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Diagnostic d’archéologie préventive incomplet : comment rédiger les prescriptions ?

Conseil d’État 

N° 348248    
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
10ème et 9ème sous-sections réunies
M. Frédéric Bereyziat, rapporteur
M. Edouard Crépey, rapporteur public
LE PRADO, avocat

lecture du mercredi 19 février 2014

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 avril et 8 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la société Elite Invest, dont le siège est 11, rue Waldeck-Rousseau à Lyon (69006) et pour la société Patio Mont d’Or, dont le siège est 6, rue du Mont-d’Or à Lyon (69009) ; la société Elite Invest et la société Patio Mont d’Or demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 10LY01428 du 8 février 2011 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon, faisant droit au recours du ministre de la culture et de la communication, a, d’une part, annulé le jugement n° 0708290 du 11 février 2010 par lequel le tribunal administratif de Lyon avait annulé l’arrêté du 12 juillet 2007 du préfet de la région Rhône-Alpes prescrivant des fouilles archéologiques sur le terrain situé 4-6, rue du Mont-d’Or à Lyon, d’autre part, rejeté leurs conclusions en excès de pouvoir dirigées contre cet arrêté ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel du ministre ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du patrimoine ;

Vu le décret n° 2004-490 du 3 juin 2004 ;

Vu l’arrêté ministériel du 27 septembre 2004 portant définition des normes de contenu et de présentation de rapports d’opérations architecturales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Frédéric Bereyziat, Maître des Requêtes,

– les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de la Société Elite Invest et de la Société Patio Mont d’Or ;

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Elite Invest a obtenu le permis de construire un immeuble de logements sur un terrain situé 4-6, rue du Mont-d’Or à Lyon, en vue de céder le terrain et l’immeuble ainsi construit à la société Patio Mont d’Or ; que, par un arrêté du 30 juin 2005 pris sur le fondement de l’article L. 522-1 du code du patrimoine, le préfet de la région Rhône-Alpes a prescrit la réalisation d’un diagnostic archéologique sur ce terrain avant la construction de l’immeuble en cause ; que la société Elite Invest a conclu avec l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), en application de l’article L. 523-7 du même code, une convention par laquelle cet établissement a été chargé de réaliser le diagnostic prescrit et de remettre le rapport correspondant au préfet de région ; qu’après avoir procédé au diagnostic du terrain, l’INRAP a transmis le 1er décembre 2006 au service régional de l’archéologie un premier rapport, dont l’autorité préfectorale a estimé qu’il ne la mettait pas en mesure d’exercer, le cas échéant, les missions de conservation et de sauvegarde prévues par l’article L. 522-1 déjà mentionné, en raison  » de la qualité très médiocre des tirages photos  » ; qu’après avoir reçu un nouveau rapport le 25 juin 2007 et en avoir accusé réception le lendemain à la société Elite Invest, le préfet de la région Rhône-Alpes a prescrit, par un arrêté du 12 juillet 2007, la réalisation de fouilles archéologiques destinées à assurer la sauvegarde des vestiges dont le diagnostic avait établi la présence sur le terrain ; que les sociétés Elite Invest et Patio Mont d’Or ont contesté cet arrêté devant le juge de l’excès de pouvoir ; qu’elles se pourvoient en cassation contre l’arrêt du 8 février 2011 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a, sur appel du ministre de la culture et de la communication, annulé le jugement du 11 février 2010 par lequel le tribunal administratif de Lyon avait annulé l’arrêté litigieux ;

