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Cession gratuite de terrain : inconstitutionnelle !

Société Esso SAF [Cession gratuite de terrain] 
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 25 juin 2010 par la Cour de cassation, dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par la société ESSO SAF. Cette question portait sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du e du 2° de l’article L. 332-6-1 du code de l’urbanisme. 
Cette disposition du code de l’urbanisme permet de mettre à la charge des bénéficiaires d’autorisation de construire une contribution aux dépenses d’équipements publics sous forme de cession gratuite de terrain. Cette cession peut être exigée des bénéficiaires d’autorisation dans la limite de 10 % de la superficie du terrain auquel s’applique la demande. 
Le Conseil constitutionnel a jugé cette disposition du code de l’urbanisme contraire aux droits et libertés que la Constitution garantit. 
Le Conseil constitutionnel a fait application de sa jurisprudence du 18 juin 2010 n° 2010-5 QPC (Société Kimberly Clark) relative à l’incompétence négative : la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence peut être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit. Tel est le cas en l’espèce. 
Le e du 2°de l’article L. 332-6-1 du code de l’urbanisme permet aux communes d’imposer aux constructeurs la cession gratuite d’une partie de leur terrain. Il ne définit pas les usages publics auxquels doivent être affectés les terrains ainsi cédés. Il donne un très large pouvoir d’appréciation aux collectivités publiques dans l’application de ces dispositions. Ni cet article du code de l’urbanisme, ni aucune autre disposition législative n’institue les garanties permettant qu’il ne soit pas porté atteinte à l’article 17 de la Déclaration de 1789 relatif au droit de propriété. Par suite, le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence et les dispositions contestées ont été déclarées contraires à la Constitution. 
Cette déclaration d’inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la décision. Elle peut être invoquée dans les instances à cette date et dont l’issue dépend de l’application des dispositions déclarées inconstitutionnelles.
 

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er juillet 2010 par la Cour de cassation (arrêt n° 12112 du 25 juin 2010), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Société Esso SAF, relative à la conformité du e du 2° de l’article L. 332-6-1 du code de l’urbanisme aux droits et libertés que la Constitution garantit. 

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, 

Vu la Constitution ; 

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; 

Vu le code de l’urbanisme ; 

Vu la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985 relative à la définition et à la mise en oeuvre de principes d’aménagement ; 

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; 

Vu les observations produites pour le département du Val de Marne par la société d’avocats au barreau de Paris Le Sourd Desforges, enregistrées le 23 juillet 2010 ; 

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 23 juillet 2010 ; 

Vu les observations produites pour la société requérante par la SCP Célice-Blancpain-Soltner, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 5 août 2010 ; 

Vu la lettre du 9 septembre 2010 par laquelle le Conseil constitutionnel a soumis aux parties un grief susceptible d’être soulevé par lui ; 

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 13 septembre 2010 ; 

Vu les pièces produites et jointes au dossier ; 

Me Frédéric Blancpain pour la société requérante, Me Stéphane Desforges pour le département du Val de Marne et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 14 septembre 2010 ; 

Le rapporteur ayant été entendu ; 

1. Considérant qu’en vertu du e du 2° de l’article L. 332-6-1 du code de l’urbanisme, constituent des contributions aux dépenses d’équipements publics, à la charge des bénéficiaires d’autorisations de construire, « les cessions gratuites de terrains destinés à être affectés à certains usages publics qui, dans la limite de 10 % de la superficie du terrain auquel s’applique la demande, peuvent être exigées des bénéficiaires d’autorisations portant sur la création de nouveaux bâtiments ou de nouvelles surfaces construites » ; 

2. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; 

3. Considérant qu’aux termes de l’article 17 de la Déclaration de 1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité » ; qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi détermine les principes fondamentaux … de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources … du régime de la propriété … » ; 

4. Considérant que le e du 2° de l’article L. 332-6-1 du code l’urbanisme permet aux communes d’imposer aux constructeurs, par une prescription incluse dans l’autorisation d’occupation du sol, la cession gratuite d’une partie de leur terrain ; qu’il attribue à la collectivité publique le plus large pouvoir d’appréciation sur l’application de cette disposition et ne définit pas les usages publics auxquels doivent être affectés les terrains ainsi cédés ; qu’aucune autre disposition législative n’institue les garanties permettant qu’il ne soit pas porté atteinte à l’article 17 de la Déclaration de 1789 ; que, par suite, le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence ; qu’il s’ensuit que, sans qu’il soit besoin d’examiner les griefs invoqués par la requérante, le e du 2° de l’article L. 332-6-1 du code l’urbanisme doit être déclaré contraire à la Constitution ; 

5. Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause » ; que la présente déclaration d’inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu’elle peut être invoquée dans les instances en cours à cette date et dont l’issue dépend de l’application des dispositions déclarées inconstitutionnelles, 

DÉCIDE : 

Article 1er.- Le e du 2° de l’article L. 332-6-1 du code l’urbanisme est déclaré contraire à la Constitution. 

Article 2.- La déclaration d’inconstitutionnalité de l’article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 5. 

Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23 11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. 

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 septembre 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. 

Rendu public le 22 septembre 2010. 

Journal officiel du 23 septembre 2010, p. 17292 

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