaux titres de perception d’un montant de 1 353 euros chacun. Mme A…a demandé l’annulation de ces deux titres de perception et la décharge de la taxe d’aménagement correspondante. Par un jugement du 21 mars 2017, le tribunal administratif de Nancy a annulé le second de ces titres de perception et rejeté le surplus des conclusions de la requête. Le ministre de la cohésion des territoires se pourvoit en cassation contre ce jugement en tant que, par son article 1er, il a annulé ce second titre de perception.

2. Aux termes de l’article L. 331-21 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige :  » Le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’au 31 décembre de la troisième année qui suit, selon les cas, celle de la délivrance de l’autorisation de construire ou d’aménager, celle de la décision de non-opposition ou celle à laquelle l’autorisation est réputée avoir été accordée « . Aux termes de l’article L. 331-24 du code de l’urbanisme :  » La taxe d’aménagement et la pénalité dont elle peut être assortie en vertu de l’article L. 331-23 sont recouvrées par les comptables publics compétents comme des créances étrangères à l’impôt et au domaine. / Le recouvrement de la taxe fait l’objet de l’émission de deux titres de perception correspondant à deux fractions égales à la moitié de la somme totale à acquitter, ou de l’émission d’un titre unique lorsque le montant n’excède pas 1 500 euros. / Les titres sont respectivement émis douze et vingt-quatre mois après la date de délivrance de l’autorisation de construire ou d’aménager, la date de la décision de non-opposition ou la date à laquelle l’autorisation est réputée avoir été accordée « . Ces dispositions ont pour effet, lorsque le montant de la taxe d’aménagement excède 1 500 euros, d’une part, de rendre obligatoire l’émission de deux titres de perception d’un même montant, d’autre part, de faire obstacle à l’émission du premier de ces titres moins de douze mois après la date de délivrance de l’autorisation de construire ou d’aménager, la date de la décision de non-opposition ou la date à laquelle l’autorisation est réputée avoir été accordée et à l’émission du second de ces titres moins de vingt-quatre mois après les mêmes dates, sans imposer par ailleurs un délai minimal de douze mois entre l’émission des deux titres.

3. Dès lors, en jugeant que ces dispositions avaient pour effet d’imposer à l’administration, lorsque le montant de la taxe d’aménagement excède 1 500 euros, un délai de douze mois entre l’émission de chacun des deux titres de perception, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. Par suite, le ministre de la cohésion des territoires est fondé à demander l’annulation de l’article 1er du jugement qu’il attaque.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler, dans cette mesure, l’affaire au fond en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative.

5. Aux termes de l’article L. 331-2 du code de l’urbanisme :  » La part communale ou intercommunale de la taxe d’aménagement est instituée : / 1° De plein droit dans les communes dotées d’un plan local d’urbanisme ou d’un plan d’occupation des sols, sauf renonciation expresse décidée par délibération dans les conditions prévues au neuvième alinéa ; / 2° Par délibération du conseil municipal dans les autres communes (…) « . Aux termes de l’article L. 331-5 du même code :  » Les délibérations prises en application des articles L. 331-1 à L. 331-4 sont adoptées au plus tard le 30 novembre pour entrer en vigueur au 1er janvier de l’année suivante et sont transmises aux services de l’Etat chargés de l’urbanisme dans le département au plus tard le premier jour du deuxième mois qui suit la date à laquelle elles ont été adoptées « . Aux termes de l’article L. 331-14 du même code, dans sa rédaction applicable au litige :  » Par délibération adoptée avant le 30 novembre, les communes ou établissements publics de coopération intercommunale bénéficiaires de la part communale ou intercommunale de la taxe d’aménagement fixent les taux applicables à compter du 1er janvier de l’année suivante. / Les communes ou établissements publics de coopération intercommunale peuvent fixer des taux différents dans une fourchette comprise entre 1 % et 5 %, selon les aménagements à réaliser, par secteurs de leur territoire définis par un document graphique figurant, à titre d’information, dans une annexe au plan local d’urbanisme ou au plan d’occupation des sols. (…) / La délibération est valable pour une période d’un an. Elle est reconduite de plein droit pour l’année suivante si une nouvelle délibération n’a pas été adoptée dans le délai prévu au premier alinéa. / En l’absence de toute délibération fixant le taux de la taxe, ce dernier est fixé à 1 % dans les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale où la taxe est instituée de plein droit « . Aux termes de l’article L. 331-19 du même code :  » Les services de l’Etat chargés de l’urbanisme dans le département sont seuls compétents pour établir et liquider la taxe « . Aux termes de l’article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales :  » Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu’il a été procédé à leur publication ou affichage (…) ainsi qu’à leur transmission au représentant de l’Etat dans le département ou à son délégué dans l’arrondissement « . Il résulte de ces dispositions qu’une délibération instituant la taxe d’aménagement ou fixant son taux est applicable à une opération de construction ou d’aménagement à la double condition qu’elle ait été adoptée avant le 30 novembre de l’année qui précède celle au cours de laquelle cette opération a été autorisée et qu’elle ait fait l’objet, à la date de l’autorisation d’urbanisme qui constitue le fait générateur de la taxe d’aménagement, de la transmission au représentant de l’Etat dans le département au titre du contrôle de légalité. En revanche, le caractère exécutoire d’une délibération entrant dans le champ de l’article L. 331-5 du code de l’urbanisme n’est pas subordonné au respect de l’obligation, que prévoit cet article, de transmission aux services de l’Etat chargés de l’urbanisme dans le département.

