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Environnement : maison en ruine, le propriétaire négligent paye l’évacuation des gravas !

Cour Administrative d’Appel de Nancy

N° 13NC00630   
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
Mme PELLISSIER, président
M. Olivier TREAND, rapporteur
M. FAVRET, rapporteur public
SELARL COSSALTER & DE ZOLT, avocat

lecture du jeudi 3 avril 2014

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 8 avril 2013, complétée par mémoire enregistré le 19 février 2014, présentée pour M A…C…, demeurant…, par MeB… ;
M. C…demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1102141 du 6 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l’annulation du titre exécutoire émis le 14 février 2011 par lequel le maire de la commune d’Hindisheim a mis à sa charge la somme de 80 573,18 euros ;

2°) d’annuler le titre exécutoire émis le 14 février 2011 par lequel le maire de la commune d’Hindisheim a mis à sa charge la somme de 80 573,18 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune d’Hindisheim la somme de 2 392 euros au titre des articles L. 761-1 du code justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

– le titre exécutoire du 14 février 2011 est insuffisamment motivé ; il n’indique pas les bases de liquidation de la créance ; il ne comporte ni les éléments de calcul de la dette, ni le fondement légal en vertu duquel il est émis ; il ne satisfait pas aux exigences posées par l’article 24 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

– le titre exécutoire du 14 février 2011 est illégal du fait de l’illégalité de l’arrêté du maire d’Hindisheim en date du 9 janvier 2008 ; d’une part, l’arrêté du 9 janvier 2008 est insuffisamment motivé au regard des exigences posées par l’article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; d’autre part, il a été pris sans qu’il ait été mis à même de présenter des observations écrites ou orales contrairement à ce que prévoient les dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; enfin, il est entaché d’erreur manifeste d’appréciation ; le maire d’Hindisheim a assuré l’exécution d’arrêts de la Cour d’appel de Colmar rendus au terme d’une procédure irrégulière, les observations du maire n’ayant pas été prises en compte devant le juge judiciaire ;

– certains travaux effectués d’office par la commune d’Hindisheim ne pouvaient être mis à sa charge par le maire ; d’une part, la destruction du hangar et de la grange, qui ne sont d’ailleurs pas des déchets au sens de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement, n’était pas nécessaire ; d’autre part, le maire d’Hindisheim ne pouvait légalement poursuivre l’exécution de l’arrêt de la Cour d’appel de Colmar en date du 1er août 2001, qui l’avait condamné pour exploitation sans autorisation d’une installation classée pour la protection de l’environnement, dès lors que seul le préfet peut intervenir dans le cadre de la police des installations classées ;

– la somme qui lui est réclamée est excessive ; il n’a pas été tenu compte du produit de la valorisation des déchets, autre que la ferraille, enlevés qui devaient pourtant venir en déduction du coût des travaux facturés ; la valorisation des déchets est une obligation légale en vertu des dispositions de l’article L. 541-1 du code de l’environnement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 16 décembre 2013, le mémoire en défense, présenté pour la commune d’Hindisheim, par MeD…, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la Cour mette à la charge de M. C… la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune soutient que :

– le titre de recette est suffisamment motivé ; il mentionne les textes sur le fondement desquels il a été adopté ; y étaient joints un courrier d’accompagnement indiquant que la somme était due en exécution d’arrêts de la Cour d’appel de Colmar et les factures de l’entreprise qui avait nettoyé la propriété de M.C… ;

– l’exception d’illégalité de l’arrêté du maire d’Hindisheim en date du 9 janvier 2008 ne peut plus être soulevée dès lors que ledit arrêté est devenu définitif ; en tout état de cause, l’arrêté du 9 janvier 2008 n’est pas illégal ; d’une part, il ne constitue pas une mesure de police au sens de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; au surplus, il est motivé ; d’autre part, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 doit être écarté comme inopérant ; au surplus, M C…a été destinataire de nombreuses mises en demeure auxquelles l’intéressé n’a pas répondu ; enfin, la régularité des arrêts de la cour d’appel de Colmar ne peut être discutée devant le juge administratif ; par ailleurs, lesdits arrêts sont devenus définitifs suite au rejet par la Cour de cassation des pourvois en cassation formés par M.C… ;

– la démolition des bâtiments s’imposait ; leur état de délabrement avancé ne permettait pas de débarrasser le terrain de M C…sans les démolir ; cette démolition, nécessitée au surplus par l’impératif de préserver la sécurité des agents de la société Véolia, a été autorisée par les gendarmes ;

– l’exécution de l’arrêt de la cour d’appel de Colmar du 6 juin 2001 justifiait, à elle seule, que le maire d’Hindisheim, se fondant sur les seules dispositions de l’article L. 480-9 du code l’urbanisme, décide de l’enlèvement de tous les déchets se trouvant sur le terrain de M. C… ;

– la somme réclamée à M. C… est justifiée ; l’appelant ne démontre pas qu’il détenait des déchets valorisables ; le constat d’huissier réalisé en date du 4 mai 2006 le démontre ;

