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Permis de construire : comment constater / apprécier la caducité du permis de construire ?

CAA de MARSEILLE

N° 13MA00532   
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre – formation à 3
M. BOCQUET, président
M. Michel POCHERON, rapporteur
M. REVERT, rapporteur public
SCP REYNE-RICHARD-REYNE, avocat

lecture du lundi 2 novembre 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Marceau a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler le constat en date du 16 mars 2011 du maire de la commune de Fuveau de la caducité du permis de construire n° 013040 06 L0080 qui lui avait été accordé le 2 janvier 2007 et la mise à la charge de la commune de Fuveau de la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1105480 du 26 décembre 2012, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, et des mémoires enregistrés le 6 février 2013, le 19 août 2015, et le 27 août 2015, la SCI Marceau, représentée par MeB…, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 26 décembre 2012 ;

2°) d’annuler la décision du maire de Fuveau en date du 16 mars 2011 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Fuveau une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :

– aucune convocation ni information concernant la visite des lieux ne lui a été adressée, ni au locataire ;
– elle n’a pas été en mesure de présenter ses observations, le principe du contradictoire préalable a été méconnu ;
– les faits sont matériellement inexacts ;
– les lieux visités correspondent à la partie ancienne et extérieure qui n’a pas fait l’objet des travaux de rénovation dans le cadre du permis de construire ;
– son bâtiment est alimenté en électricité ;
– le chantier est toujours en cours et les travaux ont été effectué depuis moins d’un an ;
– les travaux de reprise de gros oeuvre ont été effectués en début de chantier et depuis 2010 restent à exécuter les travaux à l’intérieur du bâtiment ;
– la continuité du chantier est établie par les factures produites au dossier ;
– il incombe à la commune de démontrer l’interruption de travaux pendant plus d’un an, ce qu’elle ne fait pas en l’espèce ;
– le maire a utilisé la procédure de caducité comme subterfuge juridique dans le dessein d’annihiler le permis de construire, entachant ainsi sa décision de détournement de pouvoir ;
– le maire n’était pas en situation de compétence liée, le moyen tiré du vice de procédure n’est pas inopérant ;
– la commune ne justifie pas de la date de notification du permis de construire, point de départ du délai de caducité ;
– à supposer que la facture de septembre 2007 marque le commencement effectif des travaux, la requérante avait jusqu’en septembre 2010 pour commencer les travaux, et il fallait vérifier si les travaux avaient été interrompus entre septembre 2010 et septembre 2011, pas le 16 mars 2011 ;
– l’acte litigieux est une décision administrative faisant grief.

Un courrier du 23 juillet 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l’article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d’appeler l’affaire à l’audience et a indiqué la date à partir de laquelle l’instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l’article R. 613-1 et le dernier alinéa de l’article R. 613-2.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2015, la commune de Fuveau, représentée par la SCP Bérenger-Blanc-Burtez-Doucedé et associés, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la SCI Marceau la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

– la Cour doit vérifier que l’acte litigieux constitue une décision faisant grief ;
– le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire préalable est inopérant, la commune étant en situation de compétence liée, et la décision litigieuse n’étant pas une sanction ;
– les autres moyens soulevés par la SCI Marceau ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 27 août 2015, la SARL Marceline, représentée par Me B…, a présenté des observations.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
– le décret n° 2008-1353 du 19 décembre 2008 ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience par un avis d’audience adressé le 16 septembre 2015 portant clôture d’instruction immédiate en application des dispositions de l’article R. 613-2 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Pocheron,
– les conclusions de M. Revert, rapporteur public ;
– et les observations de MeB…, représentant la SCI Marceau et la SARL Marceline, et celles de MeA…, représentant de la commune de Fuveau.

Deux notes en délibéré présentées par Me B…ont été enregistrées le 12 octobre 2015 et le 13 octobre 2015.

1. Considérant que la SCI Marceau relève appel du jugement en date du 26 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre le constat en date du 16 mars 2011 du maire de la commune de Fuveau de la caducité du permis de construire n° 013040 06 L0080 qui lui avait été accordé le 2 janvier 2007, relatif à la réhabilitation et l’extension d’un restaurant exploité par la SARL Marcelline pour une surface hors oeuvre nette (SHON) de 467 m2 ;

Sur l’intervention de la SARL Marceline :

2. Considérant que l’acte par lequel un maire constate la caducité d’un permis de construire, qui fait grief, est susceptible de recours pour excès de pouvoir ; que, par suite, la requête de la SCI Marceau est, contrairement à ce que soutient la commune de Fuveau, recevable ; que, dès lors, l’intervention de la SARL Marceline, qui a la qualité d’exploitante du restaurant qui fait l’objet du permis de conduire déclaré caduc, est également recevable et doit être admise ;

Sur le fond :

3. Considérant qu’aux termes de l’article R. 424-17 du code de l’urbanisme dans sa rédaction en vigueur à la date du constat litigieux :  » Le permis de construire, d’aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de deux ans à compter de la notification mentionnée à l’article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. /Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. (…)  » ; que, cependant, l’article 1er du décret susvisé du 19 décembre 2008 prévoit que :  » Par dérogation aux dispositions figurant aux premier et troisième alinéas de l’article R. * 424-17 et à l’article R. * 424-18 du code de l’urbanisme, le délai de validité des permis de construire, d’aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration intervenus au plus tard le 31 décembre 2010 est porté à trois ans.  » ; qu’en vertu de l’article 2 de ce même décret, cette modification s’applique aux autorisations en cours de validité à la date de sa publication ; qu’en l’espèce, le constat litigieux porte sur une interruption des travaux pendant un délai supérieur à une année passé le délai de trois ans à compter de la notification du permis de construire ; qu’aux termes de l’article R. 242-10 du même code :  » La décision accordant ou refusant le permis ou s’opposant au projet faisant l’objet d’une déclaration préalable est notifiée au demandeur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception postal, ou, dans les cas prévus à l’article R. 423-48, par transmission électronique (…)  » ; qu’il ressort de l’accusé de réception produit par la commune de Fuveau en défense que ledit permis a été notifié à la SCI Marceau le 8 janvier 2007 ; que, par suite, la requérante n’étant pas fondée à soutenir que cette date de notification ne serait pas établie, il pouvait légalement être constaté par le maire de Fuveau le 16 mars 2011 que les travaux avaient été interrompus pendant un délai supérieur à une année passé le délai de trois ans à compter de la notification du permis de construire ;

