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Le CE donne une définition de la commune littorale !

Conseil d’État

N° 347778
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
6ème et 1ère sous-sections réunies
M. Raphaël Chambon, rapporteur
M. Xavier de Lesquen, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP DIDIER, PINET ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ, avocats


lecture du mercredi 14 novembre 2012

REPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


 

Texte intégral

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mars et 20 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la société Neo Plouvien, dont le siège est au 40, avenue des terroirs de France à Paris (75611 Cedex 12) ; la société Neo Plouvien demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 08NT01037 du 28 janvier 2011 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté sa requête tendant, d’une part, à l’annulation du jugement n° 0501812, 0501917 du 28 février 2008 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé l’arrêté du 29 octobre 2004 par lequel le préfet du Finistère lui a accordé un permis de construire huit éoliennes sur le territoire de la commune de Plouvien, d’autre part, au rejet des demandes de l’association Les Abers et de M. et Mme Jean-Jacques A et autres présentées devant le tribunal administratif de Rennes ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de M. Mickaël E, de M. et Mme Bernard B, de M. et Mme Claude D et de M. et Mme Jean-Jacques A, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;




Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 octobre 2012, présentée pour la société Neo Plouvien ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 ;

Vu le décret-loi du 21 février 1852 relatif à la fixation des limites de l’inscription maritime dans les fleuves et rivières affluant à la mer et sur le domaine public maritime ;

Vu le décret du 21 mars 1930 ;

Vu le décret n° 2004-309 du 29 mars 2004 ;

Vu le décret n° 2004-311 du 29 mars 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Raphaël Chambon, Maître des Requêtes,

– les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la Société Neo Plouvien, et de la SCP Didier, Pinet, avocat de M. Bernard B, de M. Claude D et de M. Mikaël E,

– les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la Société Neo Plouvien et à la SCP Didier, Pinet, avocat de M. Bernard B, de M. Claude D et de M. Mikaël E ;




1. Considérant qu’il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, par un arrêté du 29 octobre 2004, le préfet du Finistère a accordé à la société Neo Plouvien un permis de construire huit éoliennes sur le territoire de la commune de Plouvien ; que, par un jugement du 28 février 2008, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté en se fondant sur l’insuffisance de l’étude d’impact s’agissant de l’évaluation de l’impact sonore du fonctionnement des éoliennes ; que, saisie en appel par la société Neo Plouvien, la cour administrative d’appel de Nantes, par un arrêt du 28 janvier 2011, a censuré le motif d’annulation retenu par le tribunal administratif puis, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, a rejeté l’appel de la société en retenant un autre motif d’annulation du permis de construire, tiré de ce que, la commune de Plouvien devant être regardée, pour l’intégralité de son territoire, comme une  » commune riveraine des mers et des océans  » au sens de l’article L. 321-2 du code de l’environnement, le permis litigieux méconnaissait les dispositions du I de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme prohibant l’extension de l’urbanisation hors continuité avec les agglomérations et villages existants ; que la société Neo Plouvien se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Sur l’intervention de l’association France Energie Eolienne :

2. Considérant que l’association France Energie Eolienne a intérêt à l’annulation de l’arrêt attaqué ; qu’ainsi, son intervention est recevable ;

Sur la régularité de l’arrêt attaqué :

3. Considérant que la circonstance qu’à l’issue de l’audience publique qui s’est tenue le 3 novembre 2009, l’affaire ait été rayée du rôle dans l’attente, d’après les indications données par le greffe de la cour, de la solution apportée par le Conseil d’Etat dans une affaire posant des questions similaires, n’est pas de nature à révéler un quelconque pré-jugement de l’affaire ; que la circonstance que l’une des parties seulement ait été informée, à sa demande, du motif de ce renvoi par courrier, lequel ne comportait d’ailleurs aucune précision sur l’affaire pendante au Conseil d’Etat, ne peut être regardée comme une atteinte au principe de l’égalité des armes ou au principe du contradictoire, la cour administrative d’appel n’ayant communiqué aucune information susceptible d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire ;

Sur le bien-fondé de l’arrêt attaqué :

4. Considérant, en premier lieu, que l’article L. 146-1 du code de l’urbanisme dispose que :  » Les dispositions du présent chapitre déterminent les conditions d’utilisation des espaces terrestres, maritimes et lacustres : / – dans les communes littorales définies à l’article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral (…)  » ; que l’article 2 de la loi du 3 janvier 1986, désormais codifié à l’article L. 321-2 du code de l’environnement, dispose que :  » Sont considérées comme communes littorales, au sens du présent chapitre, les communes de métropole et des départements d’outre-mer : / 1° Riveraines des mers et océans, des étangs salés, des plans d’eau intérieurs d’une superficie supérieure à 1 000 hectares ; / 2° Riveraines des estuaires et des deltas lorsqu’elles sont situées en aval de la limite de salure des eaux et participent aux équilibres économiques et écologiques littoraux. La liste de ces communes est fixée par décret en Conseil d’Etat, après consultation des conseils municipaux intéressés  » ; que le décret du 29 mars 2004, désormais codifié à l’article R. 321-1 du code de l’environnement, a établi la liste des communes riveraines d’un estuaire ou d’un delta considérées comme communes littorales au sens du 2° de l’article L. 321-2 ; que la commune de Plouvien ne figure pas sur cette liste ;

