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Déclaration de travaux ou permis de construire

La situation :

– Un propriétaire veut vendre son immeuble.
– L’immeuble a été squatté.
– Le propriétaire a supprimé les portes et fenêtres pour dissuader les squatters.
– Dans l’objectif de la vente, le propriétaire remet les portes et fenêtres.
– La mairie le met en demeure, par une lettre, d’arrêter les travaux. Questions :

1. Fallait-il un permis de construire ou une déclaration de travaux pour remettre les portes et fenêtres ?
2. Quelle est la valeur juridique de la lettre de mise en demeure ?
3. Que peut craindre le propriétaire ?
4. Peut-on interrompre les travaux lorsqu’ils sont soumis à déclaration ?

1° Fallait-il un permis de construire ou une déclaration de travaux pour remettre les portes et les fenêtres ?

A) Définitions :

« Le permis de construire est l’autorisation donnée par une autorité administrative d’édifier une construction nouvelle ou de modifier une construction existante préalablement à l’exécution des travaux. »
« La déclaration de travaux est une autre procédure de contrôle administratif de certains travaux de construction qui, en raison de leur nature ou de leur faible importance, ne sont pas soumis à permis de construire. »

B) Champ d’application du permis de construire :

Articles L 421.1 et suivants du Code de l’Urbanisme

Pour le cas d’espèce, le permis de construire est nécessaire lorsque la construction a pour effet de modifier notablement l’aspect extérieur de l’immeuble. On se demandera si le fait de reconstruire des portes et des fenêtres a changé notablement l’apparence extérieure de l’édifice (Art. L.421-1 al. 2 du Code de l’urbanisme). On se demandera également si l’immeuble est inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques (Art. L.422-4 al. 1 du Code de l’urbanisme). Si la réponse à l’une ou à l’autre de ces questions est positive, le permis de construire est obligatoire.
Comme le rappellent les professeurs JACQUOT et PRIET, « sont soumis à permis de construire les travaux ayant pour objet ou pour effet de modifier l’aspect extérieur de la construction : percement, élargissement, réduction ou suppression d’ouvertures, fermetures […]» Les fenêtres et les portes sont des ouvertures, elles doivent faire l’objet en cas de suppression d’un permis de construire.
L’obtention d’un permis de construire est obligatoire lors de la création d’ouvertures sur un immeuble qui n’en disposait pas. Cependant, les travaux qui ne font que modifier légèrement l’aspect extérieur de la construction sont exemptés de permis de construire ; ils sont néanmoins soumis à une déclaration de travaux en application de l’article R.422-2 m et l’article R.422-3 du Code de l’urbanisme lorsqu’ils ne créent pas de surface nouvelle. Les portes et les fenêtres ayant été supprimées de la façade de l’immeuble, le fait de les reposer ne signifie pas leur création mais leur remontage. Remonter des fenêtres et des portes ne faisant que modifier légèrement l’aspect extérieur de la construction , pour le rendre identique à son aspect initial, le permis de construire ne s’avère pas requis.

C) Champ d’application de la déclaration de travaux :

Art. L. 422-1 ; art. R.422.2 m ; art. R. 422-3 al. 1 du Code de l’urbanisme

Le champ d’application de la déclaration de travaux, qui concerne les modifications légères et de faible importance d’une construction (Art. L. 422-2 al. 2 et Art. R.422-3 al.1 du Code de l’urbanisme), comprend entre autre les travaux de ravalement et les travaux sur les monuments historiques classés. Si l’immeuble concerné est un monument historique classé, la déclaration de travaux est obligatoire (Art. R 422-2 b et Art. R.422-3 al.1 du Code de l’urbanisme).
S’agissant des travaux de faible importance, il s’agit pour l’espèce de travaux de ravalement, aussi bien ceux qui ne modifient pas notablement l’aspect extérieur des façades (nettoyage, réparation, protection) que ceux plus importants qui changent la couleur ou la nature des enduits et matériaux de revêtement ou même le dessins des ferronneries et des boiseries ; ces interventions sont soumises à déclaration de travaux (Art. R. 422-2 a et art. R. 422-2 m du Code de l’urbanisme).

D) Conclusion

Le Conseil d’Etat a considéré que des travaux de remise en état de portes et de fenêtres n’avaient pas pour effets de changer l’aspect extérieur d’une construction et n’étaient donc pas soumis à permis de construire (CE, 9 juill. 1993, Pontier, req. n° 99755). La remise en place de portes et de fenêtres dans un immeuble d’habitation n’est soumise qu’à une déclaration de travaux. Plus précisément, la réfection ou le remplacement des huisseries à l’identique doit faire l’objet d’une telle déclaration sauf s’il s’agit de matériaux nouveaux, avec de nouveaux coloris : dans ce cas, un permis de construire est obligatoire (CE, 26 juin 1991, SCI des Marais, req. n°97330).

2° Quelle est la valeur juridique de la lettre de mise en demeure adressée par le maire au propriétaire de l’immeuble ?

