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Autorisations d’urbanisme : est-ce qu’un permis de construire méconnaissant une règle d’urbanisme est régularisable par la modification de ladite règle ?

Arrêt rendu par Conseil d’Etat
04-05-2023
n° 464702
Texte intégral :
Vu la procédure suivante :

L’association Coeur de Cépet a demandé au tribunal administratif de Toulouse d’annuler l’arrêté du 21 décembre 2018 par lequel le maire de Cépet (Haute-Garonne) a délivré à la société Octogone un permis de construire un bâtiment à usage de 29 logements collectifs et de commerces, portant permis de démolir les bâtiments existants, la décision du maire en date du 5 mars 2019 rejetant le recours gracieux de l’association contre cet arrêté ainsi que l’arrêté du 28 juillet 2020 lui délivrant un permis modificatif. Par un premier jugement n° 1902355 du 16 février 2021, le tribunal a sursis à statuer sur cette demande, en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, dans l’attente que lui soit notifiée par la société Octogone la régularisation du vice tiré de la méconnaissance par le permis litigieux des dispositions de l’article UA 10 du règlement du plan local d’urbanisme. Par un second jugement n° 1902355 du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les décisions contestées.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 juin et 27 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Octogone demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler ce second jugement ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la demande de l’association Coeur de Cépet ;

3°) de mettre à la charge de l’association Coeur de Cépet la somme de 4 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le code de l’urbanisme ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. A. de L’Hermite, conseiller d’Etat,

– les conclusions de Mme B. de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la société Octogone ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Octogone a été autorisée, par un permis de construire délivré par le maire de Cépet le 21 décembre 2018, modifié par un permis modificatif délivré le 28 juillet 2020, à édifier un bâtiment à usage de logement et de commerce dans cette commune. Par un jugement du 16 février 2021, le tribunal administratif de Toulouse, saisi par l’association Coeur de Cépet d’une demande d’annulation de ces permis et du rejet du recours gracieux de cette association contre le permis initial, a sursis à statuer sur ces conclusions, sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, afin de permettre le cas échéant à la société Octogone, dans un délai de cinq mois à compter de la notification du jugement, de régulariser le projet au regard de la règle de hauteur prévue à l’article UA 10 du règlement du plan local d’urbanisme dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions litigieuses. Par un second jugement en date du 8 avril 2022, le tribunal administratif, jugeant que cette régularisation n’était pas intervenue, a annulé les décisions contestées.

2. En premier lieu, aux termes de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme : « Sans préjudice de la mise en oeuvre de l’article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation, même après l’achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ».

3. Lorsqu’une autorisation d’urbanisme a été délivrée en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l’utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance de l’autorisation, l’illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d’une autorisation modificative dès lors que celle-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédée de l’exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Elle peut, de même, être régularisée par une autorisation modificative si la règle relative à l’utilisation du sol qui était méconnue par l’autorisation initiale a été entretemps modifiée ou si cette règle ne peut plus être regardée comme méconnue par l’effet d’un changement dans les circonstances de fait de l’espèce. Il en va de même dans le cas où le bénéficiaire de l’autorisation initiale notifie en temps utile au juge une décision individuelle de l’autorité administrative compétente valant mesure de régularisation à la suite d’un jugement décidant, en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, de surseoir à statuer sur une demande tendant à l’annulation de l’autorisation initiale. En revanche, la seule circonstance que le vice dont est affectée l’autorisation initiale et qui a justifié le sursis à statuer résulte de la méconnaissance d’une règle d’urbanisme qui n’est plus applicable à la date à laquelle le juge statue à nouveau sur la demande d’annulation, après l’expiration du délai imparti aux intéressés pour notifier la mesure de régularisation, est insusceptible, par elle-même, d’entraîner une telle régularisation et de justifier le rejet de la demande.

4. A la suite du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 16 février 2021 décidant de surseoir à statuer sur la demande d’annulation des permis de construire délivrés à la société Octogone et du rejet du recours gracieux de l’association Coeur de Cépet dirigé contre le permis initial, la société Octogone s’est bornée à faire valoir que les dispositions de l’article UA 10 du règlement du plan local d’urbanisme méconnues par le projet avaient été modifiées par une délibération de la commune du 28 juin 2021, de telle sorte que le projet respectait les règles de hauteur désormais applicables. Il résulte de ce qui a été dit précédemment qu’en jugeant que cette seule circonstance ne permettait pas de régulariser les permis de construire litigieux, en l’absence de mesure individuelle de régularisation prise par la commune de Cépet après la modification du plan local d’urbanisme, et en annulant en conséquence les décisions attaquées, le tribunal administratif n’a pas commis d’erreur de droit.

5. En second lieu, si le tribunal administratif a également relevé que l’article UA 10 du règlement du plan local d’urbanisme tel que modifié par la délibération du 28 juin 2021 de la commune de Cépet ne permettait pas d’assurer la conformité du projet de construire à la règle de hauteur, il ressort de son jugement que ce motif, certes erroné dès lors que le terrain d’assiette du projet se trouve dans le secteur UAa où la règle de hauteur, prévue à l’article UAa10, est moins contraignante, présente un caractère surabondant. Par suite, les moyens du pourvoi dirigés contre ce motif sont inopérants.

6. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la société Octogone doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Décide :

Article 1er : Le pourvoi de la société Octogone est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Octogone, à la commune de Cépet, et à l’association Coeur de Cépet.

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