Le seul fait qu’une convention d’occupation du domaine public ne contienne aucune précision relative à sa durée ne suffit pas à l’entacher de nullité.
CE 5 février 2009, Association « Société centrale d’agriculture, d’horticulture et d’acclimatation de Nice et des Alpes-Maritimes », n° 305021
Source : Dalloz.fr
Frédéric Renaudin
Avocat à la cour
Conseil d’ÉtatN° 305021 Publié au recueil Lebon8ème et 3ème sous-sections réuniesM. Vigouroux, présidentM. Jean-Marc Anton, rapporteurMme Escaut Nathalie, commissaire du gouvernementSCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP BACHELLIER, POTIER DE LA VARDE, avocatslecture du jeudi 5 février 2009REPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAISVu 1°), sous le n° 305021, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 avril et 19 juillet 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour l’ASSOCIATION SOCIETE CENTRALE D’AGRICULTURE, D’HORTICULTURE ET D’ACCLIMATATION DE NICE ET DES ALPES-MARITIMES (SCA), dont le siège est 113, Promenade des Anglais à Nice (06000), représentée par son président en exercice ; l’ ASSOCIATION SCA demande au Conseil d’Etat :1°) d’annuler l’arrêt du 27 février 2007 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille, faisant droit à l’appel formé par la commune de Nice, a, d’une part, annulé le jugement du 30 novembre 2004 du tribunal administratif de Nice en tant qu’il avait annulé la décision du 30 juin 1998 par laquelle le maire de Nice lui a demandé de libérer un terrain que la commune l’avait autorisée à occuper par une convention du 4 août 1900 et, d’autre part, rejeté ses conclusions présentées devant le tribunal administratif de Nice à fin d’annulation de cette décision, ensemble les conclusions qu’elle a présentées devant la cour administrative d’appel ;2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 6 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;Vu 2°), sous le n° 309116, la requête, enregistrée le 5 septembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour l’ASSOCIATION SOCIETE CENTRALE D’AGRICULTURE, D’HORTICULTURE ET D’ACCLIMATATION DE NICE ET DES ALPES-MARITIMES (SCA), dont le siège est 113, promenade des Anglais à Nice (06000), représentée par son président en exercice ; l’ASSOCIATION SCA demande au Conseil d’Etat :1°) d’ordonner le sursis à l’exécution de l’arrêt du 27 février 2007 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille, faisant droit à l’appel formé par la commune de Nice, a, d’une part, annulé le jugement du 30 novembre 2004 du tribunal administratif de Nice en tant qu’il avait annulé la décision du 30 juin 1998 par laquelle le maire de Nice lui a demandé de libérer un terrain que la commune l’avait autorisée à occuper par une convention du 4 août 1900 et, d’autre part, rejeté ses conclusions présentées devant le tribunal administratif de Nice à fin d’annulation de cette décision, ensemble les conclusions qu’elle a présentées devant la cour administrative d’appel ;2°) de mettre à la charge de la commune de Nice le versement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;…………………………………………………………………………Vu les autres pièces des dossiers ;Vu le code général de la propriété des personnes publiques, notamment son article L. 2331-1 ;Vu le code de justice administrative ;Après avoir entendu en séance publique :- le rapport de M. Jean-Marc Anton, Auditeur,- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de l’ASSOCIATION SOCIETE CENTRALE D’AGRICULTURE, D’HORTICULTURE ET D’ACCLIMATISATION DE NICE ET DES ALPES-MARITIMES et de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la commune de Nice,- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, Commissaire du gouvernement ;Considérant que le pourvoi et la requête de l’ASSOCIATION SOCIETE CENTRALE D’AGRICULTURE, D’HORTICULTURE ET D’ACCLIMATATION DE NICE ET DES ALPES-MARITIMES (SCA) tendent respectivement à l’annulation et à la suspension de l’exécution d’un même arrêt ; qu’il y a lieu d’y statuer par une seule décision ;Sur les conclusions présentées sous le n° 305021 :Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’ASSOCIATION SCA a conclu avec la commune de Nice, le 4 août 1900, une convention par laquelle la ville a mis à sa disposition un terrain à titre gratuit situé sur une dépendance du domaine public et l’a autorisée à y construire son siège ; qu’aucune de ses stipulations ne fixait la durée de cette convention ; que le maire de Nice, par lettre datée du 30 juin 1998, d’une part, a informé cette association de ce que, cette convention devant être regardée selon lui comme un bail emphytéotique, sa durée, qui ne pouvait en conséquence excéder 99 ans, arrivait à son terme le 24 août 1999, d’autre part, lui a demandé de prendre toutes dispositions pour libérer les lieux avant ce terme ; que, saisi par l’ASSOCIATION SCA, le tribunal administratif de Nice, par un jugement du 30 novembre 2004, a annulé la décision contenue dans cette lettre, qu’il a regardée comme procédant à la résiliation de la convention d’occupation domaniale du 4 août 1900 ne comportant pas de terme déterminé ; que, toutefois, sur appel de la commune de Nice, la cour administrative d’appel de Marseille a annulé ce jugement et, après avoir relevé d’office la nullité de la convention du 4 août 1900, a rejeté les conclusions de l’ASSOCIATION SCA tendant à l’annulation de la lettre du maire de Nice du 30 juin 1998 comme dépourvues d’objet, ensemble les conclusions indemnitaires présentées par l’association à titre subsidiaire, par un arrêt en date du 27 février 2007 