2. Considérant qu’en vertu des dispositions combinées de l’article L. 522-1 du code du patrimoine et de l’article 14 du décret du 3 juin 2004 relatif aux procédures administratives et financières en matière d’archéologie préventive, le préfet de région peut prescrire la réalisation, avant le début de travaux d’aménagement, d’un diagnostic  » qui vise à la détection par des études, prospections ou travaux de terrain, à mettre en évidence et à caractériser les éléments du patrimoine archéologique éventuellement présents sur le site et à présenter les résultats dans un rapport  » ; que, sur la base de ce diagnostic, l’autorité préfectorale peut prescrire soit la réalisation d’une fouille  » qui vise, par des études, des travaux de terrain et de laboratoire, à recueillir les données archéologiques présentes sur le site, à en faire l’analyse, à en assurer la compréhension et à présenter l’ensemble des résultats dans un rapport final « , soit  » la modification de la consistance du projet permettant d’éviter en tout ou partie la réalisation des fouilles  » ; que le premier alinéa de l’article L. 523-7 du même code, dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce, dispose :  » Une convention, conclue entre la personne projetant d’exécuter des travaux et l’établissement public ou la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales dont dépend le service archéologique territorial chargé d’établir le diagnostic d’archéologie préventive, définit les délais de réalisation des diagnostics et les conditions d’accès aux terrains et de fourniture des matériels, équipements et moyens nécessaires à la réalisation des diagnostics. Les délais courent à compter de la mise à disposition des terrains dans des conditions permettant de se livrer aux opérations archéologiques. Sous réserve des dispositions du troisième alinéa applicables en cas d’un dépassement de délai imputable à l’opérateur, la convention détermine les conséquences pour les parties du dépassement des délais  » ; qu’aux termes du troisième alinéa du même article :  » Lorsque, du fait de l’opérateur, le diagnostic n’est pas achevé dans le délai fixé par la convention, la prescription de diagnostic est réputée caduque à l’expiration d’un délai fixé par voie réglementaire (…)  » ; qu’en vertu des dispositions combinées de l’article L. 522-2 du code du patrimoine et de l’article 19 du décret du 3 juin 2004 mentionné ci-dessus, le préfet de région dispose d’un délai de trois mois à compter de la date de réception du rapport de diagnostic pour notifier le contenu des prescriptions postérieures au diagnostic ; qu’  » à défaut de notification dans ce délai, [il] est réputé avoir renoncé à édicter de telles prescriptions  » ; qu’enfin, aux termes de l’article 5 de l’arrêté du 27 septembre 2004 portant définition des normes de contenu et de présentation des rapports d’opérations archéologiques, le rapport  » comporte au moins les éléments suivants : (…) 3° Description archéologique : le rapport détaille les acquis de l’opération. Il comporte une analyse raisonnée des données constituées à cette occasion. Il précise la source des autres informations utilisées./ Le rapport présente la hiérarchisation progressive des données – faits, phases, périodes – en s’appuyant notamment sur l’analyse de la stratigraphie, des structures et du mobilier, et s’attache à identifier et à caractériser des ensembles archéologiques cohérents sur un plan spatial, fonctionnel et chronologique./ Les documents graphiques et photographiques nécessaires à la justification des descriptions, des chronologies et interprétations accompagnent l’exposé./ Les études et analyses spécialisées sont mises en corrélation avec les résultats des fouilles  » ;

3. Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ces dispositions que le rapport de diagnostic a pour objet de présenter les résultats des opérations tendant à mettre en évidence et à caractériser les éléments de patrimoine archéologique éventuellement présents sur le terrain, afin que l’autorité préfectorale puisse décider en parfaite connaissance de cause des mesures qu’il convient de prendre pour en assurer, le cas échéant, la sauvegarde ; qu’il suit de là que le délai de trois mois que ces mêmes dispositions impartissent au préfet pour édicter une prescription à la suite du diagnostic court à compter de la réception d’un rapport comportant l’ensemble des éléments d’information permettant au préfet de prendre, en toute connaissance de cause, sa décision et de déterminer, le cas échéant, les mesures de sauvegarde nécessaires ; que, s’agissant en particulier des documents graphiques et photographiques susceptibles d’être joints à un tel rapport, l’article 5 de l’arrêté du 27 septembre 2004 cité ci-dessus ne fait pas obstacle à ce que la remise au préfet d’un rapport de diagnostic ne comportant aucun document de cette nature, ou seulement sous une forme inexploitable, fasse courir le délai imparti à cette autorité, dès lors que de tels documents ne seraient pas, dans les circonstances propres à l’espèce, au nombre des éléments nécessaires à l’exercice des pouvoirs du préfet ;

4. Considérant que, par les énonciations contestées de son arrêt, la cour a relevé, en premier lieu, que le préfet de la région Rhône-Alpes avait demandé à l’INRAP de compléter le rapport qui lui avait été initialement remis par la production de photographies de meilleure qualité lui permettant de disposer d’éléments techniques d’appréciation suffisants, en second lieu, que les photographies jointes à ce rapport de diagnostic étaient d’une qualité médiocre et ne comportaient, par ailleurs, aucun tirage argentique, en méconnaissance des dispositions de l’article 8 de l’arrêté déjà cité du 27 septembre 2004 ; qu’en statuant ainsi, la cour n’a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ; qu’en déduisant de ces constatations que, dans les circonstances de l’espèce qui lui était soumise, l’autorité préfectorale compétente pour prescrire des mesures postérieures au diagnostic avait été privée d’éléments d’information essentiels relatifs aux résultats du diagnostic et susceptibles de modifier le sens de sa décision, la cour a, contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, suffisamment motivé son arrêt et n’a pas méconnu les dispositions législatives et réglementaires citées au point 2 ; qu’en jugeant, par voie de conséquence, que le préfet de région avait pu légalement estimer que la réception du rapport qui lui avait été remis le 1er décembre 2006 ne faisait pas courir le délai de trois mois avant l’expiration duquel cette autorité pouvait prescrire une fouille et que ce délai n’avait commencé à courir que le 25 juin 2007, date de réception du nouveau rapport de diagnostic, la cour n’a pas davantage commis d’erreur de droit ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner la recevabilité des conclusions présentées par la société Patio Mont d’Or, que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à demander l’annulation de l’arrêt qu’elles attaquent ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par les intéressées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées ;

D E C I D E :
————–

Article 1er : Le pourvoi des sociétés Elite Invest et Patio Mont d’Or est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Elite Invest, à la société Patio Mont d’Or et au ministre de la culture et de la communication.

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