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Zone de Développement de l’Éolien : la participation du public importe peu !

Conseil d’État 

N° 360466    
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
6ème et 1ère sous-sections réunies
Mme Sophie Roussel, rapporteur
M. Xavier de Lesquen, rapporteur public
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP TIFFREAU, CORLAY, MARLANGE, avocats

lecture du mercredi 26 juin 2013

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu 1°, sous le n° 360466, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juin et 25 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour les communes de Roquefère, Labastide-Esparbairenque et Mas-Cabardès, représentées chacune par leur maire ; la commune de Roquefère et autres demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 10MA01679 du 24 avril 2012 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a annulé, à la demande de la commune de Mazamet et autres, d’une part, le jugement n° 0804156 du 26 février 2010 du tribunal administratif de Montpellier ayant rejeté la demande de la commune de Mazamet et autres tendant à l’annulation de l’arrêté du préfet de l’Aude du 13 mai 2008 définissant une zone de développement de l’éolien sur le territoire des communes requérantes et de la décision du préfet rejetant leur recours gracieux contre cet arrêté, d’autre part, ces décisions ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel formé par la commune de Mazamet et autres ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Mazamet et autres une somme globale de 5 035 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l’instance, y compris la contribution à l’aide juridique prévue à l’article R. 761-1 du même code ;

Vu 2°, sous le n° 360467, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juin et 25 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la société EOLE-RES, dont le siège est 330, rue du Mourelet, Z. I. de Courtine à Avignon (84000) ; la société EOLE-RES demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le même arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel formé par la commune de Mazamet et autres ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Mazamet et autres une somme globale de 5 035 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l’instance, y compris la contribution à l’aide juridique prévue à l’article R. 761-1 du même code ;

…………………………………………………………………………

Vu 3°, sous le n° 360574, le pourvoi, enregistré le 28 juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté par la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie ; le ministre demande au Conseil d’Etat d’annuler le même arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille ;

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Sophie Roussel, Auditeur,

– les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat des communes de Roquefère, Labastide- Esparbairenque, Mas-Cabardes et de la société EOLE-RES, à la SCP Tiffreau-Corlay-Marlange, avocat de la commune de Mazamet, de Mmes D…et C…et de MM.B…, A…, etE… ;

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 13 mai 2008, le préfet de l’Aude a défini, sur proposition des communes de Roquefère, Labastide-Esparbairenque et Mas-Cabardès, une zone de développement de l’éolien sur le territoire de ces communes ; que, par un jugement du 26 février 2010, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande, présentée par la commune de Mazamet et autres, tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté et de la décision du préfet portant rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté ; que cependant, sur requête de ces derniers, la cour administrative d’appel de Marseille a, par un arrêt du 24 avril 2012, annulé le jugement du 26 février 2010 ainsi que l’arrêté du 13 mai 2008 ; que la commune de Roquefère et autres, d’une part, la société EOLE-RES, d’autre part, et la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, enfin, se pourvoient en cassation contre cet arrêt, respectivement sous les nOS 360466, 360467 et 360574 ; qu’il y a lieu de joindre leurs pourvois pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, dans sa version applicable à l’arrêté préfectoral litigieux :  » I. – Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l’air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation. / II. – Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d’intérêt général et concourent à l’objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s’inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants : / (…) 4° Le principe de participation, selon lequel chacun a accès aux informations relatives à l’environnement, y compris celles relatives aux substances et activités dangereuses, et le public est associé au processus d’élaboration des projets ayant une incidence importante sur l’environnement ou l’aménagement du territoire  » ; que, d’autre part, aux termes de l’article 10-1 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, alors applicable :  » Les zones de développement de l’éolien sont définies par le préfet du département en fonction de leur potentiel éolien, des possibilités de raccordement aux réseaux électriques et de la protection des paysages, des monuments historiques et des sites remarquables et protégés. Elles sont proposées par la ou les communes dont tout ou partie du territoire est compris dans le périmètre proposé ou par un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, sous réserve de l’accord de la ou des communes membres dont tout ou partie du territoire est compris dans le périmètre proposé. / La proposition de zones de développement de l’éolien en précise le périmètre et définit la puissance installée minimale et maximale des installations produisant de l’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent pouvant bénéficier, dans ce périmètre, des dispositions de l’article 10. Elle est accompagnée d’éléments facilitant l’appréciation de l’intérêt du projet au regard du potentiel éolien, des possibilités de raccordement aux réseaux électriques et de la protection des paysages, des monuments historiques et des sites remarquables et protégés. / La décision du préfet du département intervient sur la base de la proposition dans un délai maximal de six mois à compter de la réception de celle-ci, après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites et des communes limitrophes à celles dont tout ou partie du territoire est compris dans la zone de développement de l’éolien. Ces avis sont réputés favorables faute de réponse dans un délai de trois mois suivant la transmission de la demande par le préfet. Le préfet veille à la cohérence départementale des zones de développement de l’éolien et au regroupement des installations afin de protéger les paysages (…)  » ; qu’en vertu de l’article 10 de la même loi, dans sa rédaction applicable à la date de l’arrêté préfectoral litigieux, le bénéfice de l’obligation d’achat définie par ces dispositions est réservé aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent qui sont implantées dans le périmètre d’une zone de développement de l’éolien définie selon les modalités fixées à l’article 10-1 ;

