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Permis de construire : comment opposer directement le Plan de Prévention des Risques ?

Conseil d’État 

N° 412650    
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
1ère et 4ème chambres réunies
M. Jean-Luc Nevache, rapporteur
M. Charles Touboul, rapporteur public

lecture du mercredi 20 juin 2018

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. B…F…et M. D…C… ont demandé au tribunal administratif de Nice d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 30 juin 2015 par lequel le maire de la Gaude a délivré à M. E…A…, au nom de l’Etat, le permis de construire un groupement d’habitations comprenant 5 logements sur un terrain situé au lieudit le plan du bois. Par un jugement n° 1504127 du 16 mars 2017, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté.

Par une ordonnance n° 17MA02258 du 17 juillet 2017, enregistré le 20 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le président de la cour administrative d’appel de Marseille a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi du ministre de la cohésion des territoires, enregistré au greffe de cette cour le 31 mai 2017. Par ce pourvoi, le ministre de la cohésion des territoires demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Nice ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la demande de MM. F… etC….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Jean-Luc Nevache, conseiller d’Etat,

– les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de M. F…et de M.C….

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 30 juin 2015, le maire de la Gaude a délivré à M.A…, au nom de l’Etat, le permis de construire un groupement de cinq logements sur des parcelles cadastrées section AC 159 et AC 160 situées en zone UEb1 du plan local d’urbanisme, zone d’habitat individuel diffus, et en zone de risque B1a du plan de prévention des risques naturels prévisibles d’incendie de forêt, dans laquelle le niveau de risque est modéré. Par un jugement du 16 mars 2017, contre lequel le ministre de la cohésion des territoires se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Nice a, à la demande de MM. F…etC…, propriétaires de parcelles voisines, annulé ce permis de construire.

2. L’article L. 562-1 du code de l’environnement dispose que :  » I.- L’Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que (…) les incendies de forêt (…). / II.- Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : / 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l’intensité du risque encouru, d’y interdire tout type de construction, d’ouvrage (…), notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages (…) pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; / 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages (…) pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d’interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° ; / 3° De définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, par les collectivités publiques dans le cadre de leurs compétences, ainsi que celles qui peuvent incomber aux particuliers ; (…). / III.- La réalisation des mesures prévues aux 3° et 4° du II peut être rendue obligatoire en fonction de la nature et de l’intensité du risque dans un délai de cinq ans, pouvant être réduit en cas d’urgence. A défaut de mise en conformité dans le délai prescrit, le préfet peut, après mise en demeure non suivie d’effet, ordonner la réalisation de ces mesures aux frais du propriétaire, de l’exploitant ou de l’utilisateur. (…) « . L’article L. 562-4 du même code prévoit que :  » Le plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé vaut servitude d’utilité publique. Il est annexé au plan local d’urbanisme, conformément à l’article L. 153-60 du code de l’urbanisme (…) « .

3. Il résulte de ces dispositions que si, dans les zones délimitées par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, les prescriptions auxquelles un tel plan subordonne une construction en application des 1° et 2° du II de l’article L. 562-1 du code de l’environnement s’imposent directement aux autorisations de construire, qui ne sauraient être légalement accordées lorsque ces prescriptions sont méconnues, il n’en va de même, s’agissant des mesures de prévention, de protection et de sauvegarde définies par un tel plan comme incombant aux particuliers dans ces mêmes zones en application du 3° du II du même article, que lorsque leur réalisation a été rendue obligatoire dans les conditions prévues au III de cet article. Si leur réalisation n’a pas été rendue obligatoire, ces mesures font seulement partie des éléments que l’autorité chargée de délivrer les autorisations de construire peut, en fonction de leur objet, prendre en considération pour apprécier le respect du règlement national d’urbanisme ou des dispositions ayant un objet similaire d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu. Par conséquent, la circonstance que le projet ne met pas en oeuvre les mesures de prévention préconisées par le plan de prévention des risques naturels prévisibles ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que le permis de construire puisse légalement être accordé

4. Le plan de prévention des risques naturels prévisibles d’incendie de forêt de la commune de la Gaude, approuvé par arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 17 février 2014, établit un zonage de la commune. Aux termes de son article 2 :  » (…) / Dans la zone de risque B1a, le niveau de risque est modéré. (…) / Des protections contre les incendies peuvent être réalisées de manière collective ou individuelle afin de supprimer ou de réduire substantiellement l’exposition des personnes et des biens au danger. / L’urbanisation y est autorisée, sous réserve du respect des dispositions du titre II du présent règlement « . Le titre II,  » Réglementation des projets « , du même plan comprend une section relative aux  » Dispositions particulières applicables en zone B1a  » dont l’article 14 sur les accès et la voirie, applicable  » aux voies privées ouvertes à la circulation du public « , soumet à prescriptions la réalisation d’une opération d’urbanisme groupée. L’annexe 1 de ce même plan définit une  » Liste des dispositions de nature à réduire le risque  » et, parmi celles-ci, au point 2 relatif à la  » Prévention des risques d’incendie « , l’alinéa 2 préconise d' » Elargir les voies privées desservant les bâtiments pour permettre en tout point le croisement de 2 véhicules sans ralentissement, ni manoeuvre « .

5. Aucune disposition de ce plan de prévention n’a rendu obligatoires les mesures de prévention des risques d’incendie prévues dans son annexe 1, l’article 17 du titre II recommandant seulement aux propriétaires de bâtiments existants d’en assurer le respect. Par suite et ainsi qu’il a été dit au point 2, la circonstance que le projet ne mettrait pas en oeuvre les mesures de prévention des risques d’incendie préconisées par l’annexe 1 de ce plan ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que le permis de construire puisse légalement être accordé.

6. Il en résulte que le ministre de la cohésion des territoires est fondé à soutenir qu’en déduisant l’illégalité du permis de construire de la seule circonstance que le projet ne respectait pas la préconisation du deuxième alinéa des mesures de prévention des risques d’incendie de l’annexe 1 du plan de prévention des risques naturels prévisibles, le tribunal administratif de Nice a commis une erreur de droit.

7. Le ministre est, par suite, fondé à demander pour ce motif l’annulation de jugement qu’il attaque. Ce moyen suffisant à entraîner cette annulation, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres moyens du pourvoi.

8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :
————–

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 16 mars 2017 est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée au tribunal administratif de Nice.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. F…et M. C…sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de la cohésion des territoires et, pour l’ensemble des défendeurs, à M. B…F…, premier dénommé.
Copie en sera adressée à M. E…A…, au préfet des Alpes-Maritimes et à la commune de la Gaude.

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