contre lequel l’ASSOCIATION SCA se pourvoit en cassation ;Considérant que, si les autorisations d’occupation du domaine public doivent en principe être délivrées pour une durée déterminée, ainsi que le rappelle l’article L. 2122-2 du code général de la propriété des personnes publiques, la seule circonstance qu’une convention ne conférant pas de droits réels à l’occupant du domaine public ne contenait aucune précision relative à sa durée n’est pas de nature à entacher celle-ci de nullité ; qu’en effet, dans le silence sur ce point de la convention, le principe d’inaliénabilité du domaine public, qui s’applique sauf texte législatif contraire, implique que l’autorité gestionnaire du domaine peut mettre fin à tout moment, sous réserve de justifier cette décision par un motif d’intérêt général, à l’autorisation d’occupation qu’elle a consentie ; que, par suite, en jugeant que la clause qui, dans les conventions autorisant l’occupation du domaine public, en fixe la durée revêt un caractère substantiel dont l’absence est de nature à entacher une telle convention de nullité, la cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit ; que l’ASSOCIATION SCA est fondée, pour ce motif et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l’affaire au fond ;Sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par l’ASSOCIATION SCA ;Considérant, en premier lieu, que la demande présentée par l’ASSOCIATION SCA devant le tribunal administratif de Nice comportait l’énoncé de conclusions assorties de moyens ; que le tribunal administratif, contrairement à ce que soutient la commune de Nice, a pu régulièrement regarder cette demande comme tendant à l’annulation de la décision contenue dans la lettre du 30 juin 1998 du maire de Nice, se regardant compétent pour connaître du litige, et la juger, à ce titre, recevable ;Considérant, en deuxième lieu, que si la commune de Nice soutient que la convention du 4 août 1900 serait nulle au motif qu’elle méconnaîtrait des règles relatives à la mise en concurrence des candidats à l’obtention d’une autorisation d’occupation du domaine public, d’où il s’ensuivrait que les conclusions présentées devant le tribunal administratif, tendant à l’annulation de la lettre du 30 juin 1998, seraient dépourvues d’objet, elle n’assortit pas ce moyen des précisions nécessaires pour permettre d’en apprécier le bien-fondé, notamment de l’indication des dispositions au regard desquelles la passation de la convention, qui n’a fait l’objet d’aucun renouvellement, aurait été entachée d’illégalité ;Considérant, en troisième lieu, que la commune de Nice n’apporte en appel aucun argument nouveau à l’appui des autres moyens par lesquels elle critique l’appréciation portée par le tribunal administratif de Nice sur la recevabilité des conclusions présentées devant lui par l’ASSOCIATION SCA, tirés d’une part de leur tardiveté, d’autre part de ce qu’elles tendent à l’annulation d’une décision qui ne ferait pas grief ; qu’il y a lieu d’adopter sur ces points les motifs retenus par le tribunal administratif ;Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la commune de Nice n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice, se fondant, d’une part, sur l’incompétence du maire à engager la procédure de résiliation de la convention sans y avoir été préalablement autorisé par le conseil municipal et, d’autre part, sur l’absence de motif d’intérêt général, a annulé la décision du maire en date du 30 juin 1998 résiliant la convention du 4 août 1900 et demandant à l’ASSOCIATION SCA de prendre toutes dispositions pour quitter ses locaux du Palais de l’Agriculture avant le 24 août 1999 ;Sur les conclusions présentées sous le n° 309116 :Considérant que, par la présente décision, il est statué sur les conclusions tendant à l’annulation de l’arrêt attaqué ; qu’ainsi, il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce qu’il soit sursis à son exécution ;Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’ASSOCIATION SCA, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Nice demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’en revanche il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Nice le versement à l‘ASSOCIATION SCA d’une somme de 5 000 euros au titre des frais exposés par elle, tant en appel qu’en cassation, et non compris dans les dépens ;D E C I D E :————–Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille en date du 27 février 2007 est annulé.Article 2 : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par l’ASSOCIATION SOCIETE CENTRALE D’AGRICULTURE, D’HORTICULTURE ET D’ACCLIMATATION DE NICE ET DES ALPES-MARITIMES (SCA), tendant à ce que soit prononcé le sursis à exécution de l’arrêt du 27 février 2007 de la cour administrative d’appel de Marseille.Article 3 : La requête présentée par la commune de Nice devant la cour administrative d’appel de Marseille, tendant à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Nice en date du 27 novembre 2004, ainsi que ses conclusions présentées devant le Conseil d’Etat, tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.Article 4 : La commune de Nice versera à l’ASSOCIATION SOCIETE CENTRALE D’AGRICULTURE, D’HORTICULTURE ET D’ACCLIMATATION DE NICE ET DES ALPES-MARITIMES (SCA) une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.Article 5 : La présente décision sera notifiée à l’ASSOCIATION SOCIETE CENTRALE D’AGRICULTURE, D’HORTICULTURE ET D’ACCLIMATATION DE NICE ET DES ALPES-MARITIMES (SCA), à la commune de Nice et à la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales