Vu la procédure suivante :
M. A. O., Mme P. O., M. E. C., Mme C., M. G. D., M. K. N. et Mme B. N., M. L. I., Mme I., M. F. J. et M. Q. H. ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d’annuler l’arrêté du 15 juin 2021 par lequel le maire de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) a délivré à la société philanthropique un permis de construire un bâtiment à usage d’habitation et de crèche, ainsi que l’arrêté du 1er avril 2022 par lequel la même autorité a délivré à la société pétitionnaire un permis de construire modificatif portant sur le même projet. Le syndicat des copropriétaires (SDC) » Le Chaptal SDC Secondaire CDE » a demandé au même tribunal administratif d’annuler le même arrêté du 15 juin 2021, ainsi que la décision du 15 septembre 2021 par laquelle le maire de Levallois-Perret a rejeté son recours gracieux contre cette décision.
Par un jugement nos 2110335, 2114598 du 9 juin 2023, le tribunal administratif, après avoir joint ces demandes, a annulé l’arrêté du 15 juin 2021 tel que modifié par l’arrêté du 1er avril 2022 ainsi que la décision rejetant le recours gracieux formé par le SDC » Le Chaptal SDC Secondaire CDE » en tant qu’ils méconnaissent les dispositions des articles UA 8 et UA 13.3.1 du règlement du PLU et rejeté le surplus des conclusions des demandes.
1° Sous le numéro 479690, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 août et 7 novembre 2023 et le 2 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société philanthropique demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler ce jugement en tant qu’il lui fait grief ;
2°) réglant l’affaire au fond, dans cette mesure, de rejeter les demandes de M. et Mme O. et autres et du SDC » Le Chaptal SDC Secondaire CDE » ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme O. et autres et du SDC » Le Chaptal SDC Secondaire CDE » la somme de 5 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le numéro 479868, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 août et 9 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune de Levallois-Perret demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler ce même jugement du 9 juin 2023 en tant qu’il lui fait grief ;
2°) de mettre à la charge de M. et Mme O. et autres et du SDC » Le Chaptal SDC Secondaire CDE » la somme de 5 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Ségolène Cavaliere, maîtresse des requêtes,
– les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Gury et Maître, avocat de la société Philanthropique, à la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de M. et Mme O. et autres, et à la SARL Le Prado – Gilbert, avocat de la commune de Levallois-Perret.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 7 juillet 2025, présentée par la société philanthropique ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A. O. et autres ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d’annuler l’arrêté du 15 juin 2021 par lequel le maire de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) a accordé à la société philanthropique un permis de construire un bâtiment à usage d’habitation et de crèche ainsi que l’arrêté du 1er avril 2022 par lequel le maire a délivré à cette société un permis de construire modificatif concernant le même projet. Le syndicat des copropriétaires (SDC) » Le Chaptal SDC Secondaire CDE » a demandé au même tribunal administratif d’annuler le même arrêté du 15 juin 2021 ainsi que la décision du 15 septembre 2021 par laquelle le maire de Levallois-Perret a rejeté son recours gracieux contre cette décision. Par deux pourvois qu’il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, la société philanthropique et la commune de Levallois-Perret demandent l’annulation du jugement du 9 juin 2023 par lequel le tribunal administratif a annulé l’arrêté du 15 juin 2021 tel que modifié par l’arrêté du 1er avril 2022 ainsi que la décision rejetant le recours gracieux formé par le SDC » Le Chaptal SDC Seconde CDE » en tant qu’ils méconnaissent les dispositions des articles UA 8 et UA 13.3.1 du règlement du plan local d’urbanisme (PLU) de la commune de Levallois-Perret.
Sur les motifs du jugement relatifs à la recevabilité des demandes :
2. Aux termes de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme : » Une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l’occupation ou à l’utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l’aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation. […] »
3. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que M. O. et autres ainsi que les copropriétaires des bâtiments C, D et E de l’ensemble immobilier situé au 110 rue Chaptal, représentés par le SDC » Le Chaptal SDC Secondaire CDE « , tous propriétaires de biens situés à environ trente mètres du terrain d’assiette du projet litigieux, établissaient que la construction projetée d’un immeuble de six étages entre leurs propriétés et un espace boisé classé sur lequel ils bénéficiaient d’une vue entrainerait une dégradation de leur cadre de vie résultant de la perte de cette vue. Si la société pétitionnaire et la commune de Levallois-Perret se prévalaient en défense de la distance séparant le terrain d’assiette du projet des propriétés des requérants et soutenaient que ceux-ci ne seraient pas privés de toute vue sur un espace vert, le tribunal administratif a pu, sans erreur de qualification juridique des faits, retenir que le projet litigieux était de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien des requérants pour en déduire que ceux-ci justifiaient d’un intérêt leur donnant qualité pour agir contre le permis de construire en litige.