3. Considérant que les dispositions du 4° du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement citées ci-dessus se bornent à énoncer des principes dont la portée a vocation à être définie dans le cadre d’autres lois ; qu’elles n’impliquent, par elles-mêmes, aucune obligation de procéder à l’association du public au processus d’élaboration des projets ayant une incidence importante sur l’environnement ; qu’en l’absence de disposition législative ayant organisé les modalités d’une telle participation, la méconnaissance du principe de participation du public énoncé au 4° du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement ne saurait être utilement invoquée au soutien d’une demande tendant à l’annulation d’un arrêté définissant une zone de développement de l’éolien ; qu’au surplus, la décision préfectorale définissant, en application des dispositions de l’article 10-1 de la loi du 10 février 2000, une zone de développement de l’éolien se borne à délimiter un périmètre privilégié par les autorités publiques pour l’implantation des éoliennes sans autoriser la réalisation de travaux relatifs à une telle implantation ; qu’une telle décision préfectorale ne constitue pas, par suite, et en tout état de cause, un  » projet  » ayant une incidence importante sur l’environnement au sens des dispositions du 4° du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement ;

4. Considérant que, pour annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 26 février 2010 ainsi que l’arrêté préfectoral du 13 mai 2008 portant création d’une zone de développement de l’éolien sur le territoire des communes de Roquefère, Labastide-Esparbairenque et Mas-Cabardès, la cour administrative d’appel de Marseille a jugé, d’une part, que l’arrêté préfectoral litigieux était au nombre des projets ayant une incidence importante sur l’environnement au sens des dispositions du 4° du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement et, d’autre part, que la méconnaissance de ces dispositions était de nature à entacher la légalité de l’arrêté préfectoral du 13 mai 2008 ; qu’en statuant ainsi, la cour a entaché son arrêt d’erreurs de droit ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des pourvois, que les requérants sont fondés à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

6. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat, de la commune de Roquefère et autres et de la société EOLE-RES, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Roquefère et autres et par la société EOLE-RES au titre de ces mêmes dispositions ;

D E C I D E :
————–
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 24 avril 2012 est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée devant la cour administrative d’appel de Marseille.

Article 3 : Le surplus des pourvois de la commune de Roquefère et autres et de la société EOLE-RES est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Mazamet et autres présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Roquefère, premier requérant dénommé dans le pourvoi n° 360466, à la commune de Mazamet, premier défendeur dénommé dans ce même pourvoi, à la société EOLE-RES et à la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Les autres requérants dans le pourvoi n° 360466 seront informés de la présente décision par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d’Etat. Les autres défendeurs dans le même pourvoi seront informés de la présente décision par la SCP Tiffreau-Corlay-Marlange, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d’Etat.

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