4. Considérant que la décision par laquelle l’autorité compétente constate la péremption d’un permis de construire doit être regardée comme procédant, non de la simple constatation de faits, mais d’une appréciation sur l’entreprise des travaux voire leur interruption au sens des dispositions précitées de l’article R. 424-17 ; que, par suite, c’est à tort que le tribunal a estimé d’une part que le maire de Fuveau était en situation de compétence liée pour constater la caducité du permis de construire du 2 janvier 2007 et d’autre part que tous les moyens étaient inopérants excepté celui tiré de l’erreur de la qualification juridique de la situation en cause ; qu’il y a lieu, dès lors, d’examiner l’ensemble des moyens soulevés à l’encontre de l’acte litigieux par la SCI Marceau ;

5. Considérant qu’aux termes de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée :  » Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’ administration et le public n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (…)  » ; qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 :  » Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. /A cet effet, doivent être motivées les décisions qui :- restreignent l’exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ;- infligent une sanction ;- subordonnent l’octroi d’une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ;- retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ;- opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ;- refusent un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir ;- refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l’un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des deuxième à cinquième alinéas de l’article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public.  » ;

6. Considérant, en premier lieu, que la péremption du permis de construire instituée par les dispositions de l’article R. 424-17 du code de l’urbanisme est acquise par le seul laps du temps qu’elles prévoient lorsque les constructions n’ont pas été entreprises ou ont été interrompues, sans que soit nécessaire l’intervention d’une décision de l’autorité qui a délivré le permis ; qu’ainsi, l’acte constatant la péremption de l’autorisation de construire n’est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées en application des dispositions précitées de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que par suite, la société requérante ne peut utilement invoquer la violation des dispositions sus-rappelées de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que le constat de caducité en cause, établi par le chef de police municipale et un brigadier, relève notamment un chantier non sécurisé, l’absence de mention d’interdiction d’accès au public, l’existence d’un bâtiment squatté, insalubre, tagué sur la majorité des parois et murs internes, l’absence de trace de chantier ou de travaux en cours, la présence de sacs de ciment et de colle à bâtiment durcis dans leurs emballage, l’absence d’électricité ou de compteur de chantier, la présence d’excréments d’animaux et de selles humaines sur le sol ; qu’il ressort en outre des pièces du dossier que, par un courrier du 15 juillet 2010 le centre des finances publiques d’Aix-en-Provence a constaté l’absence de déclaration de travaux réalisés, qu’un courrier du 21 octobre 2010 d’EDF relatif à une demande d’accès à l’électricité indique qu’il faut au préalable procéder au raccordement au réseau, et que ce document n’est pas assorti de pièces ultérieures établissant que l’électricité a été effectivement installée avant le 16 mars 2011 ; que la SCI Marceau, pour établir que les travaux n’étaient pas interrompus depuis plus d’un an à la date du 16 mars 2011 produit certains documents qui, antérieurs à la période considérée, ou dont le lien avec le chantier litigieux n’est pas caractérisé, en l’absence d’adresse ou en raison de la mention d’une adresse différente de celle de la parcelle considérée, ne sauraient utilement contredire le bien-fondé de l’acte en cause ; que la requérante se prévaut également de photographies prises en 2015, de factures des 29 octobre et 1er décembre 2010 concernant respectivement l’achat de blocs portes métalliques et poignées anti-panique, à la charge de la SARL Marceline, et l’acquisition d’un groupe électrogène, ainsi que de diverses attestations d’un voisin et du gérant de la SARL Marceline, et d’un  » schéma des travaux dans le temps « , postérieurs à cette date du 16 mars 2011, qui ne sont pas de nature par eux-mêmes à démontrer l’existence de travaux en cours sur le chantier pendant la période concernée ;

8. Considérant, en troisième lieu, que la SCI Marceau n’établit pas que la caducité de son permis de construire délivré le 2 janvier 2007 aurait été constatée par la commune de Fuveau en raison d’un jugement correctionnel du 22 décembre 1997 ordonnant à l’ancien locataire du restaurant en cause de démolir des extensions illégales jamais exécuté, de l’action des services de l’Etat engagée début 2011 concernant l’exécution de ce jugement, et d’un refus d’attribution de licence IV opposé à la SARL Marceline ; que, par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté ;

9. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SCI Marceau n’est pas fondée à se plaindre de ce que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la SCI Marceau le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Fuveau et non compris dans les dépens ;

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Fuveau, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la SCI Marceau la somme que celle-ci réclame au titre des frais qu’elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

D E C I D E :
Article 1er : L’intervention de la SARL Marceline est admise.
Article 2 : La requête de la SCI Marceau est rejetée.
Article 3 : La SCI Marceau versera à la commune de Fuveau une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Marceau, à la SARL Marceline et à la commune de Fuveau.

Délibéré après l’audience du 12 octobre 2015, où siégeaient :
– M. Bocquet, président,
– M. Pocheron, président-assesseur,
– Mme Hameline, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 novembre 2015.
N° 13MA00532

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