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Urbanisme commercial : le juge administratif peut apprécier l’avis défavorable de la commission nationale d’aménagement commercial (CNAC)

Cour administrative d’appel de Nancy
30-06-2022
n° 19NC02037
Texte intégral :
Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 28 juin 2019, le 18 août 2020 et le 26 novembre 2020, la société Hauconcourt Distribution-Haudis, représentée par Me Bouyssou, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler l’avis défavorable émis par la Commission nationale d’aménagement commercial sur son projet de création d’un ensemble commercial de 3 802 m2 et d’un point permanent de retrait d’achats au détail de 443 m2 situés à Metz ;

2°) d’annuler l’arrêté du 27 février 2019 par lequel le maire de la commune de Metz a refusé de lui délivrer le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale qu’elle sollicitait pour la création d’un ensemble commercial et d’un point permanent de retrait d’achats au détail situés à Metz ;

3°) d’enjoindre, sous astreinte de 500 € par jour de retard, à la Commission nationale d’aménagement commercial de rendre un avis favorable à son projet de création d’un ensemble commercial et d’un point permanent de retrait d’achats et au maire de la commune de Metz de lui délivrer le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale sollicité, dans un délai de deux mois à compter de l’arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, d’enjoindre à la Commission nationale d’aménagement commercial de rendre un avis favorable à son projet et au maire de Metz de réexaminer sa demande de permis de construire, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir, ou, à titre infiniment subsidiaire, d’enjoindre à la Commission nationale d’aménagement commercial d’examiner à nouveau son projet et au maire de Metz de réexaminer sa demande de permis de construire, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Metz la somme de 6 000 € sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– elle est recevable à demander l’annulation de l’avis de la Commission nationale d’aménagement commercial dès lors que cet avis, qui a été rendu postérieurement à l’arrêté du maire refusant de lui accorder le permis sollicité, ne présente pas le caractère d’acte préparatoire ;

– l’arrêté refusant la délivrance du permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale est entaché d’incompétence ;

– cet arrêté est insuffisamment motivé ;

– l’avis de la Commission nationale d’aménagement commercial est irrégulier dès lors, premièrement, qu’il est insuffisamment motivé, deuxièmement, que ses membres n’ont pas été convoqués régulièrement aux réunions du 7 mars et du 4 avril 2019 et n’ont pas reçu, à ces occasions, les documents visés à l’article R. 752-35 du code du commerce et, troisièmement, qu’il est entaché d’erreurs d’appréciation quant à l’insertion paysagère du projet et quant aux bénéfices conséquents apportés par le projet, qui sont sans rapport avec le motif de refus retenus ; ces irrégularités entachent d’illégalité non seulement l’avis de cette commission mais également, par la voie de l’exception d’illégalité, l’arrêté portant refus de délivrance de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale ;

– l’arrêté refusant la délivrance du permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale est illégal dès lors qu’il a été adopté avant l’avis de la Commission nationale d’aménagement commercial ;

– l’arrêté est entaché d’une erreur d’appréciation au regard des dispositions de l’article L. 111-11 du code de l’urbanisme dès lors que le terrain d’assiette du projet est déjà desservi par le réseau électrique dans des conditions compatibles avec l’exploitation projetée ; à considérer que des travaux soient nécessaires, ils se limiteraient à la pose de deux câbles HTA sur une distance réduite depuis le réseau électrique ou depuis le transformateur situés rue Joseph Cugnot et ne consisteraient qu’en des travaux de branchement, dont elle accepte d’assumer la charge financière ; il n’est, de surcroît, pas justifié que ces éventuels travaux ne pourraient pas être assurés dans un délai déterminé par l’autorité compétente ;

– l’arrêté est entaché d’un détournement de pouvoir.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 2 juin 2020 et le 3 novembre 2020, la commune de Metz, représentée par Me Olszak, conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge de la société requérante la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

– l’avis de la Commission nationale d’aménagement commercial est un acte préparatoire, de sorte qu’il est insusceptible de recours ; les conclusions à fin d’annulation dirigées contre cet avis sont ainsi irrecevables ;

– les moyens tendant à se prévaloir de l’illégalité par la voie de l’exception de l’avis de la Commission nationale d’aménagement commercial sont inopérants ;

– les autres moyens soulevés par la requérante sont infondés.

