Conseil d’État, 1ère – 4ème chambres réunies, 28/09/2020, 430521
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Procédure contentieuse antérieure :
La communauté d’agglomération Espace communautaire Lons-Agglomération (ECLA) et la commune de Lons-le-Saunier ont demandé au tribunal administratif de Besançon d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 25 août 2016 par lequel le maire de Ruffey-sur-Seille a mis en demeure l’ECLA de cesser les travaux destinés à l’aménagement d’une aire de grand passage sur les parcelles cadastrées AW n° 128 et 132, au lieu-dit Le Troussant. Par un jugement n° 1601421 du 7 août 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.
La commune de Ruffey-sur-Seille a demandé au tribunal administratif de Besançon d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 12 octobre 2016 par lequel le préfet du Jura a retiré le même arrêté de son maire du 25 août 2016. Par un jugement n° 1601679 du 7 août 2017, le tribunal administratif de Besançon a fait droit à cette demande.
Par un arrêt n°s 17NC02335, 17NC02336, 17NC02713 du 7 mars 2019, la cour administrative d’appel de Nancy, saisie, d’une part, de l’appel de l’ECLA et de la commune de Lons-le-Saunier contre ces deux jugements, d’autre part, de l’appel du ministre de la cohésion des territoires contre le jugement n° 1601679, a annulé les deux jugements du 7 août 2017, rejeté la demande de première instance de la commune de Ruffey-sur-Seille et jugé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur la demande de première instance de l’ECLA et de la commune de Lons-le-Saunier tendant à l’annulation de l’arrêté du 25 août 2016 du maire de Ruffey-sur-Seille.
Procédure devant le Conseil d’Etat :
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mai et 6 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune de Ruffey-sur-Seille demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter les appels de l’ECLA, de la commune de Lons-le-Saunier et du ministre de la cohésion des territoires ;
3°) de mettre à la charge de l’ECLA, de la commune de Lons-le-Saunier et de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme A… B…, maître des requêtes en service extraordinaire,
– les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de la commune de Ruffey-sur-Seille et à la SCP Buk Lament – Robillot, avocat de la communauté d’agglomération Espace communautaire Lons-Agglomération (ECLA) et la commune de Lons-le-Saunier ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 25 août 2016, le maire de Ruffey-sur-Seille, agissant au nom de l’Etat, a mis en demeure la communauté d’agglomération Espace communautaire Lons-Agglomération (ECLA) de cesser les travaux d’aménagement d’une aire de grand passage sur des parcelles, situées sur le territoire de cette commune, dont la commune de Lons-le-Saulnier est propriétaire. Le préfet du Jura a retiré cet arrêté le 12 octobre 2016. Le tribunal administratif de Besançon a, par deux jugements du 7 août 2017, d’une part, fait droit à la demande de la commune de Ruffey-sur-Seille tendant à l’annulation de l’arrêté du préfet du Jura du 12 octobre 2016, d’autre part, rejeté la demande de la commune de Lons-le-Saunier et de l’ECLA tendant à l’annulation de l’arrêté du maire de Ruffey-sur-Seille du 25 août 2016. La cour administrative d’appel de Nancy a, par un arrêt du 7 mars 2019 contre lequel la commune de Ruffey-sur-Seille se pourvoit en cassation, annulé les deux jugements du 7 août 2017, rejeté la demande de première instance de la commune de Ruffey-sur-Seille et jugé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur la demande de première instance de l’ECLA et de la commune de Lons-le-Saunier tendant à l’annulation de l’arrêté du 25 août 2016 du maire de Ruffey-sur-Seille.
Sur la soumission des travaux à autorisation d’urbanisme :
2. En premier lieu, aux termes de l’article 1er de la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, dans sa rédaction alors applicable : » I. – Les communes participent à l’accueil des personnes dites gens du voyage et dont l’habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles. / II. – Dans chaque département, (…) un schéma départemental prévoit les secteurs géographiques d’implantation des aires permanentes d’accueil et les communes où celles-ci doivent être réalisées. / (…) Le schéma départemental détermine les emplacements susceptibles d’être occupés temporairement à l’occasion de rassemblements traditionnels ou occasionnels (…) « . L’article L. 444-1 du code de l’urbanisme prévoit que : » L’aménagement de terrains bâtis ou non bâtis, pour permettre l’installation de résidences démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs définies par décret en Conseil d’Etat ou de résidences mobiles au sens de l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, est soumis à permis d’aménager ou à déclaration préalable, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. Ces terrains doivent être situés dans des secteurs constructibles. (…) « .
3. Il résulte de ces dispositions, éclairées par leurs travaux préparatoires, que si les » aires de grand passage » sont au nombre des emplacements, susceptibles d’être occupés temporairement à l’occasion de rassemblements traditionnels ou occasionnels, que les schémas départementaux d’accueil des gens du voyage prévoient, elles ne sont destinées qu’à l’accueil temporaire et non à l’installation de résidences mobiles au sens de l’article 1er de la loi du 5 juillet 2000 et que, par suite, leur aménagement n’entre pas dans le champ des travaux soumis à permis d’aménager ou à déclaration préalable par l’article L. 444-1 du code de l’urbanisme. Il y a lieu de substituer ce motif, dont l’examen n’implique l’appréciation d’aucune circonstance de fait, au motif retenu par l’arrêt attaqué, dont il justifie légalement le dispositif. Par suite, le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en jugeant que l’aménagement des aires de grand passage ne nécessitait pas de permis d’aménager ne peut qu’être écarté.
4. En second lieu, c’est sans dénaturation que la cour a estimé que les travaux en cours portaient sur une aire de grand passage et non sur une aire permanente d’accueil.
Sur la conformité des travaux au plan local d’urbanisme
5. Il résulte de l’article L. 421-8 du code de l’urbanisme que les constructions, aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre de ce code doivent être conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l’utilisation des sols, au nombre desquelles figure le plan local d’urbanisme. La cour n’a toutefois pas commis d’erreur de droit en jugeant que l’aménagement d’une aire de grand passage ne pouvait être regardé comme assimilable aux occupations et utilisations interdites par l’article NT1 du règlement du plan local d’urbanisme de la commune de Ruffey-sur-Seille, telles que » les terrains de camping et de caravanage « , » les terrains d’accueil d’habitations légères de loisir « , » les affouillements et exhaussements du sol à l’exception de ceux nécessaires à la réalisation d’une occupation du sol autorisée » et en en déduisant que la réalisation d’une aire de grand passage ne pouvait être regardée comme interdite par les dispositions de ce règlement, alors même qu’il interdit également dans cette zone les occupations et utilisations du sol non mentionnées à l’article N2 et que celui-ci ne comporte pas de mention des aires de grand passage.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Ruffey-sur-Seille n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.
Sur les frais de l’instance :
7. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Ruffey-sur-Seille une somme au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu’une somme soit mise au même titre à la charge de la commune de Lons-le-Saunier, de l’ECLA ou de l’Etat, qui ne sont pas la partie perdante.
D E C I D E :
————–
Article 1er : Le pourvoi de la commune de Ruffey-sur-Seille est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Lons-le-Saunier et de la communauté d’agglomération Espace communautaire Lons-Agglomération présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Ruffey-sur-Seille, à la communauté d’agglomération Espace communautaire Lons-Agglomération, à la commune de Lons-le-Saulnier et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.