Vu la décision du bureau d’aide juridictionnelle (section administrative d’appel) du tribunal de grande instance de Nancy, en date du 6 juin 2013, attribuant l’aide juridictionnelle totale à M. A… C…et désignant Me B…pour le représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 13 mars 2014 :

– le rapport de M. Tréand, premier conseiller,

– les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

– et les observations de Me Haouzi, avocat de M.C… ;

1. Considérant qu’en application des dispositions des articles L. 160-1 et L. 480-4 du code de l’urbanisme, la cour d’appel de Colmar, par arrêt en date du 6 juin 2001, a condamné M.C…, dans le délai d’un mois à compter du jour où son arrêt sera devenu définitif, à remettre en état son terrain situé 218 impasse du Moulin à Hindisheim en enlevant les matériaux et déchets entreposés en méconnaissance des dispositions de l’article 2UA  » occupations et utilisations du sol interdites  » du règlement applicable à la zone UA du plan d’occupation des sols de la commune ; que M. C…n’ayant pas obtempéré, le maire de la commune d’Hindisheim a, en application des dispositions de l’article L. 480-9 du code de l’urbanisme, adopté un arrêté en date du 9 janvier 2008, décidant de procéder d’office à tous travaux nécessaires à l’exécution de la décision de justice aux frais et risques de l’appelant ; qu’il a émis un titre exécutoire daté du 14 février 2011 mettant à la charge de M. C…le coût des travaux d’enlèvement des déchets ;

Sur l’exception d’illégalité de l’arrêté du maire d’Hindisheim du 9 janvier 2008 :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 480-9 du code de l’urbanisme :  » Si, à l’expiration du délai fixé par le jugement, (…) la mise en conformité ou la remise en état ordonnée n’est pas complètement achevée, le maire (…) peut faire procéder d’office à tous travaux nécessaires à l’exécution de la décision de justice aux frais et risques du bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l’utilisation irrégulière du sol (…)  » ;

3. Considérant que l’arrêté du maire d’Hindisheim en date du 9 janvier 2008 décidant, en application des dispositions précitées de l’article L. 480-9 du code de l’urbanisme, de procéder d’office aux travaux nécessaires à l’exécution de l’arrêt de la Cour d’appel de Colmar en date du 6 juin 2001 forme avec le titre exécutoire émis à l’encontre de M. C… une opération comportant entre ces deux décisions un lien tel que l’illégalité dont serait entaché l’arrêté puisse, malgré l’éventuel caractère définitif de cet arrêté, être invoqué à l’appui de conclusions dirigées contre la décision mettant à la charge de M. C… le coût des travaux effectués ;

4. Considérant, d’une part, que si l’arrêté du maire d’Hindisheim en date du 9 janvier 2008 est une mesure de police qui doit être motivée en application des dispositions de l’article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté comme manquant en fait, l’arrêté du 9 janvier 2008 comprenant les considérations de droit et de fait qui le fondent ;

5. Considérant, d’autre part, qu’en vertu de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, les décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public, au nombre desquelles figurent notamment les décisions qui constituent une mesure de police, ne peuvent légalement intervenir qu’après que l’intéressé a été mis à même de présenter des observations écrites ;

6. Considérant qu’il résulte de ces dispositions, combinées avec les dispositions précitées de l’article L. 480-9 du code de l’urbanisme, que le maire ne peut légalement prendre la décision de procéder d’office aux travaux nécessaires à l’exécution de la décision de justice aux frais et risques du bénéficiaire, qui est une mesure de police, sans avoir préalablement mis l’intéressé à même de présenter ses observations écrites, sauf urgence, circonstances exceptionnelles, ou risque d’atteinte à l’ordre public du fait de la mise en oeuvre de cette mesure ; qu’en l’espèce, il résulte de l’instruction qu’après quatre mises en demeure infructueuses le maire d’Hindisheim a adressé une lettre recommandée avec accusé de réception à M. C…le 21 décembre 2007 l’avertissant de la mesure qu’il entendait prendre à son encontre et du coût prévisionnel des travaux exécutés d’office ; que par courrier en date du 5 janvier 2008, reçu en mairie le 7 janvier suivant, M. C…a présenté des observations écrites ; qu’ainsi l’intéressé n’est pas fondé à soutenir que le maire de la commune d’Hindisheim ne l’a pas mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues par les dispositions précitées de la loi du 12 avril 2000 avant l’intervention de l’arrêté litigieux du 9 janvier 2008 ; que, dès lors, le moyen tiré du vice de procédure entachant ledit arrêté doit être écarté ;

7. Considérant, enfin, que M. C…soutient que l’arrêté du 9 janvier 2008 est illégal en ce qu’il a été adopté pour assurer l’exécution de décisions du juge judiciaire entachées d’un vice grave, les dispositions de l’article L. 480-5 du code de l’urbanisme n’ayant pas été respectées ; que cette circonstance est sans influence sur la légalité de l’arrêté du 9 janvier 2008, l’arrêt de la Cour d’appel de Colmar du 6 juin 2001 dont le maire poursuit l’exécution étant au surplus devenu définitif suite au rejet par la Cour de Cassation du pourvoi de M. C…;