La procédure a été communiquée à la Commission nationale d’aménagement commercial, qui n’a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code de commerce ;

– le code de l’urbanisme ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. A.,

– les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,

– et les observations de Me Evano, pour la société Hauconcourt Distribution-Haudis et de Me Debus, pour la commune de Metz.

Considérant ce qui suit :

1. La société Hauconcourt Distribution-Haudis a sollicité un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale afin de réaliser, sur le territoire de la commune de Metz, un ensemble commercial de 3 802 m2, ainsi qu’un point permanent de retrait d’achats au détail de 443 m2. Par un arrêté du 27 février 2019, le maire de Metz a refusé de lui délivrer ce permis de construire. Après s’être réunie en séance le 7 mars et le 4 avril 2019, la Commission nationale d’aménagement commercial s’est, par un avis réceptionné le 3 mai 2019 par la société pétitionnaire, prononcée défavorablement sur la réalisation de ce projet. La société Hauconcourt Distribution-Haudis demande à la cour d’annuler l’arrêté du maire de la commune de Metz du 27 février 2019, ainsi que l’avis de la Commission nationale d’aménagement commercial.

Sur les conclusions à fin d’annulation de l’avis de la Commission nationale d’aménagement commercial :

2. Aux termes de l’article L. 425-4 du code de l’urbanisme : « Lorsque le projet est soumis à autorisation d’exploitation commerciale au sens de l’article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d’autorisation dès lors que la demande de permis a fait l’objet d’un avis favorable de la commission départementale d’aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d’aménagement commercial. […]. » Aux termes du I de l’article L. 752-17 du code de commerce : « Conformément à l’article L. 425-4 du code de l’urbanisme, le demandeur, le représentant de l’Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d’aménagement commercial, tout professionnel dont l’activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d’être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d’un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d’aménagement commercial contre l’avis de la commission départementale d’aménagement commercial. / La Commission nationale d’aménagement commercial émet un avis sur la conformité du projet aux critères énoncés à l’article L. 752-6 du présent code, qui se substitue à celui de la commission départementale. En l’absence d’avis exprès de la commission nationale dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine, l’avis de la commission départementale d’aménagement commercial est réputé confirmé. / A peine d’irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l’autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. […]. »

3. Il résulte de ces dispositions que l’avis de la Commission nationale d’aménagement commercial a le caractère d’un acte préparatoire à la décision prise par l’autorité administrative sur la demande de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale, seule décision susceptible de recours contentieux. Il en va ainsi que l’avis de la Commission nationale d’aménagement commercial soit favorable ou qu’il soit défavorable. Dans ce dernier cas et quand bien même l’avis de la Commission a été émis postérieurement au rejet de la demande de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale, la décision susceptible de recours contentieux est la décision de rejet de la demande présentée par le pétitionnaire.

4. Dès lors, les conclusions de la société Hauconcourt Distribution-Haudis tendant à l’annulation de l’avis de la Commission nationale d’aménagement commercial ne sont pas recevables et doivent ainsi être rejetées.

Sur les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du maire de Metz :

5. Pour rejeter la demande de délivrance de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale, le maire de Metz s’est fondé tant sur le fait que la commission de l’aménagement commercial de la Moselle avait émis un avis défavorable au projet que sur la circonstance que le projet litigieux impliquait, compte tenu de sa destination, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d’électricité pour lesquels il n’était pas en mesure d’indiquer dans quel délai ils pourraient être exécutés.

6. En premier lieu, aux termes de l’article L. 425-4 du code de l’urbanisme : « Lorsque le projet est soumis à autorisation d’exploitation commerciale au sens de l’article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d’autorisation dès lors que la demande de permis a fait l’objet d’un avis favorable de la commission départementale d’aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d’aménagement commercial. […]. » L’article R. 423-36-1 du même code prévoit, dans sa version applicable au litige, que : « Lorsqu’en application soit du I, soit du V de l’article L. 752-17 du code de commerce, la délivrance du permis est subordonnée à un avis favorable de la Commission nationale d’aménagement commercial, le délai d’instruction est prolongé de cinq mois. […]. »

7. Il résulte de ces dispositions qu’en cas de recours introduit devant la Commission nationale d’aménagement commercial contre l’avis de la commission départementale compétente, ou en cas d’auto-saisine de la commission nationale, l’autorité compétente pour se prononcer sur la demande de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale, qui bénéficie d’un délai d’instruction prolongé de cinq mois en vertu des dispositions de l’article R. 423-36-1 du code de l’urbanisme, doit attendre l’intervention de l’avis, exprès ou tacite, de la commission nationale pour délivrer ou refuser le permis. En effet, cet avis se substituant à l’avis de la commission départementale, la décision se prononçant sur la demande de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale ne saurait légalement intervenir avant qu’il ait été rendu.

