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Urbanisme commercial : précisions sur la conservation du délais de recours contentieux contre un PCVAE par un recours gracieux !

Arrêt rendu par Conseil d’Etat
07-10-2022
n° 45061
Texte intégral :
Vu les procédures suivantes :

Les sociétés Bivaumon et Distrimon ont demandé à la cour administrative d’appel de Marseille d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 21 novembre 2018 par lequel le maire d’Arles a délivré à la société Entrepôt Nîmes un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale pour la création d’un magasin de vente d’articles de bricolage d’une surface de vente de 5 652 m² et d’un « drive » de 350 m² d’emprise au sol avec deux pistes de ravitaillement. Par un arrêt n° 19MA00079 du 15 février 2021, la cour administrative d’appel a annulé cet arrêté.

1°Sous le n° 450615, par un pourvoi, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 mars et 4 mai 2021 et le 15 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Entrepôt Nîmes demande au Conseil d’Etat :

1) d’annuler cet arrêt ;

2) réglant l’affaire au fond, de rejeter la requête des sociétés Bivaumon et Distrimon et de faire droit à ses autres conclusions présentées devant la cour administrative d’appel ;

3) de mettre solidairement à la charge des sociétés Bivaumon et Distrimon la somme de 5 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

2 Sous le n° 450636, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 mars et 5 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune d’Arles demande au Conseil d’Etat :

1) d’annuler cet arrêt ;

2) réglant l’affaire au fond, de rejeter la requête des sociétés Bivaumon et Distrimon et de faire droit à ses autres conclusions présentées devant la cour administrative d’appel ;

3) de mettre solidairement à la charge des sociétés Bivaumon et Distrimon la somme de 5 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

– le code de commerce ;

– le code des relations entre le public et l’administration ;

– le code de l’urbanisme ;

– la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire,

– les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société civile immobilière Entrepot Nîmes, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la commune d’Arles et à la SCP Buk Lament – Robillot, avocat de la société société Lausa 3 ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 septembre 2022, présentée par la société Lausa 3 sous les nos 450615 et 450636.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que la société Entrepôt Nîmes a déposé, le 22 décembre 2016, une demande de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale pour la création d’un magasin de bricolage d’une surface de vente de 5 806 m² et d’un point permanent de retrait par la clientèle d’achats au détail commandés par voie télématique de 352 m² d’emprise au sol, dans la zone commerciale de Montmajour au nord de la commune d’Arles. Le projet a reçu un avis favorable de la commission départementale d’aménagement commercial des Bouches-du-Rhône le 27 avril 2017. Saisie d’un recours formé par les sociétés Bivaumon et Distrimon, la Commission nationale d’aménagement commercial a émis un avis défavorable au projet le 28 septembre 2017. La société Entrepôt Nîmes a déposé, le 15 février 2018, une nouvelle demande de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale pour un projet ayant le même objet et implanté sur le même terrain, la surface de vente du magasin de bricolage étant ramenée à 5 652 m2 et celle du point permanent de retrait à 350 m². Ce projet a reçu, le 14 mai 2018, l’avis favorable de la commission départementale d’aménagement commercial des Bouches-du-Rhône. Saisie sur recours des sociétés Bivaumon et Distrimon, la Commission nationale d’aménagement commercial a émis, le 13 septembre 2018, un avis favorable au projet. Par un arrêté du 21 novembre 2018, le maire d’Arles a délivré à la société Entrepôt Nîmes un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale pour la réalisation de ce projet. Par deux pourvois qu’il y a lieu de joindre, la société Entrepôt Nîmes et la commune d’Arles se pourvoient en cassation contre l’arrêt du 15 février 2021 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille, saisie d’une requête des sociétés Bivaumon et Distrimon, a annulé cet arrêté.

