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Classer en réserve naturelle n’implique pas domanialité publique

Conseil d’État

N° 343690
Inédit au recueil Lebon
7ème et 2ème sous-sections réunies
Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, rapporteur
SCP ORTSCHEIDT ; SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON, avocat


lecture du mercredi 28 septembre 2011

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Texte intégral

Vu la requête, enregistrée le 5 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour M. William A, demeurant … ; M. A demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le jugement n° 0801476 du 4 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a déclaré que les parcelles louées à M. A aux lieux dits La Fromagère et Buisson Gros constituent des dépendances du domaine public du département du Gard et de la commune de Vauvert ;

2°) de déclarer que ces parcelles appartiennent au domaine privé du département du Gard et de la commune de Vauvert ;

3°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge du syndicat mixte pour la protection et la gestion de la Camargue gardoise au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, Maître des Requêtes,

– les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de M. William A et de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat du syndicat mixte pour la protection et la gestion de la campagne gardoise,

– les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Ortscheidt, avocat de M. William A et à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat du syndicat mixte pour la protection et la gestion de la campagne gardoise ;



Considérant qu’indépendamment de la qualification donnée par les parties à une convention par laquelle une personne publique confère à une personne privée le droit d’occuper un bien dont elle est propriétaire, l’appartenance au domaine public d’un tel bien était, avant la date d’entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques, sauf si ce bien était directement affecté à l’usage du public, subordonnée à la double condition que le bien ait été affecté au service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction, d’une part, que si les parcelles appartenant à la commune de Vauvert et au département du Gard et situées au sein de la réserve naturelle du Scamandre aux lieux-dits La Fromagère et Gros-Buisson, mises à la disposition de M. A pour y faire paître ses troupeaux de taureaux et de chevaux, jouxtent les terrains sur lesquels le syndicat mixte pour la protection et la gestion de la Camargue gardoise a réalisé, dans le cadre de ses missions de service public, des aménagements spéciaux en vue de l’accueil du public, elles n’ont pas, cependant, fait l’objet de tels aménagements ; que le fait que cette activité traditionnelle d’élevage soit menée dans des conditions fixées par voie de convention entre l’éleveur et le syndicat mixte, afin de concourir aux objectifs de protection de la réserve naturelle, et que les parcelles, clôturées, soient en partie occasionnellement ouvertes au public sous la responsabilité de l’éleveur, ne constituent pas de tels aménagements ; que, dans ces conditions, elles ne peuvent, à la différence des terrains ayant reçu des aménagements spéciaux en vue de l’accueil du public dont elles sont contigües, être regardées, à la date du litige dont a été saisi le juge judiciaire, comme faisant elles-mêmes partie du domaine public de ces collectivités ; que d’autre part, ces parcelles, qui occupent une surface de l’ordre de vingt à trente fois supérieure à celle des terrains contigus spécialement aménagés par le syndicat, ne leur étaient, à la date du litige, d’aucune utilité directe au regard de leur affectation et ne pouvaient être considérées comme accessoires de ces derniers ;

Considérant que si, en vertu des articles L. 332-1 et suivants du code de l’environnement, le classement en réserve naturelle de terrains appartenant à des personnes publiques ou privées permet, dans un objectif de conservation du milieu naturel, d’y soumettre les activités à des prescriptions particulières, il n’a pas, en soi, pour effet d’affecter ces terrains à un service public ou à l’usage du public ;

Considérant, enfin, que la circonstance que la convention conclue par le syndicat avec M. A comporterait des clauses exorbitantes du droit commun et revêtirait ainsi un caractère administratif est sans incidence sur la nature du domaine ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen de sa requête, M. A est fondé à soutenir que c’est à tort qu’en réponse à la question préjudicielle posée par la cour d’appel de Nîmes, le tribunal administratif de Nîmes a jugé que les parcelles litigieuses constituent des dépendances du domaine public du département du Gard et de la commune de Vauvert ;

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande le syndicat mixte pour la protection et la gestion de la Camargue gardoise au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du syndicat mixte le versement à M. A de la somme de 3 000 euros au titre des mêmes dispositions ;



D E C I D E :
————–
Article 1er : Le jugement du 4 juin 2010 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.
Article 2 : Il est déclaré que les parcelles louées à M. A aux lieux-dits La Fromagère et Buisson Gros font partie du domaine privé du département du Gard et de la commune de Vauvert.
Article 3 : Le syndicat mixte pour la protection et la gestion de la Camargue gardoise versera à M. A la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par le syndicat mixte pour la protection et la gestion de la Camargue gardoise au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. William A et au syndicat mixte pour la protection et la gestion de la Camargue gardoise.

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