8. Il ressort des pièces du dossier que la société Hauconcourt Distribution-Haudis a, par un recours formé en application des dispositions de l’article L. 752-17 du code du commerce et enregistré le 15 décembre 2018, contesté devant la Commission nationale d’aménagement commercial l’avis de la commission d’aménagement commercial de la Moselle du 26 novembre 2018 défavorable à son projet. Pour autant, le maire de la commune de Metz a, dès le 27 février 2019, refusé de faire droit à la demande de permis de construire valant autorisation d’exploitation présentée par la société pétitionnaire. L’arrêté litigieux a été adopté préalablement à l’expiration du délai de quatre mois au terme duquel le silence gardé par la Commission nationale vaut, en application du deuxième alinéa du I de l’article L. 752-17 du code du commerce, confirmation de l’avis de la commission départemental, mais également avant l’avis exprès de la Commission nationale d’aménagement et est ainsi entaché d’un vice d’incompétence. Contrairement à ce que soutient la commune de Metz, un tel vice entache nécessairement l’arrêté d’illégalité, sans qu’il soit besoin de s’interroger sur son influence sur le sens de la décision ou la privation d’une garantie.

9. En second lieu, aux termes de l’article L. 111-11 du code de l’urbanisme : « Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l’aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d’eau, d’assainissement ou de distribution d’électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d’aménager ne peut être accordé si l’autorité compétente n’est pas en mesure d’indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. »

10. Ces dispositions poursuivent notamment le but d’intérêt général d’éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d’être contraints, par le seul effet d’une initiative privée, de réaliser des travaux d’extension ou de renforcement des réseaux publics de distribution d’eau, d’assainissement ou d’électricité et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement, en prenant en compte les perspectives d’urbanisation et de développement de la collectivité. Il en résulte qu’un permis de construire ne peut être accordé lorsque, d’une part, des travaux d’extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et, que d’autre part, l’autorité compétente n’est pas en mesure d’indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation.

11. Par ailleurs, aux termes de l’article L. 332-15 du code de l’urbanisme : « L’autorité qui délivre l’autorisation de construire, d’aménager, ou de lotir exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l’équipement de la construction, du terrain aménagé ou du lotissement, notamment en ce qui concerne la voirie, l’alimentation en eau, gaz et électricité […]. Les obligations imposées par l’alinéa ci-dessus s’étendent au branchement des équipements propres à l’opération sur les équipements publics qui existent au droit du terrain sur lequel ils sont implantés et notamment aux opérations réalisées à cet effet en empruntant des voies privées ou en usant de servitudes. […] L’autorisation peut également, avec l’accord du demandeur et dans les conditions définies par l’autorité organisatrice du service public de l’eau ou de l’électricité, prévoir un raccordement aux réseaux d’eau ou d’électricité empruntant, en tout ou partie, des voies ou emprises publiques, sous réserve que ce raccordement n’excède pas cent mètres et que les réseaux correspondants, dimensionnés pour correspondre exclusivement aux besoins du projet, ne soient pas destinés à desservir d’autres constructions existantes ou futures. »

12. Il résulte de ces dispositions combinées que, pour l’alimentation en électricité, relèvent des équipements propres à l’opération ceux qui sont nécessaires à la viabilité et à l’équipement de la construction ou du terrain jusqu’au branchement sur le réseau public d’électricité qui existe au droit du terrain, en empruntant, le cas échéant, des voies privées ou en usant de servitudes, ou, dans les conditions définies au troisième alinéa de l’article L. 332-15, en empruntant, en tout ou partie, des voies ou emprises publiques, sous réserve dans ce dernier cas que le raccordement n’excède pas cent mètres. En revanche, pour l’application de ces dispositions, les autres équipements de raccordement aux réseaux publics d’électricité, notamment les ouvrages d’extension ou de branchement en basse tension, et, le cas échéant, ceux assurant le renforcement des réseaux existants, ont le caractère d’équipements publics.

