Les dernières nouvelles

POS ou PLU : la création d’un emplacement réservé ne régularise pas une situation de fait !

CAA de MARSEILLE
N° 14MA03478   
Inédit au recueil Lebon
9ème chambre – formation à 3
Mme BUCCAFURRI, président
M. Philippe PORTAIL, rapporteur
M. ROUX, rapporteur public
SCP D’AVOCATS ALAIN ROUSTAN – MARC BERIDOT, avocat

lecture du vendredi 15 janvier 2016

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D… E…et M. F… C…ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d’annuler la délibération du 14 décembre 2012 par laquelle le conseil municipal d’Ansouis a approuvé la modification du plan d’occupation des sols communal en créant deux emplacements réservés sur les parcelles cadastrées section B n° 321 et 322 dont ils sont propriétaires.
Par un jugement n° 1300417 du 4 juillet 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 août 2014, M. E… et M. C…, représentés par la SCP d’avocats Alain Roustan-Marc Beridot, demandent à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 4 juillet 2014 ;
2°) d’annuler la délibération du conseil municipal d’Ansouis du 14 décembre 2012 ;
3°) de mettre à la charge de la commune d’Ansouis la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
– ils sont propriétaires, ensemble, des parcelles cadastrées section B n° 321, 322 et 323 ; ces parcelles ont été acquises en vertu d’un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 4 avril 2008, comme constituant le douzième lot de la vente par licitation d’un ensemble de biens immobiliers, vente ordonnée par un arrêt de la Cour d’appel de Paris ; cette vente est intervenue après mise à prix de 14 000 euros, le seul enchérisseur concurrent ayant été le GFA domaine de Roquelastours EFAC Ansouis dont le gérant est M. B… H…, par ailleurs maire d’Ansouis ;
– les parcelles B n° 322 et n° 323 sont grevées d’une servitude de passage au profit de la parcelle cadastrée B n° 320, pour permettre la construction des maisons respectives de M. E… et M. C… ;
– les parcelles B n° 322 et n° 323 sont occupées par des voies de circulation qui conduisent au parking d’une école, sans être propriété de la commune d’Ansouis ; celle-ci a cherché par tous moyens à s’approprier les voies d’accès au groupe scolaire ; suite à l’annulation de l’arrêté classant ces parcelles dans la voirie communale, la commune a modifié son plan d’occupation des sols par une délibération du 14 décembre 2012 pour créer un emplacement réservé n° 21 sur la parcelle B n° 322, destiné à recevoir un équipement sportif, et un emplacement réservé n° 22 sur la parcelle B n° 321, destiné à recevoir une voirie et des emplacements de stationnements ;
– la délibération attaquée méconnaît l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, car le maire est personnellement intéressé dès lors qu’il s’était porté enchérisseur des terrains en litige lors de la licitation judiciaire ; il avait tenté d’acquérir ces parcelles à titre personnel pour couvrir l’irrégularité ayant consisté pour la commune à avoir réalisé des équipements sans être propriétaire des parcelles ; il a voulu ainsi couvrir une voie de fait ;
– la création d’un emplacement réservé n° 21 pour la réalisation d’un équipement sportif est entachée d’erreur manifeste d’appréciation ; en outre, la création d’un emplacement réservé de 1900 m², correspondant à la taille exacte de la parcelle concernée, est disproportionnée ;
– la délibération attaquée est entachée de détournement de procédure, l’objet de la création de l’emplacement réservé n° 22 étant de régulariser une situation de fait, ayant consisté pour la commune à réaliser des équipements publics, en l’occurrence une voie d’accès et des emplacements de stationnement, qui existent déjà ; un emplacement réservé ne peut pas concerner des équipements préexistants ; la commune a comme objectif d’acquérir ces parcelles à un prix minoré ;
– la délibération attaquée est entachée de détournement de pouvoir.

