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Raccordement aux réseaux : le refus de raccordement peut être notifié directement au gestionnaire !

Conseil d’État

N° 359554   
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
1ère / 6ème SSR
Mme Marie Grosset, rapporteur
M. Alexandre Lallet, rapporteur public
SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET ; SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX, avocats

lecture du lundi 24 mars 2014

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 mai et 21 août 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SCI Les Verdures, dont le siège est 2 bis, avenue Jean Rondeaux à Rouen (76100) ; la SCI Les Verdures demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 11DA00031 du 27 mars 2012 par lequel la cour administrative d’appel de Douai a rejeté son appel tendant à l’annulation du jugement n° 0801681 du 4 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l’annulation, d’une part, de la décision du 19 juillet 2006 du maire de Louvetot (Seine-Maritime) refusant de relier au réseau public d’électricité sa maison implantée sur un terrain cadastré section C n° 157, n° 115 et n° 58 et, d’autre part, de la décision du 21 janvier 2008 rejetant implicitement son recours gracieux formé contre cette décision ainsi que sa demande de procéder aux travaux d’entretien du chemin rural desservant sa propriété ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Louvetot la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l’énergie ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de la voirie routière ;

Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Marie Grosset, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

– les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SCI Les Verdures et à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la commune de Louvetot ;

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 19 juillet 2006, le maire de la commune de Louvetot a refusé que la maison dont la SCI Les Verdures est propriétaire soit reliée au réseau public d’électricité ; que, par une décision implicite du 21 janvier 2008, la même autorité a rejeté le recours gracieux de la SCI contre cette décision, ainsi que sa demande de procéder aux travaux d’entretien du chemin rural desservant sa propriété ; que la SCI Les Verdures se pourvoit en cassation contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai du 27 mars 2012 confirmant le rejet, par le jugement du tribunal administratif de Rouen du 4 novembre 2010, de sa demande tendant à l’annulation de ces deux décisions ;

Sur la régularité de l’arrêt :

2. Considérant, en premier lieu, que le juge, auquel il incombe de veiller à la bonne administration de la justice, n’est aucunement tenu, hormis le cas où des motifs exceptionnels tirés des exigences du débat contradictoire l’imposeraient, de faire droit à une demande de report de l’audience formulée par une partie ; qu’en l’espèce, la société requérante a sollicité un report d’audience à la suite de la communication par la cour d’un moyen d’ordre public susceptible de fonder sa décision ; que, toutefois, elle a disposé d’un délai suffisant pour répondre à ce moyen et aucun motif exceptionnel n’imposait à la cour de faire droit à sa demande de report ; que, par suite, la cour n’a pas méconnu le caractère contradictoire de la procédure ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que si la société requérante fait valoir que la cour administrative d’appel a, en méconnaissance des prescriptions de l’article R. 741-2 du code de justice administrative, omis d’analyser dans les visas de son arrêt le mémoire daté du 8 février 2012 répondant à la communication d’un moyen d’ordre public, une telle circonstance n’est pas, par elle-même, de nature à vicier la régularité de l’arrêt attaqué, dès lors qu’il ressort des pièces du dossier que ces écritures n’apportaient aucun élément nouveau auquel il n’aurait pas été répondu dans les motifs de l’arrêt ;

4. Considérant, en troisième lieu, que la cour n’avait ni à préciser le degré de son contrôle, ni à répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l’article D. 161-11 du code rural et de la pêche maritime, qui était sans incidence sur la solution du litige ; que, par suite, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que son arrêt serait insuffisamment motivé ;

Sur le bien-fondé de l’arrêt, en tant qu’il se prononce sur le refus de raccordement au réseau électrique :

5. Considérant qu’aux termes du I de l’article 23-1 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, applicable à la date des décisions litigieuses, désormais codifié à l’article L. 342-1 du code de l’énergie :  » Le raccordement d’un utilisateur aux réseaux publics comprend la création d’ouvrages d’extension, d’ouvrages de branchement en basse tension et, le cas échéant, le renforcement des réseaux existants (…)  » ; qu’aux termes de l’article L. 111-6 du code de l’urbanisme :  » Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1 ne peuvent, nonobstant toutes clauses contraires des cahiers des charges de concession, d’affermage ou de régie intéressée, être raccordés définitivement aux réseaux d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n’a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu des articles précités  » ; qu’enfin, aux termes de l’article 49 du décret du 29 juillet 1927 portant règlement d’administration publique pour l’application de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d’énergie, applicable à la date des décisions litigieuses :  » Les projets d’ouvrages du réseau d’alimentation générale en énergie électrique, des réseaux de distribution aux services publics, des réseaux de distribution publique d’énergie électrique et des lignes privées établies par permission de voirie doivent, préalablement à toute exécution, faire l’objet d’une approbation dans les conditions fixées par l’article 50 ci-après. / Toutefois, les travaux qui se bornent à l’établissement ou à la modification d’une canalisation de tension inférieure à 63 kV et dont la longueur ne dépasse pas 1 km peuvent être exécutés sans approbation préalable du projet à charge pour le distributeur ou le maître d’ouvrage des travaux de prévenir vingt et un jours à l’avance l’ingénieur en chef chargé du contrôle et les services intéressés, et sous la condition qu’aucune opposition de leur part ne soit formulée dans ce délai. / S’il y a opposition, le projet de l’ouvrage doit être instruit dans les formes prévues à l’article 50 ci-après (…)  » ;

