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Plan Local d’Urbanisme : consulter les personnes associées sur un projet de PLU avec une évaluation environnementale incomplète est-il légal ?

Conseil d’État, 1ère – 4ème chambres réunies, 24/02/2021, 433084

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

L’association Cestas-Réjouit-Environnement (ACRE) et M. C… B… ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d’annuler pour excès de pouvoir la délibération du 12 juillet 2016 par laquelle le conseil municipal de Cestas a déclaré d’intérêt général le projet dit  » La Tour « , comprenant la construction de 140 logements, dont 80 logements locatifs sociaux, et approuvé la mise en compatibilité du plan d’occupation des sols de la commune avec ce projet. Par un jugement n° 1603879 du 15 février 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 18BX01510 du 29 mai 2019, la cour administrative d’appel de Bordeaux a, sur l’appel de l’association Cestas-Réjouit-Environnement et de M. B…, annulé ce jugement et cette délibération.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 juillet et 29 octobre 2019 et le 9 juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune de Cestas demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) de rejeter l’appel de l’association Cestas-Réjouit-Environnement et de M. B… ;

3°) de mettre à la charge de l’association Cestas-Réjouit-Environnement et de M. B… la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– l’ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 ;
– le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d’Etat,

– les conclusions de Mme A… D…, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la commune de Cestas et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de l’association Cestas-Rejouit-Environnement ;

 

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le conseil municipal de Cestas a engagé, par une délibération du 17 novembre 2014, sur le fondement de l’article L. 300-6 du code de l’urbanisme, une procédure de déclaration de projet, nécessitant une mise en compatibilité du plan d’occupation des sols, pour la réalisation d’une opération d’aménagement comprenant 140 logements, dont 80 logements locatifs sociaux, sur des parcelles situées dans le quartier du Réjouit, jusque-là classées en zone agricole, d’une superficie totale de 20 hectares. La mise en compatibilité du plan ayant fait l’objet, le 14 janvier 2016, d’une réunion d’examen conjoint par les personnes publiques associées à l’élaboration de ce document, le 21 mars 2016, l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement a émis son avis sur l’évaluation environnementale et une enquête publique s’est déroulée du 18 avril au 20 mai 2016. Le conseil municipal de Cestas a déclaré le projet d’intérêt général et approuvé la mise en compatibilité du plan d’occupation des sols de la commune par une délibération du 12 juillet 2016. Par un jugement du 15 février 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de l’association Cestas-Réjouit-Environnement et de M. B… tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de cette délibération. Par un arrêt du 29 mai 2019, contre lequel la commune de Cestas se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Bordeaux a fait droit à leur appel et annulé le jugement du 15 février 2018 et la délibération du 12 juillet 2016.

2. D’une part, aux termes de l’article L. 300-6 du code de l’urbanisme :  » L’Etat et ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement, se prononcer, par une déclaration de projet, sur l’intérêt général d’une action ou d’une opération d’aménagement au sens du présent livre ou de la réalisation d’un programme de construction. (…) / Lorsque l’action, l’opération d’aménagement ou le programme de construction est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement, les dispositions nécessaires pour mettre en compatibilité les documents d’urbanisme ou pour adapter les règlements et servitudes mentionnés au deuxième alinéa font l’objet d’une évaluation environnementale, au sens de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement « . En vertu de l’article L. 104-4 du même code, dans ce cas, le rapport de présentation du document d’urbanisme  » 1° Décrit et évalue les incidences notables que peut avoir le document sur l’environnement ; / 2° Présente les mesures envisagées pour éviter, réduire et, dans la mesure du possible, compenser ces incidences négatives ; / 3° Expose les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de la protection de l’environnement, parmi les partis d’aménagement envisagés, le projet a été retenu « . En vertu des articles L. 104-6 et R. 104-25 du même code, la personne publique qui élabore ce document  » transmet pour avis à l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement le projet de document et son rapport de présentation  » et l’avis de cette autorité sur l’évaluation environnementale et le projet de document  » est, s’il y a lieu, joint au dossier d’enquête publique « .

3. D’autre part, aux termes de l’article L. 153-54 du même code, qui, issu de l’ordonnance du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre Ier du code de l’urbanisme et entré en vigueur le 1er janvier 2016, était applicable à la date à laquelle est intervenue la délibération du 12 juillet 2016 attaquée :  » Une opération faisant l’objet (…) d’une déclaration de projet, et qui n’est pas compatible avec les dispositions d’un plan local d’urbanisme ne peut intervenir que si : / 1° L’enquête publique concernant cette opération a porté à la fois sur l’utilité publique ou l’intérêt général de l’opération et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence ; / 2° Les dispositions proposées pour assurer la mise en compatibilité du plan ont fait l’objet d’un examen conjoint de l’Etat, de l’établissement public de coopération intercommunale compétent ou de la commune et des personnes publiques associées mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9. (…) « . L’article R. 153-13 du même code précise que :  » (…) cet examen conjoint a lieu avant l’ouverture de l’enquête publique, à l’initiative de l’autorité chargée de la procédure. / Le procès-verbal de la réunion d’examen conjoint est joint au dossier de l’enquête publique « .

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu’il appartient à une commune souhaitant modifier son projet de document d’urbanisme avant l’ouverture de l’enquête publique, dans l’hypothèse où le code de l’urbanisme prévoit un examen conjoint de l’Etat, de la commune et des personnes publiques associées à l’élaboration du document d’urbanisme, de prendre l’initiative d’une nouvelle réunion d’examen conjoint lorsque celle-ci est nécessaire pour que le procès-verbal de réunion figurant au dossier soumis à l’enquête publique corresponde toujours au projet modifié. Ainsi, une nouvelle réunion d’examen conjoint n’a, en principe, pas à être organisée en cas de compléments apportés au rapport de présentation du document d’urbanisme pour satisfaire aux exigences de l’évaluation environnementale en ce qui concerne la description et l’évaluation, prévue au 1° de l’article L. 104-4 du code de l’urbanisme cité au point 2, des incidences notables que peut avoir le document sur l’environnement ou l’exposé, prévu au 3° du même article, des raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de la protection de l’environnement, parmi les partis d’aménagement envisagés, le projet a été retenu.

5. La cour a relevé que, pour tenir compte des remarques formulées au cours de la réunion d’examen conjoint par les personnes publiques associées et des observations émises par l’autorité environnementale dans son avis du 21 mars 2016, la commune de Cestas avait fait établir un document intitulé  » addenda au rapport de présentation et évaluation environnementale « , comportant une série de réponses à ces observations et complétant sur des éléments de fond le dossier de présentation de la mise en compatibilité du plan d’occupation des sols. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que ces compléments apportés au rapport de présentation du document d’urbanisme, qui portaient sur la description et l’évaluation des incidences notables que le document pouvait avoir sur l’environnement, rendaient nécessaire une nouvelle réunion des personnes publiques associées et qu’en l’absence de cette nouvelle réunion, le public ayant été privé d’une garantie, la délibération attaquée était illégale.

6. Il suit de là, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, que la commune de Cestas est fondée à demander pour ce motif l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.

7. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Cestas, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’association Cestas-Réjouit-Environnement la somme réclamée par la commune de Cestas au titre des mêmes dispositions.

 

D E C I D E :
————–
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 29 mai 2019 est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Bordeaux.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de l’association Cestas-Réjouit-Environnement présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Cestas, à l’association Cestas-Réjouit-Environnement et à M. C… B….
Copie en sera adressée à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

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