5. Considérant que, s’il résulte du 2° de l’article L. 321-2 du code de l’environnement que les communes riveraines des estuaires ne peuvent être classées comme communes littorales par décret en Conseil d’Etat que si elles sont situées en aval de la limite de salure des eaux, ni ces dispositions ni aucun autre texte ne définissent la limite en aval de laquelle les communes doivent être considérées comme  » littorales  » en application du 1° du même article ; que cette dernière limite doit être regardée comme correspondant à la limite transversale de la mer, déterminée, en application de l’article 9 du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure applicable à la date des faits, conformément aux dispositions du décret du 29 mars 2004 et, avant l’entrée en vigueur de ce décret, conformément aux dispositions de l’article 2 du décret du 21 février 1852, aujourd’hui codifiées aux articles R. 2111-5 à R. 2111-14 du code général de la propriété des personnes publiques, qui marque la frontière de la mer à l’embouchure des fleuves et des rivières ; qu’en vertu des dispositions du décret du 29 mars 2004, la délimitation de la limite transversale de la mer à l’embouchure des fleuves et rivières est, le cas échéant, constatée par arrêté préfectoral pris après enquête publique et par décret en Conseil d’Etat si l’avis du commissaire enquêteur est défavorable ;

6. Considérant, par suite, qu’en énonçant que, si la loi ne définit pas la limite aval d’un estuaire, il y a lieu de se référer, pour déterminer cette limite, aux décrets fixant la limite transversale de la mer, la cour administrative d’appel de Nantes n’a pas commis d’erreur de droit ; qu’après avoir, en relevant que la limite transversale de la mer a été fixée, s’agissant de l’estuaire de l’Aber Benoît, par un décret du 21 mars 1930, que la limite de salure des eaux coïncide, en l’espèce, avec la limite transversale de la mer et qu’une partie du territoire de la commune de Plouvien se situe en deçà de ces limites, souverainement apprécié les faits de l’espèce sans les dénaturer, la cour administrative d’appel, dont l’arrêt est suffisamment motivé, n’a pas inexactement qualifié ces faits en estimant que la commune de Plouvien n’était pas une commune riveraine d’un estuaire mais devait être regardée comme une commune riveraine des mers et océans, pour l’intégralité de son territoire, au sens de l’article L. 321-2 du code de l’environnement, et que, par suite, les dispositions du I de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme s’appliquaient sur l’ensemble de son territoire ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes du I de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme, dans sa version applicable au litige :  » L’extension de l’urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. / Par dérogation aux dispositions de l’alinéa précédent, les constructions ou installations liées aux activités agricoles ou forestières qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées peuvent être autorisées, en dehors des espaces proches du rivage, avec l’accord du préfet après avis de la commission départementale des sites, perspectives et paysages. Cet accord est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux paysages  » ; que l’article L. 146-1 du même code dispose que les articles L. 146-1 à L. 146-9 de ce code sont applicables  » à toute personne publique ou privée pour l’exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, installations et travaux divers, la création de lotissements et l’ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes, l’établissement de clôtures, pour l’ouverture de carrières, la recherche et l’exploitation de minerais. Elles sont également applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement  » ;

8. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu interdire toute construction isolée dans les communes littorales et a limitativement énuméré les dérogations à cette règle ; qu’en estimant que la construction d’éoliennes devait être regardée comme une extension de l’urbanisation au sens du I de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme et en jugeant, après avoir relevé, au terme d’une appréciation souveraine des faits, que les éoliennes dont l’implantation a été autorisée par le permis de construire contesté ne se situaient pas en continuité d’une agglomération ou d’un village existant, et que le préfet du Finistère avait méconnu ces dispositions en accordant ce permis de construire, la cour administrative d’appel de Nantes n’a pas commis d’erreur de droit ;

9. Considérant, enfin, que les dispositions du III de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme, aux termes desquelles il peut être dérogé à l’interdiction des constructions ou installations en dehors des espaces urbanisés pour les constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau, ne sont applicables que dans la bande littorale de 100 mètres à compter de la limite haute du rivage ; que, par suite, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit en écartant implicitement mais nécessairement comme inopérant le moyen tiré de ce que la construction des éoliennes autorisée par le permis litigieux, dont il ressort des pièces soumises aux juges du fond qu’elle est prévue en dehors de la bande littorale de 100 mètres, devait bénéficier de la dérogation prévue par le deuxième alinéa du III de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme ;

10. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société Neo Plouvien n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être rejetées ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de cette société la somme globale de 3 000 euros à verser à M. E, à M. et Mme B et à M. et Mme D, au titre de ces dispositions ;



D E C I D E :
————–

Article 1er : L’intervention de l’association France Energie Eolienne est admise.

Article 2 : Le pourvoi de la société Neo Plouvien est rejeté.

Article 3 : La société Neo Plouvien versera à M. E, à M. et Mme B et à M. et Mme D une somme globale de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Neo Plouvien, à M. Mikaël E, et à l’association France Energie Eolienne. Les autres défendeurs seront informés de la présente décision par la SCP Didier et Pinet, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d’Etat.
Copie en sera adressée pour information à l’association Les Abers, à M. et Mme Jean-Jacques A, à M. Jean-Louis F, à M. et Mme Alain G, à M. et Mme Lucien H, à M. et Mme George I, à Mme Annie J, à Mme Bernadette K et à la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

 

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