Un courrier du 27 août 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l’article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d’appeler l’affaire à l’audience et a indiqué la date à partir de laquelle l’instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l’article R. 613-1 et le dernier alinéa de l’article R. 613-2.

Par un mémoire, enregistré le 16 octobre 2015, la commune d’Ansouis, représentée par la SELAS d’avocats Adamas Affaires Publiques, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants de la somme de 2 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– le maire n’était pas intéressé à l’affaire, d’autant moins que la création des emplacements réservés poursuit un objectif d’intérêt général ;
– la création de l’emplacement réservé n° 22 n’est pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation ; le terrain multisports est complémentaire des équipements sportifs existants ;
– aucun texte n’interdit qu’un emplacement réservé vienne régulariser une situation de fait ;
– le détournement de pouvoir n’est pas établi.

Une ordonnance du 16 novembre 2015 a fixé la clôture de l’instruction à la date de son émission, en application des dispositions des articles R. 613-1 et R. 611-11-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Portail,
– les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
– et les observations de Me G…, représentant les requérants, et de Me A…, représentant la commune d’Ansouis;

Une note en délibéré présentée pour la commune d’Ansouis a été enregistrée le 18 décembre 2015.

1. Considérant que, par une délibération du 14 décembre 2012, le conseil municipal de la commune d’Ansouis a approuvé la modification du plan d’occupation des sols communal, en créant sur la parcelle, cadastrée section B n° 322, l’emplacement réservé n° 21, destiné à recevoir un équipement sportif, et sur la parcelle, cadastrée section B n° 321, l’emplacement réservé n° 22, destiné à recevoir une voie de circulation et des places de stationnement ; que par un jugement du 4 juillet 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande tendant à l’annulation de cette délibération formée par M. E… et M. C…, propriétaires de ces parcelles ; que les requérants relèvent appel de ce jugement ;

Sur la légalité de la délibération du 14 décembre 2012 :

2. Considérant que les circonstances que la commune d’Ansouis a précédemment tenté d’intégrer dans la voirie communale les parcelle cadastrées section B n° 321 et n° 322, en application des dispositions de l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme, qu’elle dispose déjà d’un emplacement réservé pour la réalisation d’un équipement sportif, et a créé un emplacement réservé sur la totalité de la parcelle cadastrée B n° 322, ne sont pas de nature à caractériser un détournement de pouvoir ;

3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales :  » Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires  » ;

4. Considérant certes que M. H…, maire de la commune d’Ansouis, qui a présidé la séance au cours de laquelle a été adoptée la délibération en litige, était gérant de la société GFA EFAC Ansouis, laquelle s’était portée enchérisseur des parcelles B n° 221 et B n° 222 acquises par les requérants en vertu d’un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 4 avril 2008 ; que, toutefois, la modification du plan d’occupation des sols de la commune d’Ansouis poursuit un but d’intérêt général, en créant des emplacements réservés portant sur des équipements publics ; qu’alors même que la commune aurait, selon les requérants, commis une voie de fait en réalisant des voies publiques sur une propriété privée, et souhaiterait par la création d’emplacements réservés régulariser cette situation, le maire ne retirerait aucun avantage personnel de cette régularisation ; que les intérêts qu’il poursuit n’apparaissent pas, en conséquence, distincts de ceux de la généralité des habitants de la commune ; qu’il ne peut, dès lors, être regardé comme intéressé à l’affaire objet de la délibération en litige, de sorte que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales doit être écarté ;
En ce qui concerne l’emplacement réservé n° 21 :

5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme :  » le règlement peut fixer les emplacements réservés aux voies et ouvrages publics, aux installations d’intérêt général ainsi qu’aux espaces verts.  » ;