Sur les motifs du jugement relatifs à la légalité du permis de construire :
4. En premier lieu, aux termes de l’article UA 13.3.1 du règlement du plan local d’urbanisme (PLU) de la commune de Levallois-Perret : » Des arbres intéressants sont mentionnés au document graphique n° 5.1 « zonage et servitudes » […]. Les aménagements prévus sur les unités foncières concernées devront tenir compte de ce patrimoine naturel. L’implantation des constructions nouvelles devra, sauf impossibilité technique avérée, éviter leur destruction. / […] / Dans le cas où un arbre intéressant serait abattu, il devra être remplacé par un arbre de même espèce ou par une espèce susceptible de redonner une valeur paysagère équivalente. / En cas d’impossibilité avérée de le remplacer, le projet devra faire apparaître une compensation qualitativement équivalente. […] »
5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le projet litigieux prévoyait l’abattage d’un tilleul identifié comme un » arbre intéressant » par le document graphique du règlement du PLU de la commune et que la société pétitionnaire, à qui il appartenait de démontrer l’impossibilité technique d’éviter sa destruction pour la réalisation de son projet, se bornait à indiquer que cet arbre serait situé trop près de la façade de la construction projetée. En jugeant que, dans ces conditions, le projet méconnaissait les dispositions de l’article UA 13.3.1 du règlement du PLU, le tribunal administratif, dont le jugement est suffisamment motivé sur ce point, a porté sur les faits de l’espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation et n’a pas commis d’erreur de droit, ni méconnu les règles gouvernant la charge de la preuve.
6. En deuxième lieu, aux termes de l’article UA 8.1.4 du règlement du PLU relatif aux règles d’implantation des constructions les unes par rapport aux autres sur une même propriété » lorsque les façades en vis-à-vis de même hauteur comportent chacune des baies principales » : » La distance comptée horizontalement de tout point nu de la façade d’une construction au point le plus proche du nu de la façade doit être : / Au moins égale à la différence d’altitude entre ce point et le pied de la façade qui lui fait face diminuée de 6 mètres. / Au moins égale à 8 mètres. »
7. Dans les termes dans lesquels elles sont rédigées, qui ne sont pas autrement définis par le lexique du règlement du PLU, ces dispositions, relatives à l’isolement des constructions les unes par rapport aux autres, s’appliquent uniquement à des bâtiments ayant des façades en vis-à-vis comportant l’une et l’autre des baies principales. Elles ne sauraient être interprétées comme applicables à deux bâtiments jointifs perpendiculaires, alors même qu’ils auraient des vues l’un sur l’autre. Il en résulte qu’après avoir relevé, par des motifs exempts de dénaturation, que le projet portait sur la création d’un nouveau bâtiment implanté perpendiculairement à la construction existante, le tribunal administratif a commis une erreur de droit en jugeant que le permis de construire attaqué méconnaissait les dispositions de l’article UA 8 du règlement du PLU de la commune de Levallois-Perret.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société philanthropique et la commune de Levallois-Perret sont seulement fondées à demander l’annulation du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise qu’ils attaquent dans la mesure où il annule les arrêtés des 15 juin 2021 et 1er avril 2022 du maire de Levallois-Perret ainsi que la décision rejetant le recours gracieux du SDC » Le Chaptal SDC Secondaire CDE » en tant qu’ils méconnaissent les dispositions de l’UA 8 du règlement du PLU de la commune de Levallois-Perret.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler, dans cette mesure, l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative.
10. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que M. O. et autres ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés attaqués méconnaitraient les dispositions de l’article UA 8 du règlement du PLU de la commune de Levallois-Perret, et par suite, à en demander l’annulation dans cette mesure.
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. O. et autres ainsi que du SDC » Le Chaptal SDC Secondaire CDE » la somme de 1 500 € à verser chacun, d’une part, à la société philanthropique et, d’autre part, à la commune de Levallois-Perret au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la société philanthropique et de la commune de Levallois-Perret, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes.
Décide :
Article 1er : Le jugement du 9 juin 2023 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé en tant qu’il annule les arrêtés des 15 juin 2021 et 1er avril 2022 du maire de Levallois-Perret ainsi que la décision rejetant le recours gracieux du SDC » Le Chaptal SDC Secondaire CDE » en tant qu’ils méconnaissent les dispositions de l’UA 8 du règlement du PLU de la commune de Levallois-Perret.
Article 2 : Les demandes présentées par M. O. et autres devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise sont rejetées dans la mesure mentionnée à l’article 1er.
Article 3 : M. O. et autres ainsi que le SDC » Le Chaptal SDC Secondaire CDE » verseront chacun la somme de 1 500 €, d’une part, à la société philanthropique et, d’autre part, à la commune de Levallois-Perret au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. O. et autres au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le surplus des conclusions des pourvois de la société philanthropique et de la commune de Levallois-Perret est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société philanthropique, à la commune de Levallois-Perret et à M. A. O., premier requérant dénommé.
CE, 24 juillet 2025, n° 479690, Philanthropique (Sté)