Conseil d’État
N° 409239
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1re et 4e chambres réunies
M. Frédéric Pacoud, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public
SCP OHL, VEXLIARD ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN, avocats
Lecture du vendredi 5 octobre 2018REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. A… B… a demandé au tribunal administratif de Montpellier d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 2 avril 2013 par lequel le maire de La Livinière (Hérault) a refusé de lui délivrer un permis de construire pour réhabiliter et agrandir une « maison vigneronne ». Par un jugement n° 1304358 du 5 novembre 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 15MA05025 du 24 janvier 2017, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel formé par M. B… contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mars et 27 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. B… demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune de La Livinière la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Frédéric Pacoud, maître des requêtes,
– les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de M. B… et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la commune de la Livinière.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 septembre 2018, présentée par la commune de La Livinière ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B… a présenté, le 27 février 2013, une demande de permis de construire portant sur la réhabilitation d’une « maison vigneronne » sur le territoire de la commune de La Livinière (Hérault). Par un arrêté du 2 avril 2013, le maire de cette commune a refusé le permis de construire ainsi sollicité aux motifs, d’une part, que le terrain était situé dans un secteur de la carte communale dans lequel les constructions n’étaient pas autorisées et, d’autre part, que le terrain n’était pas desservi par les réseaux publics d’eau potable et d’assainissement. Par un jugement du 5 novembre 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. B… tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté. M. B… se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 24 janvier 2017 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté son appel contre ce jugement.
2. Aux termes des deux premiers alinéas de l’article L. 124-2 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige, dont les dispositions sont désormais reprises à l’article L. 161-4 de ce code : « Les cartes communales (…) délimitent les secteurs où les constructions sont autorisées et les secteurs où les constructions ne sont pas admises, à l’exception de l’adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l’extension des constructions existantes ou des constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées et qu’elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à l’exploitation agricole ou forestière et à la mise en valeur des ressources naturelles ». L’article R. 124-3 du même code, dont les dispositions sont désormais reprises à l’article R. 161-4 de ce code, dispose que : « Le ou les documents graphiques délimitent les secteurs où les constructions sont autorisées et ceux où les constructions ne peuvent pas être autorisées, à l’exception : / (…) / 2° Des constructions et installations nécessaires : / (…) ‘ à l’exploitation agricole ou forestière (…) ».
3. Il résulte de ces dispositions que les documents graphiques des cartes communales délimitent les secteurs où les constructions ne peuvent être autorisées, à l’exception des constructions et installations nécessaires, notamment, à l’exploitation agricole ou forestière. Pour vérifier que la construction ou l’installation projetée est nécessaire à cette exploitation, l’autorité administrative compétente doit s’assurer au préalable, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de la réalité de l’exploitation agricole ou forestière, au sens de ces dispositions, laquelle est caractérisée par l’exercice effectif d’une activité agricole ou forestière d’une consistance suffisante.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la parcelle cadastrée section AR n° 26, terrain d’assiette du projet envisagé par M. B…, est située en dehors des zones constructibles de la carte communale de La Livinière. Pour juger que le requérant ne justifiait pas que la construction projetée était nécessaire à une exploitation agricole, au sens des dispositions précitées du code de l’urbanisme, la cour administrative d’appel, après avoir retenu que M. B… justifiait mettre en valeur 4 hectares, 74 ares et 60 centiares de vignes, s’est fondée sur ce qu’il n’apportait aucune précision quant aux conditions concrètes de son activité de viticulture, qu’il exerçait par ailleurs une activité professionnelle de garagiste à 140 kilomètres de La Livinière et que les surfaces exploitées étaient sensiblement inférieures à la superficie minimale d’installation dans l’Hérault pour la culture de la vigne. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la cour, qui s’est livrée à une appréciation souveraine des pièces du dossier sans les dénaturer et a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, a pu, sans commettre d’erreur de droit, se fonder sur ces éléments pour juger que l’activité viticole du requérant ne caractérisait pas une exploitation agricole, au sens des dispositions précitées du code de l’urbanisme. Dès lors, elle n’a pas non plus commis d’erreur de droit ni insuffisamment motivé son arrêt en en déduisant que la construction projetée n’était pas nécessaire à une exploitation agricole, au sens des mêmes dispositions.
5. Il résulte de ce qui précède que M. B… n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque.
7. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de la commune de La Livinière, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. B… la somme que la commune de La Livinière demande au titre de ces dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. B… est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de la commune de La Livinière présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A… B… et à la commune de La Livinière.