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PSMV et occupations domaniale : compatibilité de l’autorisation avec le Plan et avis de l’ABF, uniquement pour les travaux de modification de l’immeuble !

Arrêt rendu par Conseil d’Etat
05-07-2022
n° 459089
Texte intégral :
Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée (SARL) Ice Thé a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler la décision du 16 juin 2016 par laquelle la maire de la commune d’Aix-en-Provence a refusé de lui accorder l’autorisation d’installer une terrasse au droit de son établissement sur le domaine public. Par un jugement n° 1606671 du 21 décembre 2018, ce tribunal a annulé cette décision et a enjoint à la commune d’Aix-en-Provence de procéder à un nouvel examen de la demande d’autorisation d’occupation du domaine public.

Par un arrêt n° 19MA00831 du 1er octobre 2021, la cour administrative d’appel de Marseille a, sur appel de la commune d’Aix-en-Provence, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par la société Ice Thé.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 décembre 2021 et 3 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Ice Thé demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la commune d’Aix-en-Provence la somme de 3 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le code général de la propriété des personnes publiques ;

– le code de l’urbanisme ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. François-René Burnod, auditeur,

– les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de la société Ice The et à la SARL Le Prado – Gilbert, avocat de la commune d’Aix-en-Provence ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Ice Thé a sollicité le 12 août 2013 du maire de la commune d’Aix-en-Provence la délivrance d’une autorisation d’occuper le domaine public au droit du local qu’elle exploite au 57, cours Mirabeau. Par un jugement du 12 mai 2016, devenu définitif après rejet de l’appel formé par la commune d’Aix-en-Provence par un arrêt du 9 février 2018 de la cour administrative d’appel de Marseille, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision implicite de rejet de cette demande et a enjoint à la commune de la réexaminer. En exécution de cette injonction, la commune a rejeté, par un courrier du 16 juin 2016, la demande de la société tendant à la délivrance d’une autorisation d’occupation temporaire du domaine public. Par un jugement du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision et enjoint à la commune de procéder à un nouvel examen de la demande de la société. Cette dernière doit être regardée comme se pourvoyant en cassation contre les articles 1er et 2 de l’arrêt du 1er octobre 2021 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille, faisant droit à l’appel formé par la commune d’Aix-en-Provence, a annulé ce jugement et rejeté sa demande.

2. Aux termes de l’article L. 313-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la décision litigieuse : « Des secteurs dits « secteurs sauvegardés » peuvent être créés lorsqu’ils présentent un caractère historique, esthétique ou de nature à justifier la conservation, la restauration et la mise en valeur de tout ou partie d’un ensemble d’immeubles bâtis ou non […]. II. – L’acte qui crée le secteur sauvegardé prescrit l’élaboration d’un plan de sauvegarde et de mise en valeur et met en révision le plan local d’urbanisme […]. III. – Les dispositions applicables aux plans locaux d’urbanisme le sont également aux plans de sauvegarde et de mise en valeur à l’exception du 2° de l’article L. 113-3, de l’article L. 151-5 et des articles L. 153-8 à L. 153-60. / Le plan de sauvegarde et de mise en valeur peut en outre comporter l’indication des immeubles ou parties intérieures ou extérieures d’immeubles : / a) Dont la démolition, l’enlèvement ou l’altération sont interdits et dont la modification est soumise à des conditions spéciales ; / b) Dont la démolition ou la modification pourra être imposée par l’autorité administrative à l’occasion d’opérations d’aménagement publiques ou privées […]. » Aux termes de l’article L. 313-2 du même code : « A compter de la publication de la décision administrative créant le secteur sauvegardé, tout travail ayant pour effet de modifier l’état des immeubles est soumis à permis de construire ou à déclaration, dans les conditions prévues par le livre IV, après accord de l’architecte des Bâtiments de France […]. / En cas de désaccord entre, d’une part, l’architecte des Bâtiments de France et, d’autre part, soit le maire ou l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation, soit le pétitionnaire, sur la compatibilité des travaux avec le plan de sauvegarde et de mise en valeur ou sur les prescriptions imposées au propriétaire, le représentant de l’Etat dans la région émet, après consultation de la section de la commission régionale du patrimoine et des sites, un avis qui se substitue à celui de l’architecte des Bâtiments de France. Le recours du pétitionnaire s’exerce à l’occasion du refus d’autorisation de travaux. En l’absence de décision expresse du représentant de l’Etat dans la région dans le délai de deux mois à compter de sa saisine, le recours est réputé admis. »

3. Aux termes de l’article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : « Nul ne peut, sans disposer d’un titre l’y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1 ou l’utiliser dans des limites dépassant le droit d’usage qui appartient à tous. » Aux termes de l’article L. 2122-2 du même code : « L’occupation ou l’utilisation du domaine public ne peut être que temporaire. »

4. Il résulte des dispositions citées au point 2 que la légalité d’une autorisation d’occupation domaniale située dans le périmètre d’un plan de sauvegarde et de mise en valeur n’est subordonnée à sa compatibilité avec ce plan et à l’accord de l’architecte des bâtiments de France que lorsqu’elle emporte autorisation de réaliser des travaux ayant pour effet de modifier l’état des immeubles. Les dispositions d’un plan de sauvegarde et de mise en valeur ne sont, en revanche, pas opposables à une demande qui a pour seul objet de solliciter une autorisation d’occupation du domaine public sans modification de l’état des immeubles.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la demande présentée par la société Ice Thé avait pour seul objet de solliciter une autorisation d’occupation du domaine public sans modification de l’état des immeubles. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que les dispositions du plan de sauvegarde et de mise en valeur de la commune d’Aix-en-Provence n’étaient pas opposables à cette demande. En estimant que la décision de refus contestée pouvait être fondée sur un motif tiré du non-respect des articles 3-2 (A1) et 3-2 (A2) de ce plan de sauvegarde et de mise en valeur, la cour administrative d’appel de Marseille a par suite commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les moyens du pourvoi, que la société Ice Thé est fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué.

7. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Ice Thé qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune d’Aix-en-Provence une somme de 3 000 € à verser à la société Ice Thé au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Décide :

Article 1er : L’arrêt du 1er octobre 2021 de la cour administrative d’appel de Marseille est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée devant la cour administrative d’appel de Marseille.

Article 3 : La commune d’Aix-en-Provence versera à la société Ice Thé la somme de 3 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions formées par la commune d’Aix-en-Provence au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Ice Thé et à la commune d’Aix-en-Provence.

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