13. Le projet litigieux vise à la réhabilitation d’un garage automobile afin de réaliser un ensemble commercial et un point permanent de retrait d’achats d’une surface totale de plus de 4 000 m2. Il ressort des pièces du dossier et notamment d’un courrier du 23 novembre 2018 de la société URM, société gestionnaire du réseau d’électricité, qu’en dépit de l’urbanisation du secteur d’implantation, des travaux sur le réseau public sont nécessaires pour fournir la puissance électrique demandée par la pétitionnaire pour l’exploitation de cet ensemble commercial, soit 600 kilovoltampères. Pour autant, il ressort également des pièces du dossier et notamment de ce même courrier de la société URM que le raccordement du projet au réseau public peut être assuré par la simple connexion de câbles HTA au réseau électrique passant sous le trottoir de la rue des Serruriers et non au transformateur situé rue des Serruriers comme le soutient la commune de Metz. Si le courrier de la société gestionnaire du réseau électrique indique que cette opération imposera la réalisation de travaux d’extension par la pose de deux câbles HTA sur environ 140 mètres, une telle distance correspond à la séparation entre le réseau public passant sous le trottoir de la rue des Serruriers et le poste privé d’électricité du projet. La distance entre le droit du terrain d’assiette du projet et le point de raccordement au réseau public est, au contraire, nettement inférieure à 100 mètres. Au regard des indications de la société gestionnaire du réseau, ce dernier dispose d’une capacité suffisante pour accueillir ce branchement et assurer l’alimentation électrique du projet. Par suite, alors que ces équipements de raccordement visent exclusivement à répondre aux besoins du projet et sont susceptibles, le cas échéant, d’être mis à la charge de la société pétitionnaire en application des dispositions des articles L. 332-6 et L. 332-15 du code de l’urbanisme, la desserte du projet en litige n’exige qu’un raccordement au réseau de distribution électrique et n’implique ni une extension de ce dernier, ni un renforcement de ses capacités, au sens des dispositions citées au point 9. Par suite, c’est à tort que le maire de la commune de Metz a rejeté la demande de la société pétitionnaire en retenant que le projet litigieux impliquait, compte tenu de la destination de la construction ou de l’aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d’électricité pour lesquels il n’était pas en mesure d’indiquer dans quel délai ils pourraient être exécutés.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la société Hauconcourt Distribution-Haudis est fondée à demander l’annulation de l’arrêté du 27 février 2019 par lequel le maire de la commune de Metz a refusé de faire droit à sa demande de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale. Dans le cadre du présent litige, aucun des autres moyens de la société Hauconcourt Distribution-Haudis n’est susceptible d’entraîner, en l’état du dossier soumis à la cour, l’annulation de la décision contestée pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

15. Aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution. / La juridiction peut également prescrire d’office cette mesure. » Aux termes de l’article L. 911-2 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d’office l’intervention de cette nouvelle décision. »

16. En vertu de ces dispositions, le juge administratif peut, s’il annule la décision prise par l’autorité administrative sur une demande de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale et en fonction des motifs qui fondent cette annulation, prononcer une injonction tant à l’égard de l’autorité administrative compétente pour se prononcer sur la demande de permis qu’à l’égard de la Commission nationale d’aménagement commercial. La circonstance qu’elle soit chargée par l’article R. 752-36 du code de commerce d’instruire les recours dont elle est saisie ne fait pas obstacle à ce que le juge administratif lui enjoigne, sur le fondement de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, de prendre une mesure dans un sens déterminé si les motifs de la décision juridictionnelle l’impliquent nécessairement. Toutefois, l’annulation de la décision rejetant une demande de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale sur le fondement d’un avis défavorable rendu par la Commission nationale d’aménagement commercial n’implique, en principe, qu’un réexamen du projet par cette commission. Il n’en va autrement que lorsque les motifs de l’annulation impliquent nécessairement la délivrance d’un avis favorable.

