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Plan Local d’Urbanisme : une Opération d’Aménagement d’Ensemble en zone AU peut-elle porter sur toute la zone ?

Conseil d’État, 1ère – 4ème chambres réunies, 28/09/2020, 426961

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. A… B… a demandé au tribunal administratif de Nantes d’annuler pour excès de pouvoir le certificat d’urbanisme négatif qui lui a été délivré le 30 avril 2014 par le maire de Saint-Hilaire-de-Riez (Vendée) et la décision rejetant son recours gracieux contre ce certificat. Par un jugement n° 1408650 du 13 décembre 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17NT00580 du 9 novembre 2018, la cour administrative d’appel de Nantes, après avoir annulé ce jugement, a rejeté la demande présentée par M. B… devant le tribunal administratif de Nantes.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 janvier, 9 avril et 6 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, M. B… demande au Conseil d’État :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Hilaire-de-Riez la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;

 

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Arnaud Skzryerbak, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de M. B… et à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la commune de Saint-Hilaire-de-Riez ;

 

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B… a sollicité la délivrance d’un certificat d’urbanisme pour la réalisation d’une opération consistant en la division de parcelles lui appartenant en vue de la réalisation d’un lotissement. Le maire de Saint-Hilaire-de-Riez lui a toutefois délivré un certificat d’urbanisme négatif le 30 avril 2014 au motif que le projet concernait un périmètre trop restreint. Par un jugement du 13 décembre 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. B… tendant à l’annulation de ce certificat. Par un arrêt du 9 novembre 2018, la cour administrative d’appel de Nantes, après avoir annulé ce jugement, a rejeté la demande présentée devant le tribunal administratif. Par son pourvoi, M. B… doit être regardé comme demandant l’annulation des articles 2 et 3 de cet arrêt, par lesquels la cour rejette sa demande présentée devant le tribunal administratif et met à sa charge une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

2. D’une part, aux termes de l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme :  » Le certificat d’urbanisme, en fonction de la demande présentée : / a) Indique les dispositions d’urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d’urbanisme applicables à un terrain ; / b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l’opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l’état des équipements publics existants ou prévus (…) « . Aux termes de l’article R. 410-1 du même code, dans sa rédaction applicable à la décision attaquée :  » La demande de certificat d’urbanisme précise l’identité du demandeur, la localisation, la superficie et les références cadastrales du terrain ainsi que l’objet de la demande. Un plan de situation permettant de localiser le terrain dans la commune est joint à la demande. / Dans le cas prévu au b de l’article L. 410-1, la demande est accompagnée d’une note descriptive succincte de l’opération indiquant, lorsque le projet concerne un ou plusieurs bâtiments, leur destination et leur localisation approximative dans l’unité foncière ainsi que, lorsque des constructions existent sur le terrain, un plan du terrain indiquant l’emplacement de ces constructions « . Enfin, l’article R. 410-13 du même code dispose, dans sa rédaction applicable à la décision attaquée :  » Lorsque le certificat d’urbanisme exprès indique, dans le cas prévu au b de l’article L. 410-1, que le terrain peut être utilisé pour la réalisation de l’opération mentionnée dans la demande, cette décision porte exclusivement sur la localisation approximative du ou des bâtiments dans l’unité foncière, leur destination et sur les modalités de desserte par les équipements publics existants ou prévus « .

3. D’autre part, aux termes de l’article R. 123-6 du code de l’urbanisme, alors en vigueur, dont les dispositions sont aujourd’hui reprises à l’article R. 151-20 du même code :  » Les zones à urbaniser sont dites  » zones AU « . Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs à caractère naturel de la commune destinés à être ouverts à l’urbanisation. / Lorsque les voies publiques et les réseaux d’eau, d’électricité et, le cas échéant, d’assainissement existant à la périphérie immédiate d’une zone AU ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l’ensemble de cette zone, les orientations d’aménagement et de programmation et le règlement définissent les conditions d’aménagement et d’équipement de la zone. Les constructions y sont autorisées soit lors de la réalisation d’une opération d’aménagement d’ensemble, soit au fur et à mesure de la réalisation des équipements internes à la zone prévus par les orientations d’aménagement et de programmation et le règlement (…) « . Le règlement du plan local d’urbanisme de la commune de Saint-Hilaire-de-Riez prévoit que dans la zone 1 AU, et hors secteurs 1AUd, 1AUe et 1AUI, est interdite :  » Toute construction remettant en cause l’orientation d’aménagement (…) associée au secteur concerné et n’étant pas réalisée dans le cadre d’une opération d’ensemble « . L’orientation d’aménagement et de programmation du secteur des Pins, dans lequel se situent les parcelles appartenant à M. B…, le destine à accueillir  » un quartier d’habitat favorisant la mixité sociale par une offre de logements diversifiée  » et prévoit  » la création de logements dont 20 % de logements locatifs sociaux « .