Sur la légalité formelle du titre exécutoire émis le 14 février 2011 :

8. Considérant qu’aux termes de l’article 81 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité publique : « Tout ordre de recettes doit indiquer les bases de la liquidation » ; qu’ainsi tout titre de perception doit indiquer les bases de liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il a été émis, à moins que ces bases n’aient été préalablement portées à la connaissance du débiteur ;

9. Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. C…a été destinataire de l’arrêté du maire d’Hindisheim en date du 9 janvier 2008 lui indiquant qu’en application des dispositions de l’article L. 480-9 du code de l’urbanisme, les travaux de remise en état du terrain dont il est propriétaire situé 218 impasse du moulin seraient exécutés d’office ; que le fondement légal du titre de recettes en date du 14 février 2011 était donc connu de l’appelant ; que, par ailleurs, la notification dudit titre était accompagnée des factures détaillées de l’entreprise qui a procédé aux travaux ; qu’ainsi M. C…a eu connaissance des bases de liquidation de la créance dont la commune se prévalait ; que les renseignements ainsi fournis à M. C…étaient de nature à lui permettre de discuter utilement le fondement légal et les bases de calcul de la somme de 80 573,18 euros qui lui était réclamée ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation du titre de perception du 14 février 2011 doit être écarté ;

Sur le bien-fondé de la créance :

10. Considérant, d’une part, que M. C… soutient que ne pouvait être mis à sa charge le coût de la démolition d’un hangar et d’une grange ancienne qui ne sont pas des déchets au sens des dispositions de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement ; que, toutefois, il résulte de l’instruction et il n’est pas sérieusement contesté par l’appelant que lesdits bâtiments étaient dans un état de délabrement avancé rendant impossible en toute sécurité l’enlèvement des déchets présents sur le terrain de M. C…sans procéder à leur démolition ; que, par suite, quand bien même ces ruines n’étaient pas, en raison de leur caractère immobilier, des déchets au sens des dispositions de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement, le coût de leur démolition pouvait être mis à la charge de l’appelant ;

11. Considérant, d’autre part, que comme dit au point 4, la cour d’appel de Colmar, par arrêt en date du 6 juin 2001, a condamné M.C…, dans le délai d’un mois à compter du jour où son arrêt sera devenu définitif, à remettre en état son terrain situé 218 impasse du moulin à Hindisheim en enlevant les matériaux et déchets entreposés en méconnaissance des dispositions de l’article 2UA  » occupations et utilisations du sol interdites  » du règlement applicable à la zone UA du plan d’occupation des sols de la commune ; que M. C…n’ayant pas obtempéré, le maire de la commune d’Hindisheim a, en application des dispositions de l’article L. 480-9 du code de l’urbanisme, adopté un arrêté en date du 9 janvier 2008, décidant de procéder d’office à tous travaux nécessaires à l’exécution de la décision de justice aux frais et risques de l’appelant ; qu’il ne résulte pas de l’instruction que l’enlèvement des matériaux et déchets auquel il a été procédé n’était pas nécessaire pour assurer l’exécution de l’arrêt de la cour d’appel de Colmar du 6 juin 2001 et assurer les respect des dispositions susmentionnées du plan d’occupation des sols ; que si M. C… soutient que le maire d’Hindisheim ne pouvait régulièrement poursuivre l’exécution de l’arrêt de la cour d’appel de Colmar en date du 1er août 2001 qui l’avait condamné pour exploitation sans autorisation d’une installation classée pour la protection de l’environnement, un tel moyen, en l’admettant fondé, n’est pas de nature à entraîner l’illégalité du titre exécutoire du 14 février 2011, dès lors qu’il ne résulte pas de l’instruction que l’étendue des travaux de remise en état du terrain, dont le coût a été mis à la charge de M. C…, aurait été modifiée si le maire d’Hindisheim n’avait poursuivi que la seule exécution de l’arrêt de la cour d’appel de Colmar en date du 6 juin 2001 ;

12. Considérant, enfin, que M. C…soutient que la somme qui lui est réclamée par le titre exécutoire du 14 février 2011 est excessive puisque n’ont pas été prises en compte, en atténuation, les sommes tirées de la valorisation des déchets enlevés, valorisation qui s’imposait à l’entreprise qui a effectué les travaux en application de l’article L. 541-1 du code de l’environnement ; que, toutefois, il ressort des mentions de l’une des factures établies par la société Alpha que le produit de la valorisation des 114,2 tonnes de ferraille retirées du terrain de M. C…, qui s’élevait à 14 846 euros, a été déduit du coût des travaux réalisés ; que, par ailleurs, il ne résulte pas de l’instruction que d’autres déchets aient pu faire l’objet d’une valorisation de nature à atténuer le montant de la somme réclamée à M. C… ;

13. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. C… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que ses conclusions formées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune d’Hindisheim tendant à la condamnation de l’appelant au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C…est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d’Hindisheim tendant à la condamnation de M. C… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A… C…et à la commune d’Hindisheim.

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