17. Lorsqu’une décision rejetant une demande de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale est annulée au motif qu’elle est intervenue avant que la Commission nationale d’aménagement commercial ait pu se prononcer sur le recours dont elle a été saisie sur le même projet, le juge administratif doit alors, en principe, enjoindre au maire de réexaminer la demande dont il était saisi. Dans l’hypothèse, où postérieurement au rejet de la demande de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale, mais avant que le juge se prononce, la Commission nationale d’aménagement commercial adopte un avis défavorable au projet, le pétitionnaire peut, de manière dérogatoire, contester la régularité et le bien-fondé de cet avis devant le juge saisi du recours contre le refus de délivrance du permis sollicité.

18. Si l’avis de la Commission nationale d’aménagement commercial est irrégulier ou mal-fondé, le juge ne peut alors se borner à enjoindre au maire de réexaminer la demande de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale, ce qui aboutirait à l’adoption d’un nouveau refus fondé sur l’avis illégal de la Commission nationale d’aménagement commercial. Dans cette hypothèse, le juge doit enjoindre à la Commission nationale d’aménagement d’adopter un nouvel avis au regard duquel le maire se prononcera à nouveau sur la demande de permis.

19. Le présent arrêt, par lequel la cour fait droit aux conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du maire de Metz du 27 février 2019 n’implique pas, eu égard aux motifs d’annulation ci-dessus énoncés, que le maire prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé, mais uniquement qu’il statue à nouveau sur la demande de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale de la société Hauconcourt Distribution-Haudis.

20. A ce titre, si la Commission nationale d’aménagement commercial a, postérieurement à l’arrêté litigieux, rendu un avis défavorable au projet, les appelants font valoir à bon droit que le motif retenu par cette commission dans son avis, pour justifier sa position, soit le caractère insatisfaisant de l’insertion paysagère du projet, est entaché d’une erreur d’appréciation dès lors que les éléments produits par la société appelante et issus notamment de son dossier de demande de permis témoignent que le projet s’insère de manière suffisamment satisfaisante au sein de l’environnement immédiat alternant entre bâti industriel et champs agricoles. Par suite, le maire ne saurait, dans le cadre du réexamen de la demande de la société Hauconcourt Distribution-Haudis, se borner à adopter un nouvel arrêté de rejet en s’appuyant sur le caractère défavorable de l’avis émis par la Commission nationale d’aménagement commercial à l’issue de sa séance du 4 avril 2019.

21. Le présent arrêt, par lequel la cour fait droit aux conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du maire de Metz du 27 février 2019, n’implique pas nécessairement, eu égard aux motifs ci-dessus énoncés, que la Commission nationale d’aménagement commercial émette un avis favorable sur le projet, étant précisé que les motifs de son avis défavorable ne concernent que certains des critères d’évaluation de deux seulement des trois objectifs fixés par l’article L. 752-6 du code de commerce. L’exécution du présent arrêt n’implique donc pas davantage que le maire de Metz prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé.

22. Le présent arrêt implique donc seulement, d’une part, que la Commission nationale d’aménagement commercial rende un nouvel avis sur le projet, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et, d’autre part, que le maire de Metz statue à nouveau sur la demande de permis de construire de la société Hauconcourt Distribution-Haudis dans un délai de trois mois suivant le nouvel avis de la Commission nationale d’aménagement commercial. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.

Sur les frais liés à l’instance :

23. Il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Metz, partie perdante, la somme de 2 000 € au titre des frais exposés par la société Hauconcourt Distibution-Haudis et non compris dans les dépens, sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées sur ce même fondement par la commune de Metz doivent, au contraire, être rejetées.

Décide :

Article 1er : Les conclusions à fin d’annulation de l’avis de la Commission nationale d’aménagement commercial sont rejetées.

Article 2 : L’arrêté du maire de Metz du 27 février 2019 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint, d’une part, à la Commission nationale d’aménagement commercial, qui se trouve à nouveau saisie de ce dossier, de rendre un nouvel avis sur le projet de la société Hauconcourt Distribution-Haudis dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et, d’autre part, au maire de Metz de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire de la société requérante dans un délai de trois mois suivant le nouvel avis de la Commission nationale d’aménagement commercial.

Article 4 : La commune de Metz versera la somme de 2 000 € à la société Hauconcourt Distribution-Haudis sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Hauconcourt Distribution-Haudis, à la Commission nationale d’aménagement commercial et à la commune de Metz.

Copie en sera adressée au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

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