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Opération de restauration immobilière : transformer un local commercial en habitation est possible !

Conseil d’État

N° 427957   
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
6ème – 5ème chambres réunies
Mme Carine Chevrier, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public
SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE ; SCP MELKA – PRIGENT, avocats

lecture du mercredi 17 juin 2020

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière MSI a demandé au tribunal administratif de Dijon d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 22 octobre 2014 déclarant d’utilité publique, au profit de la commune de Mâcon les travaux de restauration immobilière d’immeubles situés dans le centre-ville dont l’ensemble immobilier lui appartenant situé au 2 grande rue de Veyle, ainsi que la décision explicite de rejet de leur recours gracieux. Par un jugement n° 1501165 du 20 décembre 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17LY01071 du 13 décembre 2018, la cour administrative d’appel de Lyon a annulé l’arrêté du 22 octobre 2014 du préfet de Saône-et-Loire en tant que la déclaration d’utilité publique concerne l’ensemble immobilier situé 2 grande rue de Veyle, ainsi que la décision de rejet et réformé le jugement du tribunal administratif de Dijon du 20 décembre 2016 en ce qu’il avait de contraire à cet arrêt.

I°, Sous le n° 427957, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 13 février et 13 mai 2019 et le 20 janvier 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune de Mâcon demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel formé par la société civile immobilière MSI ;

3°) de mettre à la charge de la société civile immobilière MSI la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

II°, Sous le n° 428098, par un pourvoi enregistré le 18 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales demande au Conseil d’Etat d’annuler le même arrêt.

………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
– le code de l’expropriation;
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative et l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Carine Chevrier, conseiller d’Etat,

– les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la commune de Mâcon et à la SCP Melka – Prigent, avocat de la société civile immobilière MSI ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le préfet de Saône-et-Loire a, à la demande de la commune de Mâcon, déclaré d’utilité publique, par un arrêté du 22 octobre 2014, une opération de restauration immobilière dans le centre-ville de Mâcon. La société civile immobilière MSI, propriétaire d’un ensemble immobilier situé au 2 grande rue de Veyle compris dans cette opération, a demandé au tribunal administratif de Dijon d’annuler cet arrêté, ainsi que la décision du préfet du 18 février 2015 ayant rejeté son recours gracieux. Le tribunal administratif de Dijon a, par un jugement du 20 décembre 2016, rejeté sa demande. Par un arrêt du 13 décembre 2018, la cour administrative d’appel de Lyon a annulé l’arrêté attaqué en tant qu’il déclare d’utilité publique l’ensemble immobilier appartenant à la société civile immobilière MSI et réformé le jugement du tribunal administratif de Dijon en ce qu’il a de contraire avec son arrêt. La commune de Mâcon et la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales se pourvoient en cassation contre cet arrêt par deux pourvois qu’il y a lieu de joindre.

2. Aux termes de l’article L. 313-4 du code de l’urbanisme, dans sa version alors applicable :  » Les opérations de restauration immobilière consistent en des travaux de remise en état, de modernisation ou de démolition ayant pour objet ou pour effet la transformation des conditions d’habitabilité d’un immeuble ou d’un ensemble d’immeubles. Elles sont engagées à l’initiative soit des collectivités publiques, soit d’un ou plusieurs propriétaires, groupés ou non en association syndicale, et sont menées dans les conditions définies par la section 3 du présent chapitre. / Lorsqu’elles ne sont pas prévues par un plan de sauvegarde et de mise en valeur approuvé, elles doivent être déclarées d’utilité publique. « . Aux termes de l’article L. 313-4-1 du même code :  » Lorsque l’opération nécessite une déclaration d’utilité publique, celle-ci est prise, dans les conditions fixées par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, à l’initiative de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale compétent pour réaliser les opérations de restauration immobilière, ou de l’Etat avec l’accord de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme. « . L’article L. 313-4-2 du même code dans sa version alors applicable précise que  » Après le prononcé de la déclaration d’utilité publique, la personne qui en a pris l’initiative arrête, pour chaque immeuble à restaurer, le programme des travaux à réaliser dans un délai qu’elle fixe. / Lors de l’enquête parcellaire, elle notifie à chaque propriétaire le programme des travaux qui lui incombent. (…) Si un propriétaire fait connaître son intention de réaliser les travaux dont le détail lui a été notifié, ou d’en confier la réalisation à l’organisme chargé de la restauration, son immeuble n’est pas compris dans l’arrêté de cessibilité.  »

3. Il résulte de ces dispositions qu’une opération de restauration immobilière a pour objet la transformation des conditions d’habitabilité d’un immeuble ou d’un ensemble d’immeubles mais qu’elle ne peut avoir pour objet ou pour effet de contraindre un propriétaire à transformer en habitation un local dont la destination est commerciale. Elle ne fait cependant pas obstacle à ce qu’un local à usage commercial présent dans un immeuble ou ensemble d’immeubles principalement destiné à l’habitation et devenu impropre à une activité commerciale, soit transformé, dans le cadre de l’opération de restauration immobilière, en habitation à des fins d’amélioration des conditions d’habitabilité de l’immeuble ou de l’ensemble d’immeubles.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la déclaration d’utilité publique prise dans le cadre de l’opération de restauration immobilière du centre-ville de Mâcon vise plusieurs ensembles immobiliers dont celui propriété de la société civile immobilière MSI situé au 2 rue grande rue de Veyle, composé de trois immeubles, dont l’un comporte des locaux anciennement destinés à une activité de boucherie. Il est constant que cette activité a été abandonnée et que les locaux sont devenus impropres à une activité commerciale. Dès lors, il se déduit de ce qui a été dit au point précédent qu’en jugeant que la déclaration d’utilité publique de l’opération de restauration immobilière litigieuse, qui avait pour effet de transformer en habitation ces locaux commerciaux alors même qu’ils étaient devenus impropres à toute activité commerciale, méconnaissait l’article L. 313-4 du code de l’urbanisme, la cour a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce tout qui précède que, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des pourvois, la commune de Mâcon et la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sont fondés à demander l’annulation de l’arrêt qu’ils attaquent.

6. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à qu’une somme soit mise à la charge de la commune de Mâcon et de l’Etat qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties prenantes. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société civile immobilière MSI la somme de 3 000 euros à verser à la commune de Mâcon au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :
————–

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 13 décembre 2018 est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Lyon.
Article 3 : La société civile immobilière MSI versera à la commune de Mâcon la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées au même titre par la société civile immobilière MSI sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Mâcon, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la société civile immobilière MSI.

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