6. En premier lieu, il résulte de l’instruction que, par délibération du 28 novembre 2011, la commune de Richardménil a institué sur l’ensemble de son territoire la taxe d’aménagement au taux de 5 % et que cette délibération a été transmise au représentant de l’Etat dans le département le 21 décembre 2011. Dès lors, en application des dispositions combinées des articles L. 331-5 du code de l’urbanisme et L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, le taux de 5 % était applicable aux opérations soumises à la taxe d’aménagement à raison de faits générateurs intervenus au cours de l’année 2012, sans que puisse, en tout état de cause, y faire obstacle la circonstance que les services de l’Etat chargés de l’urbanisme dans le département n’auraient eu connaissance qu’ultérieurement de la délibération du 28 novembre 2011. Par suite, la requérante n’est pas fondée à soutenir que le titre de perception qu’elle attaque serait dépourvu de base légale.

7. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 2 que la direction départementale des territoires de Meurthe-et-Moselle pouvait, dans le délai de reprise prévue à l’article L. 331-21 du code de l’urbanisme et sans méconnaître l’article L. 331-24 du même code, émettre simultanément le 13 octobre 2015 les deux titres de perception prévus par cet article, cette date étant postérieure de plus de vingt-quatre mois à la date de délivrance du permis de construire. La requérante n’est, par ailleurs pas fondée à soutenir que le montant de la taxe ainsi mise en recouvrement devait être diminué de la somme de 1181 euros dont elle s’est acquittée en règlement du titre de recettes émis le 1er août 2014 dès lors que ce titre a été annulé simultanément à l’émission des deux titres en litige, cette somme ayant au demeurant, ainsi qu’il ressort du certificat administratif établi le 9 janvier 2017 par le directeur départemental des finances publiques de Meurthe-et-Moselle, été imputée par voie de compensation sur les sommes dues en règlement de ces titres.

8. En troisième lieu, Mme A…ne peut utilement se prévaloir de ce que la rectification du montant de la taxe d’aménagement mise à sa charge méconnaîtrait le principe de confiance légitime, principe général du droit de l’Union européenne qui ne peut être invoqué qu’à l’occasion de la mise en oeuvre du droit de l’Union européenne

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les fins de non-recevoir soulevées par la commune de Richardménil et par le préfet de Meurthe-et-Moselle, que Mme A…n’est pas fondée à demander l’annulation du second des titres de perception émis le 13 octobre 2015. Par suite, sa demande doit être rejetée.

10. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l’Etat ou de la commune de Richardménil, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes.

11. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Richardménil au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :
————–
Article 1er : L’article 1er du jugement du tribunal administratif de Nancy du 21 mars 2017 est annulé.
Article 2 : La requête de Mme A…devant le tribunal administratif de Nancy tendant à l’annulation du titre de perception n° LORR 15 26600028858 du 13 octobre 2015 est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de Mme A…et de la commune de Richardménil présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de la cohésion des territoires, à Mme B…et à la commune de Richardménil.

Regardez aussi !

Urbanisme commercial : l’article L752-21 du code de commerce oblige t-il la CNAC à tenir compte du premier avis défavorable et des observations du pétitionnaire ?

Conseil d’État, 4ème – 1ère chambres réunies, 21/07/2023, 461753 Texte intégral RÉPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM …