Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiée CSF a demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler pour excès de pouvoir la décision d’opposition à la déclaration préalable à l’exécution de travaux prise à son encontre par la maire de Paris le 13 juillet 2017, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 1719507 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 19PA00986 du 20 mai 2021, la cour administrative d’appel de Paris a, sur l’appel de la société CSF, annulé ce jugement, la décision de la maire de Paris du 13 juillet 2017 ainsi que la décision rejetant son recours gracieux.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 20 juillet 2021 et le 4 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la Ville de Paris demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel de la société CSF ;
3°) de mettre à la charge de la société CSF la somme de 4 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le décret n° 98-247 du 2 avril 1998 ;
– le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d’Etat,
– les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Ville de Paris et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la société CSF ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 13 juillet 2017, la maire de Paris s’est opposée, au motif que le projet relevait de la procédure du permis de construire, à la déclaration préalable de travaux présentée par la société CSF le 4 juillet 2017 en vue de transformer un local occupé par un commerce de boucherie en supérette et d’en modifier les façades. Par un jugement du 7 février 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté le recours formé par cette société contre cette décision ainsi que contre celle rejetant son recours gracieux. La Ville de Paris se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 20 mai 2021 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a, sur l’appel de la société CSF, annulé ce jugement, l’arrêté du 13 juillet 2017 et la décision rejetant son recours gracieux.
2. La ministre de la transition écologique justifie, eu égard à la portée de la question soulevée par le présent litige, d’un intérêt de nature à la rendre recevable à intervenir au soutien du pourvoi de la Ville de Paris. Ainsi, son intervention est recevable.
3. En premier lieu, d’une part, l’article R. 421-14 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue du décret du 28 décembre 2015 relatif à la partie réglementaire du livre Ier du code de l’urbanisme et à la modernisation du contenu du plan local d’urbanisme, dispose que : « Sont soumis a permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l’exception des travaux d’entretien ou de réparations ordinaires : / […] c) Les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s’accompagnent d’un changement de destination entre les différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28 », alors que, dans la rédaction antérieure, de tels travaux étaient soumis a permis de construire lorsqu’ils s’accompagnaient « d’un changement de destination entre les différentes destinations définies à l’article R. 123-9 » et que parmi les neuf destinations définies alors par l’article R. 123-9, le commerce et l’artisanat constituaient des destinations distinctes. Ces nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2016, conformément à l’article 11 de ce décret. L’article R. 151-27 du code de l’urbanisme, créé par le même décret du 28 décembre 2015 et également entré en vigueur le 1er janvier 2016, dresse désormais une liste limitée à cinq destinations, parmi lesquelles celle de « Commerce et activités de service », et l’article R. 151-28, dans sa rédaction également issue du même décret et entrée en vigueur à la même date, prévoit que les destinations prévues à l’article R. 151-27 comprennent les vingt sous-destinations qu’il fixe, dont « 3° Pour la destination « commerce et activités de service » : artisanat et commerce de détail, restauration, commerce de gros, activités de services où s’effectue l’accueil d’une clientèle, hébergement hôtelier et touristique, cinéma ». L’annexe au décret du 2 avril 1998 relatif à la qualification artisanale et au répertoire des métiers classe, quant à lui, dans la liste des activités relevant de l’artisanat, la transformation et conservation de la viande et préparation de produits à base de viande et le commerce de détail de viandes et de produits à base de viande en magasin spécialisé.
4. D’autre part, l’article R. 421-17, dans sa rédaction issue du décret du 28 décembre 2015, dispose que : « Doivent être précédés d’une déclaration préalable lorsqu’ils ne sont pas soumis a permis de construire en application des articles R. 421-14 à R. 421-16 les travaux exécutés sur des constructions existantes, à l’exception des travaux d’entretien ou de réparations ordinaires, et les changements de destination des constructions existantes suivants : / a) Les travaux ayant pour effet de modifier l’aspect extérieur d’un bâtiment existant, à l’exception des travaux de ravalement ; / b) Les changements de destination d’un bâtiment existant entre les différentes destinations définies à l’article R. 151-27 ; pour l’application du présent alinéa, les locaux accessoires d’un bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal et le contrôle des changements de destination ne porte pas sur les changements entre sous-destinations d’une même destination prévues à l’article R. 151-28 […] ». Jusqu’alors, le b) de cet article mentionnait : « b) Les changements de destination d’un bâtiment existant entre les différentes destinations définies à l’article R. 123-9 ; pour l’application du présent alinéa, les locaux accessoires d’un bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal ».
5. En second lieu, l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme, dont les dispositions ont été sur ce point reprises à compter du 1er janvier 2016 à l’article L. 151-9, dispose que le règlement du plan local d’urbanisme « peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions » autorisées. Aux termes de l’antépénultième alinéa de l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme, relatif aux règles que peut comprendre le règlement des plans locaux d’urbanisme, dans sa rédaction applicable jusqu’à son abrogation le 1er janvier 2016, à laquelle renvoyait le c) de l’article R. 421-14 du code de l’urbanisme et le b) de l’article R. 421-17 de ce code dans leur rédaction antérieure au décret du 28 décembre 2015 : « Les règles édictées dans le présent article peuvent être différentes, dans une même zone, selon que les constructions sont destinées à l’habitation, à l’hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l’artisanat, à l’industrie, à l’exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d’entrepôt […] ». Désormais, l’article R. 151-33 du même code, issu du décret du 28 décembre 2015, dispose que « Le règlement peut, en fonction des situations locales, soumettre à conditions particulières : / […] 2° les constructions ayant certaines destinations ou sous-destinations ». Si, comme il a été dit, le décret du 28 décembre 2015 est entré en vigueur le 1er janvier 2016 en vertu de son article 11, le VI de l’article 12 de ce décret prévoit que : « Les dispositions des articles R. 123-1 à R. 123-14 du code de l’urbanisme dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015 restent applicables aux plans locaux d’urbanisme dont l’élaboration, la révision, la modification ou la mise en compatibilité a été engagée avant le 1er janvier 2016. Toutefois, dans les cas d’une élaboration ou d’une révision prescrite sur le fondement du I de l’article L. 123-13 en vigueur avant le 31 décembre 2015, le conseil communautaire ou le conseil municipal peut décider que sera applicable au document l’ensemble des articles R. 151-1 à R. 151-55 du code de l’urbanisme dans leur rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2016, par une délibération expresse qui intervient au plus tard lorsque le projet est arrêté […] ».
6. Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que les règles issues du décret du 28 décembre 2015 définissant les projets soumis à autorisation d’urbanisme, selon notamment qu’ils comportent ou non un changement de destination d’une construction existante, sont entrées en vigueur le 1er janvier 2016, sans qu’ait d’incidence à cet égard le maintien en vigueur, sauf décision contraire du conseil municipal ou communautaire, de l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2016, dans les hypothèses prévues au VI de l’article 12 du décret du 28 décembre 2015, lequel ne se rapporte qu’aux règles de fond qui peuvent, dans ces hypothèses particulières, continuer à figurer dans les plans locaux d’urbanisme et ainsi à s’appliquer aux constructions qui sont situées dans leur périmètre. Les règles soumettant les constructions a permis de construire ou déclaration de travaux, dont un plan local d’urbanisme ne saurait décider et qui relèvent d’ailleurs d’un autre livre du code de l’urbanisme, sont définies, pour l’ensemble du territoire national, par les articles R. 421-14 et R. 421-17 du code de l’urbanisme, qui renvoient, depuis le 1er janvier 2016, pour déterminer les cas de changement de destination soumis à autorisation, aux destinations et sous-destinations identifiées aux articles R. 151-27 et R. 151-28 de ce code.
7. Par suite, en jugeant que la procédure administrative applicable au projet de la société CSF, postérieur au 1er janvier 2016, devait être déterminée par application des dispositions de l’article R. 421-14 du code de l’urbanisme issues du décret du 28 décembre 2015, nonobstant la circonstance que le plan local d’urbanisme de la Ville de Paris était en cours de modification le 1er janvier 2016, pour en déduire que la demande de cette société n’était plus soumise à permis de construire mais à déclaration préalable dès lors que la modification projetée d’une boucherie en commerce ne constituait, désormais, plus un changement de destination, la cour administrative d’appel de Paris a suffisamment motivé son arrêt et n’a pas commis d’erreur de droit.
8. Par suite, la Ville de Paris n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.
9. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de la société CSF, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la Ville de Paris une somme de 3 000 € à verser à cette société au titre des mêmes dispositions.
Décide :
Article 1er : L’intervention de la ministre de la transition écologique est admise.
Article 2 : Le pourvoi de la Ville de Paris est rejeté.
Article 3 : La Ville de Paris versera à la société CSF une somme de 3 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Ville de Paris et à la société par actions simplifiée CSF.
Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.