L.31 décembre 1976 ; L.18 juillet 1985 ; art. L.480-2 du Code de l’urbanisme

On s’interrogera sur la nature juridique de la notification adressée par le maire au propriétaire de l’immeuble : s’agit-il d’une lettre de mise en demeure visant à ce que le propriétaire arrête les travaux ou bien d’un arrêté interruptif de travaux ?
Selon l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme, deux procédures d’interruption de travaux existes. La première procédure est judiciaire, l’interruption des travaux est alors ordonnée par le juge d’instruction ou par le tribunal correctionnel. La deuxième procédure est administrative, tant que l’autorité judiciaire ne s’est pas prononcée ; cette procédure prend la forme d’un arrêté motivé du maire dit « arrêté interruptif de travaux », avec droit de substitution du préfet vingt-quatre heures après la mise en demeure adressée au maire. Si la lettre adressée par le maire au propriétaire de l’immeuble n’est pas un arrêté interruptif de travaux, celle-ci ne peut avoir qu’une portée juridique limitée, le propriétaire n’étant pas obligé d’y donner suite.
En prenant un arrêté interruptif de travaux, le maire ordonne au propriétaire de cesser immédiatement l’avancée des travaux entrepris. L’arrêté interruptif peut être déféré au juge administratif, qui peut l’annuler notamment au cas de motivation insuffisante (CE 13 fév. 1970, Min. Equip. C/ Sté Neuilly-Ancelle, Rec. CE, p. 113). On retiendra que l’arrêté interruptif n’a qu’une valeur conservatoire ; la décision sur le fond appartient aux tribunaux répressifs.

Deux points importants :
– L’ordre d’interruption des travaux peut faire l’objet d’un sursis à exécution devant la juridiction administrative (CE 23 mai 1986, Soler, JCP N 1987, II, p. 133, note J.-B. AUBY)
– L’arrêté interruptif est irrégulier si l’intéressé n’a pas pu présenter ses observations (CAA Paris 26 février 1998, Mme Guedon, BJDU, 3-98, p. 189, concl. PHEMOLANT)

3° Que peut craindre le propriétaire ?

Art. L.480-3 ; art. L.480-4 du Code de l’urbanisme

La poursuite des travaux en cas de procédure d’interruption des travaux est une infraction supplémentaire (Art. L.480-3 du Code de l’urbanisme) qui vient s’ajouter à l’infraction initiale qui constitue la méconnaissance des règles relatives à l’acte de construire (Art. L.480-4 du Code de l’urbanisme).

La continuation des travaux en méconnaissance de l’arrêté interruptif de travaux peut entraîner :

– des sanctions pénales

1/ Article L. 480-3 du Code de l’urbanisme

En cas de continuation des travaux nonobstant la décision judiciaire ou l’arrêté en ordonnant l’interruption, une amende de 500000 F et un emprisonnement de trois mois, ou l’une de ces deux peines seulement, sont prononcés par le tribunal contre les personnes visées à l’article L.480-4 (2. alinéa).

2/ Article L. 480-4 du Code de l’urbanisme

L’exécution de travaux ou l’utilisation du sol en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier, II, IV et VI du présent livre, par les règlements pris pour son application ou par les autorisations délivrées en conformité avec leurs dispositions, exception faite des infractions relatives à l’affichage des autorisations ou déclarations concernant des travaux, constructions ou installations, est punie d’une amende comprise entre 8 000 F et un montant qui ne peut excéder, soit, dans le cas de construction d’une surface de plancher, une somme égale à 40000 F par mètre carré de surface construite, démolie ou rendue inutilisable au sens de l’article L.430-2, soit, dans les autres cas, un montant de 2000000 F. En cas de récidive, outre la peine d’amende ainsi définie un emprisonnement de six mois pourra être prononcé.

4° Peut-on interrompre les travaux lorsqu’ils sont soumis à déclaration ?

Art. L.422-2 ; art. L.480-1 ; art. L.480-2 ; art. R.422-10 du Code de l’urbanisme

Si le propriétaire a déposé une déclaration de travaux auprès de l’autorité compétente, alors, selon l’article L.422-2 al. 2 du Code de l’urbanisme et sauf opposition motivée et notifiée par le maire dans le délai d’un mois à compter de la réception de la déclaration, les travaux peuvent être exécutés sous réserve, le cas échéant, du respect des prescr1ptions notifiées dans les mêmes conditions.
Les travaux soumis à une déclaration peuvent cependant être interrompus. En effet, au regard des dispositions de l’article L. 480-2 du Code de l’urbanisme, l’interruption des travaux peut être ordonnée sur réquisition du ministère public agissant à la requête du maire, du fonctionnaire compétent ou d’une association agrée (Art. L.480-1 du Code de l’urbanisme), soit, même d’office, par le juge d’instruction saisi des poursuites ou par le tribunal correctionnel.
L’article L.480-2 al. 3 du Code de l’urbanisme dispose également que dès qu’un procès-verbal relevant une des infractions prévues à l’article L.480-4 a été dressé, le maire peut également, si l’autorité judiciaire ne s’est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l’interruption des travaux. Copie de cet arrêté est transmise sans délai au ministère public. L’ordre d’interruption des travaux ne peut être donné par le maire qu’en raison d’infractions pénales (CE 14 déc. 1981, SARL « European Homes » : Rec. CE 1981, p. 471).
Selon l’article précité, on retiendra également que le maire pourra prendre toutes mesures de coercition visant à assurer l’application immédiate de la décision judiciaire ou de son arrêté, en procédant par exemple à la saisie des matériaux ou du matériel de chantier. On rappellera que, sans distinguer selon le caractère judiciaire ou administratif de l’ordre d’interruption, c’est l’autorité judiciaire qui se prononce sur la mainlevée ou le maintien des mesures prises (Cass. Crim. 5 mai 1981 : Bull. crim. n° 138). Dans l’hypothèse où l’instruction n’est pas ouverte, la mainlevée peut être ordonnée par le tribunal correctionnel (CA Aix 16 janv. 1985 : RDI, note ROUJOU DE BOUBEE)

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