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Notion de situation d’insalubrité irrémédiable d’un bâtiment : critères du coût de sa reconstruction et du coût de résorption de l’insalubrité !

Arrêt rendu par Conseil d’Etat
16-07-2021
n° 450188
Texte intégral :
Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 26 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté en application de l’article 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, Mme A. B. demande au Conseil d’Etat, à l’appui de son pourvoi tendant à l’annulation de l’arrêt n° 19DA00600 du 29 décembre 2020 par lequel la cour administrative d’appel de Douai a rejeté l’appel qu’elle a formé contre le jugement n° 1603498 du 31 décembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 26 février 2016 par lequel le préfet du Nord a déclaré insalubre à titre irrémédiable l’immeuble dont elle est propriétaire, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 1331-26 du code de la santé publique, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2005-1566 du 15 décembre 2005 relative à la lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

– l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

– le code de la santé publique ;

– la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 ;

– l’ordonnance n° 2005-1566 du 15 décembre 2005 ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Joachim Bendavid, auditeur,

– les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme B. ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’Etat […]. » Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Le quatrième alinéa de l’article L. 1331-26 du code de la santé publique, dont la constitutionnalité est contestée par la requérante, dispose, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 15 décembre 2005 relative à la lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux, ratifiée par l’article 44 de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, que : « L’insalubrité d’un bâtiment doit être qualifiée d’irrémédiable lorsqu’il n’existe aucun moyen technique d’y mettre fin, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction. »

3. Ces dispositions permettent à l’autorité compétente de caractériser d’irrémédiable l’insalubrité d’un immeuble et de prononcer, par suite, l’interdiction définitive de l’habiter ainsi que, le cas échéant, de l’utiliser et l’obligation de le détruire. Elles prévoient, comme l’une des deux conditions alternatives du caractère irrémédiable de l’insalubrité, la circonstance que les travaux nécessaires à la résorption de l’insalubrité de l’immeuble présentent un coût plus élevé que celui de la reconstruction du même immeuble. Pour leur application, le coût de reconstruction de l’immeuble doit être apprécié, contrairement à ce que soutient le gouvernement, notamment dans une réponse ministérielle à une question parlementaire publiée le 5 décembre 2007 au Journal officiel de la République française, en y incorporant le coût de démolition de l’immeuble concerné.

4. Ainsi, Mme B. n’est pas fondée à soutenir qu’en raison de ce qu’elles n’incluent pas le coût de la démolition de l’immeuble dans le coût de reconstruction dont la comparaison avec le coût de résorption de l’insalubrité permet de caractériser une situation d’insalubrité irrémédiable, les dispositions contestées du quatrième alinéa de l’article L. 1331-26 du code de la santé publique portent une atteinte injustifiée et disproportionnée au droit de propriété garanti par les articles 2, 4 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789.

5. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n’est pas nouvelle, ne présente pas de caractère sérieux. Par suite, il n’y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Décide :

Article 1er : Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme B.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A. B., au Premier ministre et au ministre des solidarités et de la santé.

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