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Lotissement : après une non-opposition à une DAACT (division lotissement), se prévaloir de la cristallisation des règles d’urbanisme attachées au lotissement autorisé !

Arrêt rendu par Conseil d’Etat
18-10-2024
n° 473828
Texte intégral :
Vu la procédure suivante :

Mme A. D., M. B. N., Mme I. N., M. G. E., Mme H. E., M. L. K., Mme M. K., Mme J. K., M. B. F. et Mme C. F. ont demandé au tribunal administratif de Lyon d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 15 février 2022 par lequel le maire de Saint-Didier-au-Mont-d’Or (Rhône) a accordé à la société Fornas Promotion Construction un permis de construire afin d’édifier trente logements sur un terrain situé 39, chemin de Plantefort, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux. Par un jugement n° 2205248 du 2 mars 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 4 mai et 3 août 2023 et les 1er février et 20 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Mme D. et autres demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de la société Fornas Promotion Construction la somme de 4 500 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le code de l’urbanisme ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseillère d’Etat,

– les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet François Pinet, avocat de Mme A. D. et autres, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano & Goulet, avocat de la commune de Saint-Didier-au-Mont-d’Or et à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de la société Fornas Promotion Construction ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Fornas Promotion Construction a déposé, au nom des propriétaires indivisaires, une demande préalable valant division en 4 lots (A, B, C, D) des parcelles cadastrées AM nos 24, 39 et 335 situées au lieu-dit Crécy-Nord, sur le territoire de la commune de Saint-Didier-au-Mont-d’Or (Rhône), qui a donné lieu, le 30 août 2018, à une autorisation tacite de non-opposition, devenue définitive. Les lots A, C et D ont été cédés à la société Fornas Promotion Construction les 27 et 28 août 2021. Le lot B, seul destiné à être bâti, n’a pas été cédé. Par un arrêté du 15 février 2022, le maire a délivré à la société Fornas Promotion Construction un permis de construire valant division parcellaire, sur un terrain rassemblant les parcelles cadastrées AM nos 23, 24, 335, 36 et 39, pour trente logements répartis entre seize maisons individuelles et six bâtiments devant accueillir quatorze logements sociaux intermédiaires. Les constructions autorisées devaient être réalisées sur le lot B, les lots C et D comprenant une partie de la voie de desserte des constructions, également destinée à traverser le lot B, et le lot A n’étant pas inclus dans l’assiette du projet de construction. Mme D. et autres se pourvoient en cassation contre le jugement du 2 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de ce permis de construire ainsi que du rejet de leur recours gracieux.

Sur le moyen tiré de l’erreur de droit commise par le tribunal en jugeant applicable l’article L. 442-14 du code de l’urbanisme :

2. Aux termes de l’article L. 442-1 du code de l’urbanisme : « Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d’une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis. » L’article L. 442-14 du même code dispose que : « Lorsque le lotissement a fait l’objet d’une déclaration préalable, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme nouvelles intervenues depuis la date de non-opposition à la déclaration préalable, et ce pendant cinq ans à compter de cette même date […]. » L’article R* 424-18 du même code prévoit que : « Lorsque la déclaration porte sur un changement de destination ou sur une division de terrain, la décision devient caduque si ces opérations n’ont pas eu lieu dans le délai de trois ans à compter de la notification mentionnée à l’article R* 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. »

3. Il résulte, en premier lieu, de ces dispositions qu’une division en propriété ou en jouissance d’une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës constitue un lotissement dès lors que l’un au moins des terrains issus de cette division est destiné à être bâti.

4. En second lieu, dès lors que la division foncière a été réalisée par le transfert en propriété ou en jouissance d’une partie au moins des lots dans le délai de validité de l’arrêté de non-opposition à déclaration préalable prévu par l’article R* 424-18 du code de l’urbanisme cité au point 2, le bénéficiaire de cet arrêté peut se prévaloir, à l’occasion d’une demande de permis de construire, des droits attachés, en vertu de l’article L. 442-14 du même code, au lotissement autorisé. Est sans incidence, à cet égard, la circonstance que le lot destiné à être bâti n’ait pas lui-même fait l’objet d’un transfert en propriété ou en jouissance.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond, ainsi qu’il a été dit au point 1, que la cession des lots A, C et D à la société Fornas Promotion Construction est intervenue les 27 et 28 août 2021, soit avant l’expiration du délai de caducité de trois ans de la décision de non-opposition à déclaration préalable de division fixé par l’article R* 424-18 du code de l’urbanisme, lequel arrivait à échéance le 30 août suivant. Si le lot B, seul destiné à être bâti, n’a pas été cédé avant cette date, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que la cession des trois autres lots suffisait à caractériser la mise en oeuvre des opérations de lotissement. Par suite, c’est sans erreur de droit que le tribunal administratif a jugé que la société pétitionnaire pouvait se prévaloir, à l’occasion de sa demande de permis de construire, des droits attachés, en vertu de l’article L. 442-14 du code de l’urbanisme cité au point 2, au lotissement autorisé, dont relève le projet de construction et, par suite, que la légalité de la décision attaquée devait être appréciée non au regard des règles du plan local d’urbanisme approuvé par une délibération du conseil métropolitain de la métropole de Lyon du 13 mai 2019 et opposable depuis le 18 juin 2019, mais de celles du précédent plan local d’urbanisme en date du 11 juillet 2015.

Sur les autres moyens du pourvoi :

6. En premier lieu, le tribunal administratif ayant répondu au moyen tiré de l’absence de réalisation du lotissement faute de transfert de propriété ou de jouissance du lot B, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que celui-ci se serait mépris sur la portée de leurs écritures en les analysant comme se bornant, sans soulever ce moyen, à se prévaloir de l’illégalité de la décision tacite de non-opposition à la déclaration préalable de division.

7. En deuxième lieu, si le jugement attaqué mentionne à tort que le permis de construire porte sur les lots A, B, C et D, alors que le lot A en est exclu, ainsi que cela ressort des plans joints à la demande de permis de construire, cette erreur matérielle est sans incidence sur l’appréciation que le tribunal administratif a portée sur l’existence et la date des divisions foncières, et, par suite, sur l’applicabilité des dispositions de l’article L. 442-14 du code de l’urbanisme.

8. En troisième lieu, c’est par une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, que le tribunal administratif a pu estimer que le lot D était issu de la division foncière.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme D. et autres ne sont pas fondés à demander l’annulation du jugement qu’ils attaquent. Leurs conclusions doivent par suite être rejetées, y compris celles présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme D. et autres le versement, d’une part, à la commune de Saint-Didier-au-Mont-d’Or et, d’autre part, à la société Fornas Promotion Construction, de la somme de 3 000 €.

Décide :

Article 1er : Le pourvoi de Mme D. et autres est rejeté.

Article 2 : Mme D. et autres verseront la somme de 3 000 €, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, d’une part, à la commune de Saint-Didier-au-Mont-d’Or et, d’autre part, à la société Fornas Promotion Construction.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme A. D., première dénommée pour l’ensemble des requérants, à la commune de Saint-Didier-au-Mont-d’Or et à la société Fornas Promotion Construction.

Conseil d’Etat, 18 octobre 2024, n° 473828

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