Sur les interventions de la société Entrepôt du bricolage Arles, de la commune d’Arles et de la Commission nationale d’aménagement commercial au soutien des conclusions du pourvoi n° 450615 :

2. La société Entrepôt du bricolage Arles, qui assume l’exploitation commerciale du magasin et du « drive » ayant fait l’objet de l’arrêté du maire de la commune d’Arles du 21 novembre 2018, ainsi que la commune d’Arles et la Commission nationale d’aménagement commercial justifient respectivement, eu égard à la nature et à l’objet du litige, d’un intérêt suffisant pour intervenir au soutien des conclusions du pourvoi de la société Entrepôt Nîmes. Leurs interventions sont, par suite, recevables.

Sur les pourvois :

3. Aux termes de l’article L. 752-21 du code de commerce, dans sa version applicable au litige : « Un pétitionnaire dont le projet a été rejeté pour un motif de fond par la Commission nationale d’aménagement commercial ne peut déposer une nouvelle demande d’autorisation sur un même terrain, à moins d’avoir pris en compte les motivations de la décision ou de l’avis de la commission nationale ». Il résulte de ces dispositions que lorsqu’un projet soumis à permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale fait l’objet d’un avis défavorable de la Commission nationale d’aménagement commercial pour un motif de fond, une nouvelle demande d’autorisation de construire valant autorisation d’exploitation commerciale à raison d’un nouveau projet sur le même terrain ne peut être soumise, pour avis, à une commission d’aménagement commercial que pour autant que le pétitionnaire justifie que sa demande comporte des modifications en lien avec la motivation de l’avis antérieur de la Commission nationale d’aménagement commercial. Il en découle qu’il appartient à la commission d’aménagement commercial saisie de ce nouveau projet de vérifier que cette condition préalable est satisfaite et, seulement dans l’hypothèse où elle l’est, de procéder au contrôle qui lui incombe du respect des autres exigences découlant du code de commerce, y compris, s’agissant des exigences de fond, de celles dont il avait été antérieurement estimé qu’elles avaient été méconnues ou dont il n’avait pas été fait mention dans l’avis de la Commission nationale d’aménagement commercial.

4. Il ressort des termes mêmes de l’arrêt attaqué que, pour déterminer si le projet litigieux avait effectivement pris en compte les motivations de l’avis défavorable de la Commission nationale d’aménagement commercial du 28 septembre 2017, conformément aux dispositions citées au point 3, la cour a estimé que les modifications et mesures complémentaires présentées par le pétitionnaire à l’appui de sa nouvelle demande de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale ne présentaient pas un caractère suffisant pour être regardées comme ayant pris en compte ces motivations, eu égard aux objections initiales de la Commission nationale d’aménagement commercial. En déduisant de cette circonstance que la nouvelle demande de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale ne satisfaisait pas aux exigences de l’article L. 752-21 du code de commerce, au lieu de se borner à rechercher si les ajustements et précisions qui avaient été apportés par la société Entrepôt Nîmes à sa demande étaient en lien avec les motifs ayant fondé l’avis défavorable de la Commission nationale d’aménagement commercial du 28 septembre 2017, ce qui suffisait à la rendre recevable, la cour a entaché son arrêt d’erreur de droit.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des pourvois, que la société Entrepôt Nîmes et la commune d’Arles sont fondées à demander l’annulation de l’arrêt qu’elles attaquent.

6. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de la société Entrepôt Nîmes et de la commune d’Arles qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Lausa 3, venant aux droits des sociétés Bivaumon et Distrimon, une somme de 3 000 € à verser tant à la société Entrepôt Nîmes qu’à la commune d’Arles au titre des mêmes dispositions.

Décide :

Article 1er : Les interventions de la société Entrepôt du bricolage Arles, de la commune d’Arles et de la Commission nationale d’aménagement commercial au soutien du pourvoi n° 450615 sont admises.

Article 2 : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 15 février 2021 est annulé.

Article 3 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Marseille.

Article 4 : La société Lausa 3, venant aux droits des sociétés Bivaumon et Distrimon, versera une somme de 3 000 € à la société Entrepôt Nîmes ainsi qu’à la commune d’Arles au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par la société Lausa 3 au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée aux sociétés Entrepôt Nîmes et Entrepôt du bricolage Arles, à la société Lausa 3, à la commune d’Arles, au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la Commission nationale d’aménagement commercial.

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