6. Considérant que la commune d’Ansouis compte 1109 habitants ; qu’elle possède déjà un terrain de football ; que, toutefois, l’emplacement réservé en litige porte sur la réalisation d’un terrain multisports, sur lequel pourront être pratiqués plusieurs sports, et notamment le basket, le volley, le tennis ; qu’il est situé à proximité immédiate de l’école du quartier du Frigoulet ; que si celle-ci possède un plateau d’éducation physique et sportive, le terrain multisports sera complémentaire de cet équipement ; que le commissaire enquêteur, lors de l’avis qu’il a rendu sur le projet de modification du plan d’occupation des sols, a estimé que l’équipement sportif projeté répondait aux besoins de la commune et était adapté à ses moyens ; qu’il ne résulte pas des pièces du dossier qu’un emplacement réservé de 1900 m² ait une superficie manifestement disproportionnée par rapport à l’équipement sportif prévu ; qu’alors même que le plan d’occupation des sols de la commune d’Ansouis comporte déjà un emplacement réservé pour la réalisation d’un équipement sportif, en décidant de créer l’emplacement réservé n° 21, les auteurs de la modification en litige n’ont pas entaché leur décision d’une erreur manifeste d’appréciation;

En ce qui concerne l’emplacement réservé n° 22 :

7. Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article L. 123-1-5 précité du code de l’urbanisme, la création d’emplacements réservés a pour objet de fixer de tels emplacements en prévision de la réalisation de voies et ouvrages publics, d’installations d’intérêt général ou d’espaces verts, mais ne saurait poursuivre comme objectif de régulariser une situation de fait en procédant à l’acquisition d’équipements préexistants, réalisés sur des parcelles n’appartenant pas à la commune ;

8. Considérant qu’il résulte de la notice de présentation de la modification du plan d’occupation des sols de la commune d’Ansouis, que la voie d’accès à l’école du Frigoulet et les places de stationnement, correspondant à l’emplacement réservé n° 22, existaient à la date à laquelle le conseil municipal a approuvé cette modification, et que l’objet de cette modification a été de permettre à la commune de faire l’acquisition de ces équipements ; qu’en procédant ainsi, la commune d’Ansouis a commis un détournement de procédure ;

9. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les requérants sont seulement fondés à demander l’annulation du jugement attaqué en ce qu’il a rejeté leur demande tendant à l’annulation de la délibération approuvant la modification du plan d’occupation des sols de la commune d’Ansouis, en tant qu’elle crée l’emplacement réservé n° 22 pour la voie d’accès à l’école du Frigoulet et les places de stationnement de cette école sur la parcelle cadastrée section B n° 321, ainsi que de ladite délibération dans cette mesure ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
10. Considérant que dans les circonstances de l’espèce, il n’y a lieu de faire droit à aucune des demandes des parties fondées sur les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 4 juillet 2014 est annulé en ce qu’il a rejeté la demande de MM. E… et C…tendant à l’annulation de la délibération du 14 décembre 2012 approuvant la modification du plan d’occupation des sols de la commune d’Ansouis en tant qu’elle crée l’emplacement réservé n° 22 pour la voie d’accès à l’école du Frigoulet et les places de stationnement de cette école.
Article 2 : La délibération en date du 14 décembre 2012 approuvant la modification du plan d’occupation des sols de la commune d’Ansouis est annulée en tant qu’elle crée l’emplacement réservé n° 22 pour la voie d’accès à l’école du Frigoulet et les places de stationnement de cette école.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la commune d’Ansouis fondées sur les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D… E…, à M. F… C…et à la commune d’Ansouis.
Délibéré après l’audience du 18 décembre 2015, à laquelle siégeaient :

– Mme Buccafurri, présidente,
– M. Portail, président assesseur,
– Mme Giocanti, conseiller,

Lu en audience publique, le 15 janvier 2016.

Regardez aussi !

Plan Local d’Urbanisme : quelle est l’importance du lexique annexé au règlement du PLU ?

Arrêt rendu par Conseil d’Etat 17-01-2024 n° 467572 Texte intégral : Vu les procédures suivantes …

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.