6. Considérant que la décision prise par le maire d’une commune de s’opposer au raccordement définitif d’un bâtiment en application de l’article L. 111-6 du code de l’urbanisme peut être notifiée tant à l’intéressé lui-même qu’au gestionnaire du réseau à l’occasion de l’avis qu’il sollicite, en application de 49 du décret du 29 juillet 1927, auprès de la commune, au titre des  » services intéressés  » mentionnés par cet article ;

7. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un courrier du 19 juillet 2006, le maire de Louvetot a informé la société EDF de son refus de faire droit à la demande de raccordement présentée par la SCI Les Verdures le 15 juin 2005, en raison de l’irrégularité de sa construction au regard des règles d’urbanisme applicables ; qu’en jugeant que ce courrier devait s’analyser, sur ce point, comme un simple avis d’opposition aux travaux d’extension projetés par la société, au sens du deuxième alinéa de l’article 49 du décret du 29 juillet 1927, et, par suite, comme une mesure préparatoire insusceptible d’être contestée directement par la voie du recours pour excès de pouvoir, la cour administrative d’appel de Douai s’est méprise sur la portée qu’avait sur ce point ce courrier et a, par suite, inexactement qualifié la décision du maire qui y figurait ;

8. Considérant, dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi dirigés contre cette partie de l’arrêt, que la société requérante est fondée à demander l’annulation de l’arrêt de la cour en tant qu’il statue sur la légalité de la décision du 19 juillet 2006 et sur celle de la décision implicite du 21 janvier 2008 en tant qu’elle rejette le recours gracieux de la SCI Les Verdures contre cette décision ;

Sur le bien-fondé de l’arrêt, en tant qu’il se prononce sur le refus de procéder aux travaux d’entretien du chemin rural desservant la propriété de la SCI Les Verdures :

9. Considérant qu’il résulte des dispositions combinées de l’article L. 141-8 du code de la voirie routière, de l’article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime et de l’article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales que les dépenses obligatoires pour les communes incluent les dépenses d’entretien des seules voies communales, dont ne font pas partie les chemins ruraux ; que les communes ne peuvent être tenues à l’entretien des chemins ruraux, sauf dans le cas où, postérieurement à leur incorporation dans la voirie rurale, elles auraient exécuté des travaux destinés à en assurer ou à en améliorer la viabilité et ainsi accepté d’en assumer, en fait, l’entretien ; qu’en outre, le principe du libre accès des riverains à la voie publique est sans incidence sur les obligations d’entretien auxquelles la commune pourrait être soumise ;

10. Considérant qu’en jugeant que les éléments produits au dossier qui lui était soumis ne suffisaient pas à établir que la commune avait accepté d’assumer l’entretien du chemin rural desservant la propriété de la SCI Les Verdures, la cour s’est livrée à une appréciation souveraine exempte de dénaturation et de contradiction de motifs ; qu’en en déduisant que la commune de Louvetot pouvait légalement refuser la demande d’entretien de ce chemin, elle n’a pas commis d’erreur de droit ;

11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SCI Les Verdures n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque en tant qu’il se prononce sur sa demande d’entretien du chemin rural desservant sa propriété ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu’il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Louvetot le versement d’une somme de 1 500 euros à la SCI Les Verdures au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de la société la somme que demande la commune de Louvetot au même titre ;

D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt de la cour administrative de Douai du 27 mars 2012 est annulé en tant qu’il se prononce sur la légalité de la décision du maire de Louvetot du 19 juillet 2006 refusant le raccordement au réseau public d’électricité de la maison dont la SCI Les Verdures est propriétaire sur un terrain cadastré section C n° 157, n° 115 et n° 58 et de la décision implicite du 21 janvier 2008 en tant qu’elle rejette le recours gracieux de la SCI Les Verdures contre cette décision.
Article 2 : L’affaire est renvoyée, dans cette mesure, devant la cour d’appel administrative de Douai.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la SCI Les Verdures est rejeté.
Article 4 : La commune de Louvetot versera la somme de 1 500 euros à la SCI Les Verdures au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la commune de Louvetot présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à SCI Les Verdures et à la commune de Louvetot.

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