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Permis de construire : le juge administratif des référés et la demande « d’adaptation mineure », pas possible !

Conseil d’État

N° 371097   

Inédit au recueil Lebon
6ème et 1ère sous-sections réunies
M. Samuel Gillis, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public
SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, avocats

lecture du vendredi 6 juin 2014

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 et 26 août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SNC Les Couteliers, dont le siège est 4 ter, place Alfonse Jourdain à Toulouse (31000) ; la SNC Les Couteliers demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance n° 1302485 du 25 juillet 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu, à la demande de M. et MmeB…, de M. et Mme A…et de la SCI Epidaure, l’exécution de l’arrêté du 26 avril 2011 par lequel le maire de la commune de Bordeaux lui a accordé un permis de construire une école hôtelière ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension présentée par M. et MmeB…, M. et Mme A…et la SCI Epidaure ;

3°) de mettre à la charge de M. et MmeB…, de M. et Mme A… et de la SCI Epidaure la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Samuel Gillis, maître des requêtes en service extraordinaire,

– les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de la SNC Les Couteliers, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. et MmeB…, et à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la commune de Bordeaux ;

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un arrêté du 26 avril 2011, le maire de Bordeaux a délivré à la SNC Les Couteliers un permis de construire en vue de l’édification d’une école hôtelière privée ; que, par une ordonnance du 25 juillet 2013, contre laquelle la SNC Les Couteliers se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a suspendu l’exécution de cet arrêté, à la demande de M. et Mme B…et autres ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :  » Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (…)  » ;

3. Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces de la procédure que les deux documents intitulés  » note en délibéré  » et  » note en délibéré n° 2  » produits par la SNC Les Couteliers ont été enregistrés en même temps le 24 juillet 2013 au greffe du tribunal administratif ; que seule la  » note en délibéré n° 2  » était signée ; que, par suite, en visant une  » note en délibéré et les pièces annexées « , le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux n’a, contrairement à ce qui est soutenu, entaché son ordonnance d’aucune irrégularité ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que le juge des référés n’est pas tenu de viser tous les arguments des défendeurs ni d’y répondre ; que les moyens tirés de prétendues insuffisances de motivation sur le caractère artificiel de la division foncière du terrain, la recevabilité de la demande de Mme B…ou la légalité du projet litigieux au regard du règlement du plan local d’urbanisme doivent être écartés ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu’en jugeant qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier qui lui était soumis que Mme B…aurait eu connaissance du permis de construire litigieux, qui n’avait pas été régulièrement affiché, plus de deux mois avant l’introduction de sa requête, alors même qu’avait été auparavant introduit un recours gracieux contre ce permis par le président du conseil syndical de la résidence dans laquelle elle réside, et en en déduisant qu’elle était recevable à le contester, le juge des référés n’a pas dénaturé les pièces du dossier ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu’après avoir rappelé que, eu égard au caractère difficilement réversible d’une construction, l’urgence doit en principe être constatée lorsque les travaux vont commencer ou ont déjà commencé sans être pour autant achevés, le juge des référés a relevé que les travaux de démolition du bâtiment sis sur le terrain d’assiette de la construction envisagée étaient pratiquement achevés et jugé que, quel que fût l’intérêt public attaché à un projet de construction d’une école hôtelière, la condition d’urgence était remplie ; qu’eu égard à la teneur de l’argumentation produite devant lui, le juge des référés a, en statuant ainsi, suffisamment motivé son ordonnance et n’a commis aucune erreur de droit ;

7. Considérant, en cinquième lieu, que si un acte de droit privé opposable aux tiers, tel qu’une division foncière, est en principe opposable dans les mêmes conditions à l’administration tant qu’il n’a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient à l’administration, en cas de tentative de fraude en vue d’obtenir un permis de construire, d’y faire échec, alors même qu’est en cause un acte de droit privé ; qu’eu égard à son office, en relevant que le moyen tiré de ce que la construction projetée, sise sur un terrain issu d’une division foncière ayant eu pour seul objet d’en réduire la profondeur, ne pouvait être implantée selon les dispositions des articles 7 et 8 du règlement du plan local d’urbanisme relatives aux règles d’implantation des bâtiments par rapport aux limites séparatives était de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée, le juge des référés n’a pas commis d’erreur de droit ;

8. Considérant, en sixième lieu, qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 123-1-9 du code de l’urbanisme :  » Les règles et servitudes définies par un plan local d’urbanisme ne peuvent faire l’objet d’aucune dérogation, à l’exception des adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes.  » ; qu’en jugeant qu’il ne lui appartenait pas de faire droit à la demande de substitution de motifs que la commune formulait en se référant à ces dispositions, le juge des référés n’a pas, eu égard à son office, commis d’erreur de droit ;

9. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SNC Les Couteliers n’est pas fondée à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée ;

10. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce soit mise à la charge de MmeB…, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande la SNC Les Couteliers au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la SNC Les Couteliers la somme de 1 500 euros qui sera versée à Mme B…au même titre ; que la circonstance que la commune de Bordeaux ait été appelée en la cause pour produire des observations n’a pas eu pour effet de lui conférer la qualité de partie à l’instance ; que dès lors qu’elle n’aurait pas eu qualité pour former tierce opposition si elle n’avait pas été mise en cause, elle ne peut présenter une demande au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :
————–
Article 1er : Le pourvoi de la SNC Les Couteliers est rejeté.

Article 2 : La SNC Les Couteliers versera une somme de 1 500 euros à Mme B…au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Bordeaux présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SNC Les Couteliers, à Madame B…et à la commune de Bordeaux. Copie en sera adressée pour information à M.B…, à M. et Mme A…et à la SCI Epidaure.

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