4. Il résulte des dispositions citées au point 2 qu’il appartient à l’autorité compétente, saisie d’une demande présentée sur le fondement du b) de l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme, de délivrer un certificat d’urbanisme négatif lorsque le terrain ne peut être utilisé pour l’opération envisagée compte tenu de la localisation et de la destination du ou des bâtiments projetés et des modalités de desserte par les équipements publics existants ou prévus. En revanche, la seule circonstance que le dossier de la demande ne permet pas de s’assurer du respect de la proportion de logements sociaux prévue par une orientation d’aménagement et de programmation, alors qu’aucune disposition n’impose de préciser ce point dans la demande de certificat, n’est pas de nature à justifier la délivrance d’un tel certificat. Par suite, en jugeant que le maire de Saint-Hilaire-de-Riez avait pu délivrer à M. B… un certificat d’urbanisme négatif au motif qu’il ne s’était pas engagé, dans le cadre de l’opération envisagée, à respecter l’objectif d’une offre de logements diversifiée et la proportion de 20 % de logements locatifs sociaux fixés par l’orientation d’aménagement et de programmation du secteur dans lequel se trouve son terrain, alors que cette orientation pouvait seulement être rappelée dans le certificat d’urbanisme, la cour administrative d’appel de Nantes a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que M. B… est fondé à demander l’annulation des articles 2 et 3 de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes du 9 novembre 2018. Le moyen retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres moyens de son pourvoi.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond, dans la mesure de la cassation prononcée, en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. Il résulte des dispositions de l’article R. 123-6 du code de l’urbanisme, citées au point 3, que le plan local d’urbanisme peut prévoir que les autorisations de construction au sein d’une zone à urbaniser seront délivrées, dans les conditions qu’il précise, lors de la réalisation d’une opération d’aménagement d’ensemble. Une telle opération peut ne porter que sur une partie seulement des terrains de la zone concernée, sauf si le règlement du plan local d’urbanisme en dispose autrement ou si les conditions d’aménagement et d’équipement définies par ce règlement et par les orientations d’aménagement et de programmation du plan local d’urbanisme impliquent nécessairement que l’opération porte sur la totalité des terrains de la zone concernée.

8. Il ressort des pièces du dossier que le règlement du plan local d’urbanisme de la commune de Saint-Hilaire-de-Riez a prévu, en application de l’article R. 123-6 du code de l’urbanisme, que les autorisations de construction seraient délivrées dans le secteur des Pins à l’occasion d’une opération d’aménagement d’ensemble. Il ne ressort ni de ce règlement, ni de l’orientation d’aménagement et de programmation relative à ce secteur, que les auteurs du plan local d’urbanisme auraient entendu imposer que cette opération porte sur la totalité des terrains de la zone concernée. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu’en se fondant, pour délivrer à M. B… un certificat d’urbanisme négatif, sur la seule circonstance que l’opération envisagée ne portait que sur un quart environ de la zone 1AU, le maire de Saint-Hilaire-de-Riez a donc commis une erreur de droit.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B… est fondé à demander l’annulation du certificat d’urbanisme négatif qui lui a été délivré le 30 avril 2014 par le maire de Saint-Hilaire-de-Riez et de la décision rejetant son recours gracieux contre ce certificat. Pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, aucun autre moyen n’est susceptible de fonder l’annulation de la décision attaquée.

10. L’exécution de la présente décision implique nécessairement, eu égard à ses motifs, le réexamen de la demande de M. B…. Il y a lieu pour le Conseil d’Etat d’ordonner qu’il soit procédé à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Hilaire-de-Riez une somme de 3 000 euros à verser à M. B… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées par la commune au même titre.

 

D E C I D E :
————–
Article 1er : Les articles 2 et 3 de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes du 9 novembre 2018 sont annulés.
Article 2 : Le certificat d’urbanisme négatif délivré à M. B… le 30 avril 2014 par le maire de Saint-Hilaire-de-Riez et la décision rejetant son recours gracieux contre ce certificat sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au maire de Saint-Hilaire-de-Riez de réexaminer la demande de M. B… de délivrance d’un certificat d’urbanisme dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 4 : La commune de Saint-Hilaire-de-Riez versera à M. B… une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la commune de Saint-Hilaire-de-Riez présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. A… B… et à la commune de Saint-Hilaire-de-Riez.

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